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eftre dans fes interefts, fift auffi le mefme effet. Pourquoy les Amans, qui font bons Juges de ce qui touche, ne s'adreffent-ils jamais qu'à la nuit, dans toutes les Chanfons & toutes les Elegies que je connois? Il faut bien que la nuit ait leurs remerciemens, luy dis-je. Mais, reprit-elle, elle a auffi toutes leurs plaintes: le jour ne s'attire point leurs confidences; d'où cela vient-il? C'eft apparemment, répondis-je, qu'il n'infpire point je ne fçay quoy de trifte & de paffionné. Il femble pendant la nuit que tout foit en repos. On s'imagine que les Etoi les marchent avec plus de filence que le Soleil; les objets que le Ciel prefente font plus doux; la véue s'y ar refte plus aisément; enfin on en rêve mieux, parce qu'on fe flate d'eftre alors dans toute la Nature la feule perfonne occupée à refver. Peut-eftre auffi que le fpectacle du jour ef trop uniforme, ce n'eft qu'un Soleil, & une yoûte bleue, mais il fe peut que la veuë de toutes ces Etoiles femées confufément, & difpofées au hazard en mille figures differentes, favorife La refverie & un certain defordre de pen

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penfées où l'on ne tombe point fans plaifir. J'ay toûjours fenty ceque vous me dites, reprit-elle, j'aime les Etoiles, & je me plaindrois volontiers du Soleil qui nous les efface, Ah! m'écriay-je, je ne peux luy pardonner de me faire perdre de veuë tous ces Mondes. Qu'appellez vous tous ces Mondes, me dit-elle en me regardant, & en fe tournant vers moy? Je vous demande pardon, répondis-je. Vous m'avez mis fur ma folie, & auffi-toft mon imagination s'eft échappée. Quelle est donc cette folie, repritelle? Helas, repliquay-je, je fuis bien fâché qu'il faille vous l'avouer; je me fuis mis dans la tefte que chaque Etoile pourroit bien eftre un Monde. Je ne jurerois pourtant pas que cela fuft vrav, mais je le tiens pour vray, parce qu'il me fait plaïfir à croire. C'est une idée qui me réjouit, & qui s'eft placée dans mon efprit d'une maniete riante. Sclon moy, il n'y a pas jufqu'aux Veritez à qui l'agrément ne foit neceffaire. Et bien, repritelle, puis que voftre folie eft fi réjouiffante, donnez la-moy, je croiray fur les Etoiles tout ce qu'il vous plaira;

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pour

pourven que j'y trouve du plaifir. Ah! Madame, répondis je bien vifte, ce n'eft pas un plaifir comme celuy que vous auriez à une Comedie de Moliere; c'en est un qui eft je ne fçay où dans la raifon, & qui ne fait rire que l'efprit. Quoy donc, reprit-elle, croyezvous qu'on foit incapable des plaifirs qui ne font que dans la raifon? Je veux tout à l'heure vous faire voir le contraire, aprenez-moy vos Etoiles. Non, repliquay-je, il ne me fera point reproché que dans un Bois, à dix heures du Soir, j'aye parlé de Philofophie à la plus aimable perfonne que que je connoille. Cherchez ailleurs des Philofophes:

med

J'eus beau me défendre encore quelque tems fur ce ton-là, il falut Ceder. Je luy fis du moins promettre pour mon honneur qu'elle me garderoit le fecret, & quand je fus hors d'eftat de m'en pouvoir dedire, & que je voulus parler, je vis que je ne fçavois par où commencer mon dif cours: car à une perfonne comine elle qui ne fçavoir rien en matiere de Phifique; il falolt prendre les chofes de bien loin, pour luy prouver quel

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la

Terre

Terre pouvoit eftre une Planete, les Planetes autant de Terres, & toutes les Etoiles autant de Soleils qui éclai roient des Mondes. J'en revenois toujours à luy dire qu'il auroit mieux valu s'entretenir de bagatelles, com me toutes perfonnes raifonnables aú roient fait en noftre place. A la fin cependant, pour luy donner une idée generale de la Philofophie, voicy par où je commençay. Toute la Philo fophie, luy dis-je, n'eft fondée que fur deux chofes, fur ce qu'on a l'efprit curieux, & les yeux mauvais: car fi vous aviez les yeux meilleurs que

Vous ne

verriez bien fi les Etoiles font de Soleils qui éclai Prent autant de Mondes, ou fi clles n'en font pas: & fi d'un autre côté vous eftiez moins curicufe, vous ne vous foucieriez pas de le fçavoir, ce qui reviendroit au mefme. Mais on vent fçavoir plus qu'on ne voit, c'eft-là la difficulté. Encore fi ce qu'on voit, on le voyoit bien, ce feroit toujours autant de connu, mais on le voit tout autrement qu'il n'eft. Ainfi les vrais Philofophes paffent leur vie à ne point croire ce qu'ils voyent, & à tacher

de

de deviner ce qu'ils ne voyent point, & cette condition n'eft pas, ce me femble, trop à envier. Sur cela je me figure toûjours que la Nature eft un grand Spectacle, qui reffemble à celuy de l'Opera. Du lieu où vous eftes à l'Opera, vous ne voyez pas le Théatre tout-à-fait comme il eft; on a difpofé les Décorations & les Machines pour faire de loin un effet agreable, & on cache à voftre veuë ces roues & ces contrepoids qui font tous les mouvemens. Auffi ne.yous embaraffez-vous guere de deviner comment tout cela joue. Il n'y a peut-eftre que quelque Machinifte, caché dans le Parterre, qui s'inquiete d'un Vol qui luy aura paru extraordinaire, & qui veut abfolument démefler comment ce Vol a efté executé. Vous voyez bien que ce Machiniste-là est affez fait comme les Philofophes. Mais ce qui à l'égard des Philofophes augmente la difficulté, c'eft que dans les Machines que la Nature prefente à nos yeux, les cordes font parfaitement bien cachées, & elles le font fi bien, qu'on a efté long-temps à deviner ce qui caufoit les mouvemens de l'Univers; car

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