où nous fommes à prefent, je ne dis pas dans ce arc, mais dans ce mesme lieu àle prendre dans l'air, il y paffe continuellement d'autres Peuples qui prennent noftre place, & au bout de vingtquatre heures nous y revenons. Copernic, luy répondis-je, ne le comprendroit pas mieux. D'abord il paffera par icy des Anglois qui raifonneront peut-eftre de quelque deffein de Politique avec moins de gayeté que nous ne raifonnons de nostre Philofophie; enfuite viendra une grande Mer, & il fe pourra trouver en ce lieu là quelque Vaiffeau qui n'y fera pas fi à fon aife que nous. prés cela paroiftront des Iroquois, qui mangeront tout vif quelque prifonnier de guerre, qui fera femblant de ne s'en pas foucier; des Femmes de la Terre de Jeffo, qui n'emplo yeront tout leur temps qu'à préparer le repas de leurs Maris, & à fe peindre de bleu les lévres & les fourcils, pour plaire aux plus vilains Hommes du monde ; des Tartares qui itont fort devotement en Pelerinage vers ce Grand Preftre, qui ne fort jamais d'un lieu obfcur où il n'eft

A

éclairé

éclairé que par des Lampes, à la lumiere defquelles on l'adore; de bel. les Circaffiennes qui ne feront aucune façon d'accorder tout au premier venu, horfinis ce qu'elles croyent qui appartient effentiellement à leurs Maris, de petits Tartares qui iront voler des Femmes pour les Turcs & pour les Perfans; enfin, nous qui debiterons peut eftre encore des refveries.

Il eft affez plaifant, dit la Marquife, d'imaginer ce que vous venez de me dire; mais fi je voyois tout cela d'enhaut, je voudrois avoir la liberté de hâter ou d'arêter le mouvement de la Terre, felon que les objets me plairoient plus ou moins, & je vous affure que je ferois paffér bien vifte ceux qui s'embaraflent de Politique, ou qui mangent leurs Ennemis; mais il y en a d'autres pour qui j'aurois de la curiofité. J'en aurois pour ces Belles Circaffiennes, par exemple, qui ont un ufage fi particulier. Mais il me vient une difficulté ferieufe. Si la Terre tourne, nous changeons d'air à chaque moment, & nous refpirons toûjours C2 celuy

celuy d'un autre Païs. Nullement, Madame. répondis-je, l'air qui environne la Terre ne s'étend que jufqu'à une certaine hauteur, peut-eftre jufqu'à vingt lieües; il nous fuit, & tourne avec nous. Vous avez veu quelque-fois l'ouvrage d'un Ver à foye, ou ces Coques, que ces pe tits animaux travaillent avec tant d'art pour s'y emprifonner. Elles font couvertes d'un certain duvet fort leger & fort lâche. C'eft ainfi que la Terre qui eft affez folide, eft couverte depuis fa furface jufqu'à vingt lieues de hauteur tout au plus, d'une efpece de duvet, qui eft l'air, & toute la Coque de Ver à Soye tourne en mefme temps. Au delà de l'air eft la matiere celefte, incomparablement plus pure, plus fubtile, & mefme plus agitéc qu'il n'eft.

Vous me prefentez la Terre fous des idées bien méprifables, dit la Marquife. C'eft pourtant fur, cette Coque de Ver à Soye qu'il fe fait de fi grands Travaux, de fi grandes Guerres, & qu'il regne de tous coftez une fi grande agitation. Ouy, répondis-je, & pendant ce temps-là,

la

la Nature, qui n'entre point en connoiffance de tous ces petits mouvemens particuliers, nous emporte tous ensemble d'un mouvement general, & fe joue de fa petite boule.

Il me femble; reprit elle, qu'il -cit ridicule d'eftre fur quelque chole •quistournelov& de le tourmenter itant, mais le malheur eft qu'on n'eft pas affez affuré qu'on tourne, car enfin à ne vous rien celer, toutes les precautions que vous pre-nez; pour empêcher, qu'on ne s'apperçoive du mouvement de la Terre, me font fufpectes. Eft-il poffible qu'il ne laiffera pas quelque petite marque fenfible à laquelle on le reg connoille.

Les mouvemens les plus naturels, répondis-je, & les plus ordinaires font ceux qui fe font le moins fentir, & cela eft vray jufque dans la Morale. Le mouvement de l'Amour propre nous eft fi naturel, que le plus fouvent nous ne le fentons pas, & que nous croyons agir par d'autres principes. Ah! vous moralifez, dit elle, quand il eft question de Phifique, cela s'appelle baailler. C 3

[...

Re

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Retirons-nous, auffi bien en voila affez pour la premiere fois. Demain nous reviendronsicy, vous avec vos Siftêmes, & moy avec mon ignorance.

En retournant au Chateau je luy dis pour épuifer la matiere des Siftêmes, qu'il y en avoit un troifiéme inventé par Ticho-brahé, qui voulant abfolument que la Terre fuft immobile, la plaçoit au centre du Monde, & faifoit tourner autour d'elle le Soleil, autour duquel tournoient toutes les autres Planetes!, parce que depuis les nouvelles Découvertes, il n'y avoit pas de moyen de faire tourner les Planetes autour de la Terre. Mais la Marquife qui a le difcernement vif & prompt, jugea qu'il y auoit trop d'affectation à exempter la Terre de tourner autour du Soleily puis qu'on n'en pouvoit pas exempter tant d'autre grands Corps; que le Soleil n'eftoit plus fi propre à tourner autour de la terre,depuis que tous les Planetes tournoient autour de luy; que ce Siftême ne pouvoit eftre propre tout au plus, qu'à foûtenir l'iminobilité de la Terre, quand