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A ma tendre amitié répond avec horreur.

ANTOINE.

Et quel eft cet enfant ? Quel ingrat peut-il être,
Si peu digne du fang dont les Dieux l'ont fait naître?
CÉSAR..

Écoute: tu connois ce malheureux Brutus,
Dont Caton cultiva les farouches vertus "
De nos antiques loix ce défenfeur auftere,
Ce rigide ennemi du pouvoir arbitraire,
Qui toujours contre moi, les armes à la main,
De tous mes ennemis a fuivi le deftin:

Qui fut mon prifonnier aux champs de Theffalie:
A qui j'ai, malgré lui, fauvé deux fois la vie :
Né, nourri loin de moi chez mes fiers ennemis.

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Dieux ! la fœur de Caton, la fiere Servilie!

CESAR.

Par un hymen fecret elle me fut unic..

Ce farouche Caton, dans nos premiers débats,
La fit prefqu'à mes yeux paffer en d'autres bras ;
Mais le jour qui forma ce fecond hyménée,
De fon nouvel époux trancha la deftinée.
Sous le nom de Brutus mon fils fut élevé.
Pour me haïr, ô ciel ! étoit - il réservé ?
Mais listu fauras tout par cet écrit funcíte.

ANTOINE. ( Illit).

Céfar, je vais mourir. La colere céleste
Va finir à la fois ma vie & mon amour.
Souviens - toi qu'à Brutus Céfar donna le jour=
Adieu. Puiffe ce fils éprouver pour fon pere
L'amitié qu'en mourant te confervoit fa mere!
Servilie:

Quoi! faut-il que du fort la tyrannique loi,
Céfar, te donne un fils fi peu semblable à toì?
CÉSAR.

Il a d'autres vertus; fon fuperbe courage
Flatte en fecret le mien, même alors qu'il l'outrage.
Il m'irrite, il me plaît. Son cœur indépendant
Sur mes fens étonnés prend un fier afcendant.
Sa fermeté m'impose, & je l'excuse même,
De condamner en moi l'autorité fuprême :
Soit qu'étant homme & pere, un charme féducteur,
L'excufant à mes yeux, me trompe en fa faveur :
Soit qu'étant né Romain, la voix de ma patrie
Me parle, malgré moi, contre ma tyrannie ;
Et que la liberté, que je viens d'opprimer,

Plus forte encor que moi, me condamne à l'aimer.
Te dirai je encor plus? Si Brutus me doit l'être,
S'il eft fils de Céfar, il doit hair un maître.

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J'ai pensé comme lui dès mes plus jeunes ans :
J'ai détesté Sylla, j'ai haï les tyrans.
J'euffe été citoyen, fi l'orgueilleux Pompée
N'eût voulu m'opprimer fous fa gloire ufurpée.
Né fier, ambitieux, mais né pour les vertus,
Si je n'étois Céfar, j'aurois été Brutus.
Tout homme à fon état doit plier fon courage.

Brutus tiendra bientôt un différent langage,
Quand il aura connu de quel fang il eft né.
Crois-moi, le diadême à fon front deftiné
Adoucira dans lui fa rudeffe importune:

Il changera de moeurs en changeant de fortune.
La nature, le fang, mes bienfaits, tes avis,
Le devoir, l'intérêt, tout me rendra mon fils.
ΑΝ ΤΟΙΝ Ε.

J'en doute. Je connois fa fermeté farouche:
La fecte dont il eft n'admet rien qui la touche,
Cette fecte intraitable, & qui fait vanité
D'endurcir les efprits contre l'humanité,

Qui dompte & foule aux pieds la nature irritée,
Parle feule à Brutus & feule est écoutée.

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Ces préjugés affreux, qu'ils appellent devoir,
Ont, fur ces cœurs de bronze, un absolu pouvoir.
Caton même, Caton, ce malheureux ftoïque,
Ce héros forcené, la victime d'Utique,

Qui fuyant un pardon qui l'eût humilié,
Préféra la mort même à ta tendre amitié :

Caton fut moins altier, moins dur, & moins à craindre,

Que l'ingrat qu'à t'aimer ta bonté veut contraindre. CÉSAR.

Cher ami, de quels coups tu viens de me frapper ! Que m'as-tu dit?

ANTOINE.

Je t'aime, & ne te puis tromper.
CÉSAR.

Le tems amollit tout.

ANTOINE.

Mon cœur en défefpere.

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N'importe, je fuis pere.

J'ai chéri, j'ai fauvé mes plus grands ennemis :
Je veux me faire aimer de Rome & de mon fils;
Et, conquérant des cœurs vaincus par ma clémence,
Voir la terre & Brutus adorer ma puiffance.
C'est à toi de m'aider dans de fi grands deffeins :
Tu m'as prêté ton bras pour dompter les humains :
Dompte aujourd'hui Brutus, adoucis fon courage,
Prépare par degrés cette vertu fauvage

Au fecret important qu'il lui faut révéler,
Et dont mon cœur encore héfite à lui parler.
ANTOINE.

Je ferai tout pour toi; mais j'ai peu d'efpérance.

SCENE

1 I.

CÉSAR, ANTOINE, DOLABELLA.

DOLABELLA.

CESAR, les sénateurs attendent audience :

A ton ordre fuprême ils fe rendent ici.

CÉSAR.

Ils ont tardé long-tems. . . Qu'ils entrent.

ANTOINE.

Les voici

Que je lis fur leur front de dépit & de haine !:

SCENE III.

CÉSAR, ANTOINE, BRUTUS, CASSIUS, CIMBER, DÉCIMUS, CINNA, CASCA, &c. Licteurs.

V

CÉSAR, affis.

ENEZ, dignes foutiens de la grandeur Romaine, Compagnons de Céfar. Approchez, Caffius,

Cimber, Cinna, Décime; & toi, mon cher Brutus.
Enfin voici le tems, fi le ciel me feconde,
Où je vais achever la conquête du monde,
Et voir dans l'Orient le trône de Cyrus

Satisfaire, en tombant, aux mânes de Craffus.
Il est tems d'ajouter, par le droit de la guerre,
Ce qui manque aux Romains des trois parts de la

terre.

Tout eft prêt, tout prévu pour ce vafte deffein :
L'Euphrate attend Céfar; & je pars dès demain.
Brutus & Caffius me fuivront en Afie :
Antoine retiendra la Gaule & l'Italie.
De la mer Atlantique, & des bords du Bétis,
Cimber gouvernera les Rois affujettis.
Je donne à Décimus la Grece & la Lycie,
A Marcellus le Pont, à Cafca la Syrie..
Ayant ainfi réglé le fort des Nations,

Et laiffant Rome heureufe & fans divifions,
11 ne reste au Sénat, qu'à juger fous quel titre
De Rome & des humains je dois être l'arbitre.
Sylla fut honoré du nom de Dictateur :
Marius fut Conful, & Pompée Empereur.
J'ai vaincu le dernier ; & c'eft affez vous dire

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