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Quelques erreurs? On a pu en relever. Le livre n'en reste pas moins un livre qui était à faire et qui est fait.

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Louis TIERCELIN.

J. LOUTCHISKY. La petite propriété en France avant la Révolution et la vente des biens nationaux, Paris, Champion, 1897.

Le distingué professeur de l'Université de Kiev, déjà bien connu en France par ses travaux sur la Réforme, étudie en ce moment deux sujets d'un très haut intérêt pour l'histoire sociale. En quoi consistait exactement la petite propriété à la veille de la Révolution? La vente des biens nationaux a-t-elle réellement profité aux populations rurales? Telles sont les deux questions que M. Loutchisky traite simultanément; et de fait, on ne saurait guère les séparer.

L'auteur, dans la Revue Historique de septembre 1895, nous a déjà donné les premiers résultats de son enquête; il nous apporte aujourd'hui des conclusions d'un intérêt plus général, en attendant le grand ouvrage définitif qu'il nous promet. C'est qu'en effet l'étude qu'a entreprise M. Loutchisky est singulièrement longue et difficile. Il se propose de dresser une statistique complète de la propriété des paysans avant 1789. C'est le seul procédé de résoudre une question si controversée, et la seule méthode de travail est celle qu'a suivie l'auteur le premier, il a utilisé d'une façon systématique les seuls documents authentiques, qui puissent nous donner des renseignements sûrs, c'est-à-dire les rôles des vingtièmes, véritable cadastre dressé par l'administration royale dans un but fiscal.

M. L. a déjà étudié un grand nombre de départements. Il se contente aujourd'hui de nous donner les résultats complets de sa statistique pour le Laonnois.

Elle nous apprend que les propriétés de la noblesse comprenaient 30% du territoire; celles du clergé 25 % seulement; celles de la bourgeoisie 20%; et que les paysans possédaient en toute propriété 30% du sol. Nous voyons en outre que les paysans forment 91 %, du nombre total des propriétaires. Il y a donc, parmi eux, un très grand nombre de propriétaires, et chacun d'eux ne détient qu'une propriété de faible étendue. — M. Loutchisky a parfaitement raison d'assimiler

aux paysans les habitants des villages, que les rôles dénomment marchands ou artisans, car le commerce ou le métier qu'ils exercent ne les empêche pas d'être en même temps des cultivateurs. Cette observation est fort importante, et elle sera retenue par tous ceux qui cherchent à se rendre compte de la situation réelle des classes sociales.

Il est donc vrai qu'avant la Révolution, les paysans possèdent déjà une part importante de la propriété foncière. Mais il n'eût pas été inutile d'indiquer que la plus grande portion de la terre que cultivent ces paysans ne leur appartient pas, qu'il y a des fermiers à temps, et aussi des tenanciers, héréditaires, il est vrai, mais dont l'usufruit perpétuel est grevé des redevances et des services si variés du régime domanial. La Révolution, en supprimant ce que les contemporains appellent improprement le régime féodal, a eu pour effet de transformer la tenure du paysan en une propriété indépendante.

Le travail de M. Loutchisky tend aussi à prouver que la vente des biens nationaux a eu pour résultat d'accroître parmi les cultivateurs le nombre des propriétaires et l'étendue de la propriété paysanne. Dans le district du Laonnois, la vente des biens d'Eglise qui eut lieu en 1791 et 1792 profita presque uniquement aux paysans, qui achetèrent 89% de ces terres, tandis que la bourgeoisie n'en acquit que 11 。. En 1793, les terres des émigrés ne passèrent aux mains des paysans que dans la proportion de 50 %, et le rôle de la bourgeoisie est beaucoup plus considérable. Il est certain aussi que dans les environs des villes, la vente des biens nationaux a plus profité à la bourgeoisie qu'aux paysans c'est là un fait général et que l'on pouvait prévoir a priori (1).

M. Loutchisky conteste l'existence des fameuses bandes noires, qui auraient exploité la vente des biens nationaux au profit de capitalistes. Ceux-ci n'auraient spéculé que d'une façon isolée, et, au contraire, la plupart des associations pour l'achat des biens se seraient composées de laboureurs et d'artisans et auraient permis à ces paysans d'acquérir des terres à bon compte. La loi de 1793, qui

(1) En Seine-et-Oise, la plupart des biens nationaux furent achetés par des bourgeois de Paris, comme le prouve le travail de M. Boris Minzès, Die Nationalgüter-veräusserung während der französischen Revolution, Iéna, 1892.

déclare frauduleuses ces associations, aurait été défavorable aux paysans, qui, dès ce moment, se montrent en effet moins ardents aux achats; elle n'aurait servi que les intérêts de la bourgeoisie. Telle est la théorie que l'auteur dégage des études qu'il a déjà faites; elle paraît très vraisemblable, mais nous ne pourrons en juger définitivement la valeur que lorsque les résultats complets du travail auront paru.

Quoi qu'il en soit, M. Loutchisky a découvert la véritable origine de l'opinion qui veut que la vente des biens nationaux n'ait profité qu'à la bourgeoisie au moment où l'on discutait le projet de sécularisation, parurent de nombreuses brochures, inspirées par le parti du clergé et qui soutenaient que cette sécularisation serait funeste aux intérêts des pauvres, assistés par les fondations ecclésiastiques, qu'elle n'améliorerait en aucune façon le sort des paysans, et qu'elle n'aurait pour résultat que d'enrichir les spéculateurs et les capitalistes. Or, cette théorie, comme la théorie adverse, d'ailleurs, ne peut préjuger la question, car elle est antérieure à la vente des biens nationaux; ce qui n'a pas empêché qu'elle ait servi d'argument aux historiens modernes, qui soutiennent la même opinion. Or, seul l'examen impartial et critique des documents d'archives peut trancher le débat. Il faut louer M. Loutchisky d'avoir suivi la bonne voie, et il faut souhaiter qu'il mène bientôt à bonne fin le travail si intéressant qu'il a si courageusement entrepris.

Henri SEE.

G. SAULNIER DE LA PINELAIS. Le barreau du Parlement de Bretagne (1553-1790), 1 vol. in-8° de 340 p., Rennes et Paris, 1896.

Cette consciencieuse étude sera lue avec profit par toutes les personnes qui s'intéressent à l'histoire des Parlements. M. Saulnier de la Pinelais a tiré bon parti non seulement des documents imprimés, mais des riches archives du Parlement de Bretagne. Il nous décrit avec netteté les attributions et les privilèges des procureurs et des avocats; il nous montre comment ils participent à la vie du Parlement.

Les procureurs forment une véritable corporation soumise à des

règles très étroites; le Parlement exerce à leur égard une discipline très sévère, et qui ne paraît pas avoir été inutile, car leurs procédés ont souvent laissé à désirer. L'auteur croit cependant que leur mauvais renom n'est pas entièrement mérité; il plaide du moins les circonstances atténuantes.

Les avocats ne constituent pas un corps comme les procureurs, mais simplement un ordre. Ils ont une bien plus grande indépendance et ils sont autrement estimés. M. Saulnier de la Pinelais insiste avec complaisance sur les jurisconsultes éminents, comme Frain, Hévin, Poullain du Parc, qui ont illustré le barreau de Rennes. Et, parmi ces avocats, il y a eu aussi des orateurs renommés; les contemporains admiraient fort l'emphase, les interminables digressions, les fleurs de rhétorique, qui distinguaient cette éloquence judiciaire. Toutefois, au XVIIIe siècle, sous l'influence de juristes à l'esprit précis, les plaidoyers deviennent beaucoup plus sobres.

L'auteur a raison d'insister sur l'attitude des avocats au début de la Révolution après avoir d'abord soutenu la cause du Parlement, tant que celui-ci attaquait l'absolutisme royal, ils se sont nettement séparés de lui, quand il a pris parti pour les ordres privilégiés. En Bretagne, comme partout ailleurs, les avocats ont vigoureusement défendu le Tiers Etat; et ceux qui avaient été députés aux Etats généraux ont approuvé tous les actes révolutionnaires de la Constituante.

Henri SEE.

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Charles LE GOFFIC: Gens de mer. Sur la côte.

et Ci, in-12 de XI + 321 pages.

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Recueil très important et d'attrayante lecture. Les fragments qui le composent (parus d'abord dans la Revue bleue) sont intimement rattachés par le lien d'une sympathie généralement éclairée pour les pêcheurs de nos côtes, d'une pensée d'amélioration du sort matériel de ces marins.

Neuf études I. L'hôtesse et le marchand d'hommes [ignobles exploiteurs des marins]. II. Les derniers baleiniers [français]. III. Trois vigiles des morts [en Basse-Bretagne, à la côte]. — IV. Pilleurs d'épaves [au Pays de Léon]. — V. Une visite à l'île de Sein.

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[de Morlaix] d'après des documents inédits. IX. Le Pollet d'aujourd'hui.

Sauf le dernier, tous ces articles intéressent directement le commerce breton. Je recommande en particulier la lecture des chapitres sur les Terreneuvas et sur les Islandais.

Dans un Terreneuvier de Saint-Servan retour du Banc; notes d'une visite à bord (1), où j'ai simplement fait œuvre de reporter consciencieux, on ne trouve, sur les causes de la décadence de la pêche de la morue des bancs de Terre-Neuve, que la réponse très sommaire d'un capitaine terreneuvier à mes questions, aux questions d'un inconnu. Tandis que les enquêtes de M. Le Goffic, faites surtout au point de vue du traitement des hommes, contiennent notamment une série de preuves irréfragables de la conduite odieuse tenue à leur égard par un trop grand nombre d'armateurs.

Je reviendrai ailleurs sur les armements terreneuviers.

La conclusion de l'étude (2) sur Cornic est à citer : « Cornic, dit Charles Alexandre, a été la grande victime du privilège. Arrêté, écrasé dans son développement, persécuté par le Grand-Corps [des officiers << nobles »], il résume la douloureuse épopée des Officiers-Bleus [<< vils roturiers! »]. » — « Ce n'est point assez dire, » ajoute M. Le Goffic, « et son aventure comporte une leçon plus haute, en ce qu'elle est l'éternelle histoire du mérite personnel en conflit avec l'esprit de caste et fatalement, inexorablement étouffé par lui. >>

On sait que grâce à l'initiative de M. Le Goffic, Cornic a enfin, dans sa ville natale, un monument digne de lui.

L. VIGNOLS.

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(1) Annales de Bretagne, avril 1996.

(2) Il est regrettable que l'auteur se soit borné à une esquisse. Peut-être a-t-il l'intention de donner une biographie plus complète; cette intention expliquerait le manque de précision des références, l'absence de renvois à l'article de Charles Alexandre sur Cornic dans la Biographie bretonne (Vannes et Paris, 1852-57, 2 in-8 j.), t. I, p. 452-61, article qui est un bon résumé de la brochure du même auteur, citée par M. Le Goffic, ainsi qu'à l'article de Levot sur Cornic-Dumoulin (ubi-supra, p. 462. Les articles de Levot sur ces deux Cornic, dans la Biographie Horfer, XI [année 1855], col. 884-89, n'apprennent rien de plus; le premier n'est même qu'un abrégé de l'article de la Biographie bretonne).

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