Il n'eft Temple fi faint, des Anges refpecté, Je vous l'ai déja dit, aimez qu'on vous cenfure, 60 Et fouple à la Raifon, corrigez fans `murmure. Mais ne vous rendez pas dès qu'un Sot vous reprend. Souvent dans fon orgueil un fubtil Ignorant, Par d'injuftes dégoûts combat toute une Pićce; Blâme des plus beaux Vers la noble hardieffe. 65 On a beau réfuter ses vains raisonnemens: Son Efprit fe complaît dans fes faux jugemens; Et fa foible raison, de clarté dépourvuë, Penfe que rien n'échape à fa débile vuë, Ses confeils font à craindre; & fi vous les croïez, 70 Penfant fuir un écueil, fouvent vous vous noïez. Faites choix d'un Cenfeur folide & falutaire, Que la Raifon conduife, & le Savoir éclaire; Er dont le craïon fûr, d'abord aille chercher L'endroit, que l'on fent foible, & qu'on le veur cacher. 75 Lui feul éclaircira vos doutes ridicules : C'est lui qui vous dita, par quel transport heureux Quelquefois dans fa courfe un Esprit vigoureux Trop refferré par l'Art, fort des régles prescrites, 80 Et de l'Art même apprend à franchir deurs limites. Mais ce parfait cenfeur le trouve rarement. Tel excelle à rimer qui juge fottement. Tel s'eft fait par fes Vers diftinguer dans la Villej Qui jamais de Lucain n'a diftingué Virgile.. 85 Auteurs, prêtez l'oreille à mes instructions. Voulez-vous faire aimer vos riches fictions? Qu'en favantes leçons votre Muse fertile Par tout joigne au plaifant le folide & l'utile. Un Lecteur fage fuit un vain amusement, 90 Et veut mettre à profit fon divertiffement. Que votre Ame & vos Moeurs peintes dans vos ouvrages. N'offrent jamais de vous que de nobles images, Je ne puis eftimer ces dangereux Auteurs, Qui de l'honneur en Vers infames deferteurs qui font deux mots féminins. Mr. Gibert, Profeffeur de Rhétorique au Collége des quatre Nations, eft le premier qui ait fait apercevoir cette faute à Vers 84. Qui jamais de Lucain n'a diftingué Virgile.] C'eft Mr. Corneille l'Aîné. * Vers 91. Que votre ame & vos mœurs peintes dans vos ou ·urages. ] Dans toutes les édi-l'Auteur. Il en convint fur le tions l'Auteur avoit mis Peints dans tous vos ouvrages; quoique ce mot, peints, qui eft un Participe mafculin, fe raportât à Ame & à mœurs, champ, & s'éronna fort qu'elle eût échapée pendant fi longtems à la critique de fes amis, & de fes ennemis. Vers 88. Par tout joigne au plaisant le folide & l'utile. ] Art Poetique d'Horace, V.1343. 4 Omne tulit pundum, qui mifuit utile dulci,&c. 95 Trahiffant la Vertu fur un papier coupable, 1 Fuïez fur tout, fuïez ces baffes jalousies, Vers 97. De ces triftes a le plus reprochez, fes pieces Efprits. Mr. Nicole, pour fa- ne lailloient pas d'être contrai tisfaire, comme il le dit, au res à l'Evangile : & qu'elles défir d'une perfonne de très-corrompent l'efprit & le cœur grande condition, & d'une eminente piété, avoit fait un petit traité de la Comédie, dans lequel il fe fervoit de quelques exemples tirés des Tragédies de Mr. Corneille, pour prou-ne; où notre Auteur déligne ver que, quoique ce grand la Tragicomédie du Cid, Poete eût tâché de purger le damnée dans l'écrit de Mr. NiThéatre des vices que l'on lui cole. par les fentimens payens & profanes qu'elles infpirent C'est à quoi fait allution le vers 100. Traitent d'Empoifonneurs & Rodrigue & Chime COT 115 Du merite éclatant cette fombre Rivale Contre lui chez les Grands inceffamment cabale, Ne defcendons jamais dans ces lâches intrigues. 125 Travaillez pour la Gloire, & qu'un fordide gain crime, Tirer de fon travail un tribut légitime: Mais je ne puis fouffrir ces Auteurs renommez, 130 Qui dégoutez de gloire, & d'argent affamez, Mettent leur Apollon aux gages d'un Libraire ; Et font d'un Art divin, un métier mercenaire. Avant que la Raifon, s'expliquant par la voix, Eût inftruit les Humains, eût enfeigné des Loix: 135 Tous les Hommes fuivoient la grofiére Nature; Difperfez dans les bois couroient à la pâture. La Force tenoit lieu de droit & d'équité : Le meurtre s'exerçoit avec impunité. Vers 121. Que les vers ne foient pas votre éternel emplo.] Mr. de la Fontaine n'avoit pour tout mérite que le ta lent de faire des vers : & ce talent fi rare, n'eft pas celui qui fournit le plus de qualitez pour la fociété civile. Mais du Difcours enfin l'harmonieufe adreffe 140 De ces fauvages mœurs adoucit la rudesse; Raffembla les Humains dans les forêts épars, Enferma les Citez de murs & de ramparts; De l'afpect du fupplice effraïa l'infolence, Et fous l'appui des Loix mit la foible Innocence. 145 Cet ordre fur, dit-on, le fruit des premiers Vers.. De là font nez ces bruits reçûs dans l'Univers, Qu'aux accens, dont Orphée emplit les monts de Thrace Les Tigres amollis dépouilloient leur audace: Qu'aux accords d'Amphion les pierres fe mouvoient, 150 Et fur les murs Thébains en ordre s'élevoient. L'Harmonie, en naiffant, produifit ces miracles. Depuis, le Ciel en Vers fit parler les Oracles; Du fein d'un Prêtre, émû d'une divine horreur, Apollon par des Vers exhala fa fureur. 155 Bien-tôt, reffufcitant les Heros des vieux âges, Homere aux grands exploits anima les courages. Héfiode à son tour, par d'utiles leçons, Des champs trop paresseux vint hâter les moissons. En mille Ecrits fameux la Sageffe tracée, 160 Fut, à l'aide des Vers, aux Mortels annoncée ; Et par tout des Efprits fes préceptes vainqueurs, Introduits par l'oreille, entrerent dans les cœurs, Vers 147. Qu'aux accens, dont Orphée, &c.] Poëtique d'Ho- Silveftres homines facer, interprefque Deorum. |