ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

eette grace, & qui ne perdent pas cette robe d'innocence par une vie remplie de péchés.

Mais remarquez, THEOTIME, que j'ai dit que cet âge est le moins corrompu, parlant ordinairement, & felon l'ordre naturel des chofes; parce qu'il n'eft que trop véritable qu'il s'y trouve fouvent beaucoup de corruption: mais cela eft contre l'ordre que la nature même a établi, qui a donné à cette premiere partie de la vie la fimplicité de l'efprit, & l'innocence des mœurs pour partage; & ceux-là font d'autant plus coupables, qui corrompent par leur malice & par leur dépravation les bonnes qualités que la nature même leur avoit données apprenant le mal & courant après lui en un âge où elle ne leur enfeigne que la fimpli cité & l'innocence.

La troifiéme raifon qui montre que Dieu dé fire finguliérement d'être fervi de vous dans votre jeuneffe, cher THÉOTIME, eft que c'eft le temps où vous avez plus d'occafions de faire paroître que vous l'aimez véritablement. C'eft le temps des premieres tentations, dans lequel vous commencez à être follicité de renoncer à son amour & au fervice que vous lui devez. Vous en êtes tenté par vos propres paffions qui font alors dans leur premiere impétuofité: tenté par ceux de votre âge qui vous follici'tent fouvent au mal, ou par leur exemple, où par leurs difcours : tenté par l'ennemi de vo tre falut, qui fait tous les efforts pour vous retirer du fervice de Dieu, & pour s'affurer de bonne heure de votre perfonne. De forte que c'eft proprement ce temps-là qu'on peut

1

appeller le temps de combat & d'épreuve; dans lequel vous montrez que vous aimez Dieu d'un amour conftant & véritable, fi vous réfiftez courageufement à fes premiers afsauts. C'eft peu de chofe d'être généreux dans le temps de la paix ; avoir du courage, quand on n'eft point attaqué; ne faire point de mal, lorfqu'on n'eft pas tenté : mais réfifter au mal & fuir le péché dans le temps de la tentation, dans l'âge où l'on eft follicité d'abandonner le fervice de Dieu, c'eft une preuve certaine d'une véritable vertu, & une marque affurée qu'on aime Dieu par-deffus toutes chofes.

&

Ces raifons, THEOTIME, nous font connoître que Dieu aime finguliérement le fervice de la jeuneffe, & que cet âge étant employé à la fuite du péché & au fervice de Dieu, eft le plus agréable facrifice que vous puiffiez lui préfenter. Et comme dit très-bien un docte Auteur, ceux qui en cet âge de la jeuneffe fe furmontent eux-mêmes, & qui résistent courageufement aux tentations du péché, pour fe donner entiérement au fervice de Dieu, ils font de leur jeuneffe un facrifice continuel, dans lequel ils offrent à Dieu une hoftie vivante, hoftie très agréable à Dieu, hoftie fans tache puifqu'ils ont horreur de la faleté du péché, hoftie parfaite de tout point. O THÉOTIME, retenez bien cette vérité, & ne l'oubliez jamais.

CHAPITRE

CHAPITRE IV.

Que Dieu aime fingulièrement les jeunes gens, & qu'il fe plaît à leur faire beaucoup de graces.

JE dis davantage, THEOTIME, que non-feu

lement Dieu défire d'être fervi de vous en votre jeuneffe, mais qu'il vous aime à cet âge d'un amour tout particulier, & qu'il fe plaît à vous faire en ce temps-là plus de grace qu'en aucun autre, pour vous aider à le fervir, & pour vousy attirer plus fortement. Cette vérité n'eft pas moins affurée que la précédente: voici comme je la montre.

Dieu fe plaît à affifter particuliérement de fes graces trois fortes de perfonnes; les foibles, les fimples, c'est-à-dire, ceux qui ont moins de connoiffance du mal, & les humbles. Les foibles, parce que c'eft-là où fa grace paroît davantage. Lés fimples, parce qu'ayant moins de connoiffance du mal, ils mettent ordinairement moins d'empêchement à la grace de Dieu, qui ne rejette point le fimple, comme dit l'Ecriture, & qui n'affifte pas les méchans. Les humbles, parce que comme l'orgueil eft le péché qui met le plus d'obftacle à la grace de Dieu, auffi l'humilité eft la meilleure dif pofition pour l'obtenir, felon cette parole de l'Ecriture: Dieu réfifte aux fuperbes, & il donne fa grace aux humbles.

Or ces trois qualités fe rencontrent ordinairement dans la jeuneffe. Elle eft plus foible non-feulement de corps, mais d'efprit, le ju

B

[ocr errors]

gement n'étant pas encore bien formé par la connoiffance & par l'expérience, ni la volonté affez affermie contre les chofes qui lui peuvent donner des impreffions contraires à fon bien. Elle a plus de fimplicité, ayant moins de connoiffance du mal & moins de difcerne-ment que dans les âges plus avancés. Elle a auffi plus d'humilité, parce qu'elle a plus de difpofition à obéir & à être foumife. Et fi l'orgueil fe rencontre, comme il n'arrive que trop dans les jeunes efprits, cela vient d'une extrême dépravation qui renverfe l'ordre des chofes, & qui détruit la nature même.

De-là il s'enfuit clairement que Dieu qui fe plaît à faire paroître fa bonté envers ceux qui en ont plus de befoin, quand ils ne s'en rendent pas indignes, prend plaifir à communiquer les graces aux jeunes gens, en leur infpirant fouvent de bonnes pensées & de bons defirs pour la vertu, & en leur donnant toutes les affiftances néceffaires pour l'embraffer. Ce qui s'entend lorfqu'ils n'y mettent point d'oppofition par une vie déréglée, & qu'ils ne fe rendent pas indignes de fes faveurs, en corrom pant l'innocence de leur âge par la malice de leur efprit, & par la multitude de leurs péchés.

Pour confirmation de cette vérité, il ne faut point d'autre témoin que l'expérience qui la fait voir clairement. Hélas! THEOTIME, combien y en a-t-il qui étant fortis de la jeuneffe, reconnoiffent en eux un grand changement, -ne reffentant plus tant de graces de Dieu qu'ils en recevoient étant jeunes? Alors les faintes inspirations étoient fréquentes, les bons defirs

&les bonnes réfolutions leur étoient familieres: ils avoient grande averfion du mal, le bien leur étoit agréable, la vertu leur étoit douce & facile.

Mais maintenant ils voient que toutes ces chofes font changées : les infpirations font plus rares, le péché leur fait moins d'horreur; ła dévotion eft refroidie, quelquefois tout-à-fait éteinte, par un trifte changement qui leur donne jufte fujet de regretter le temps paffé, & les graces perdues, avec ces paroles de Job: Qui eft-ce qui me fera la grace de revoir le temps paffe, & de rentrer au même état où j'étois durant ma jeuneffe, lorfque Dieu étoit avec moi par les affiftances continuelles de fa grace?

Saint Auguftin fit une trifte épreuve de ce changement en fa perfonne, comme il le reconnoît lui-même en fes Confeffions. Il dit qu'étant tombé malade, lorsqu'il étoit encore jeune, il demanda le Baptême avec beaucoup d'inftance & de dévotion, qui lui fut différé pour quelques raifons particulieres; & que dans une autre grande maladie qu'il eut envi'ron à l'âge de trente ans, il ne penfa jamais à le demander. O THÉOTIME! Dieu veuille que vous ne reffentiez jamais ce changement, : & que vous n'ayez point ce fujet de regret qui arrive à plufieurs, qui font voir en leurs perfonnes que Dieu favorife fouvent la jeuneffe de fes graces, & qu'il les retire de ceux qui -s'en rendent indignes par l'abus qu'ils en font.

Mais fi vous voulez encore une preuve convaincante & démonftrative de l'amour de Dieu envers les jeunes gens, confidérez ce que le

« ÀÌÀü°è¼Ó »