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fes habitudes invétérées le fit retomber fi avant dans fon premier état, qu'il y demeura encore depuis l'âge de dix-neuf ans jusqu'à trente, Et les vices contractés en trois ans de fa jeuneffe le retinrent engagé douze ans entiers, durant lefquels, non-feulement il continua dans fes premiers défordres,mais il tomba en d'autres plus grands. L'impureté qui conduit fouvent à l'erreur & à l'aveuglement, le jetta dans l'héréfie des Manichéens, où il demeura neuf ans; & il joignit à l'héréfie un concubinage perpé tuel qui dura jufqu'au temps de fa converfion.

il

Quand il fut arrivé à l'âge de trente ans, penfa à fa converfion plus fortement qu'il n'avoit encore fait, comme il le décrit au Livre fixieme, chapitre onzieme. Mais écoutez THÉOTIME, avec quelles peines il en vint à bout.

Depuis cette premiere penfée il demeura encore plus de deux ans dans fes premiers défordres, différant toujours, comme il le dit lui-même, de retourner à Dieu pour chercher en lui la vie de la grace, & ne confidérant pas la mort funefte qu'il se donnoit par sa méchante vie. Il fallut employer beaucoup de temps à guérir fon entendement des erreurs qui lui étoient reftéés de fa vie paffée, & à le convaincre de la néceffité de fa converfion, comme il le décrit au feptieme Livre.

L'entendement étoit convaincu, & la volonté ne fe rendoit pas encore. Les habitudes. vicieuses poffédoient tellement fon cœur, qu'elles lui faifoient appréhender fon amendement comme un grand mal, comme il le

témoigne lui-même. Il falloit déraciner ceš vices l'un après l'autre, l'ambition, l'avarice & l'impudicité. Déja l'ambition & l'avarice étoient chaffées de fon ame; mais cette malheureuse impudicité faifoit encore une forte, résistance.

Il en étoit tellement poffédé, qu'il croyoit que ce lui étoit une chofe impoffible d'en être jamais délivré, tenant pour une grande mifere d'être privé de ces infâmes voluptés qui font les fources de toutes les miferes.

Et enfin, la difficulté de fa converfion fut fi grande, qu'après plufieurs combats qu'il fouffrit en fon ame durant l'efpace de quatorze ou quinze ans après les foins, les prieres & les larmes de fa pieufe mere qui l'avoit fuivi par mer & par terre, de fon pays à Carthage, de Carthage à Rome, de Rome à Milan, pourle retirer de fes défordres & pour le gagner à Dieu, & à laquelle on peut dire qu'il eft redevable de fon falut après Dieu; après les exhortations puiffantes de fes meilleurs amis; après plufieurs conférences avec le grand faint Ambroife, & d'autres perfonnes éminentes en fcience & en vertu; après tous les mouvemens intérieurs de la grace de Dieu, fa converfion ne fut achevée que par un miracle. Comme il étoit dans les derniers efforts du combat d'entre la nature & la grace, une voix envoyée du Ciel lui cria hautement : Tolle lege; tolle, lege. Prenez & lifez, prenez & life, l'avertiffant d'ouvrir un nouveau Teftament qu'il avoit auprès de lui. Il le prit, & l'ayant ouvert, il trouva ces paroles de l'A

pôtre, par lefquelles le Saint-Esprit opéra en fon ame le dernier mouvement de fa conver→ fion: Non in comeffationibus & ebrietatibus, non in cubilibus & impudicitiis, non in contentione & æmulatione ; fed induimini Dominum Jefum Chriftum, & carnis curam ne feceritis in defideriis. O Dieu, eft-il poffible que le changement d'une ame foit fi difficile, & que les vices contractés dans la jeuneffe coûtent tant de peines & tant de remedes à celui qui en veut être guéri?

Ce n'eft pas encore tout, ô THÉOTIME: S. Auguftin étant entiérement converti ne fut pas encore délivré des difficultés précédentes: car bien qu'il ne foit jamais retourné en arriere depuis fa converfion, enfuite de laquelle il fit une exacte pénitence & mena une vie trèsfainte & toute angélique; néanmoins il reffentit encore durant un long-temps les reftes de fa premiere vie, & des tentations très-grandes & très-fréquentes, caufées par les vieilles habitudes de fa jeuneffe, qui lui donnoient beaucoup de peine & d'exercice à fe maintenir dans la fainteté, fuivant le récit qu'il en fait au Livre 10. de fes Confeffions, Chapitre 30. & aux autres fuivans, où il décrit les différentes tentations dont il étoit agité.

O THÉOTIME, lifez & relifez cet exemple, confidérez attentivement toutes fes particularités, & voyez jufques à quelle extrémité peut aller une inclination vicieufe de la jeuneffe, quand on ne lui réfifte pas de bonne heure. Fuyez le danger où ce Saint a failli de périr,

& où plufieurs font tous les jours des naufrages déplorables.

Voyez encore l'exemple de Manaffés au Chapitre fuivant, & celui de S. Jérôme en la troifieme Part. Chap. 9. Art. 8.

CHAPITRE XII.

Exemples de ceux qui ne fe font jamais corrigés des vices de leur jeunesse.

COMME dans un naufrage où un navire est brifé par la tempête, il y en a toujours plu fieurs qui périffent, & très-peu qui se fauvent à la nage ou autrement; auffi dans le naufrage de la vertu que plufieurs font dans leur jeuneffe, le nombre de ceux qui s'y perdent entiérement eft très-grand, & celui de ceux qui s'en retirent eft fort petit.

Vous comprendrez combien ce nombre eft petit, quand vous faurez, THÉOTIME, qu'en toute l'Hiftoire fainte ( chofe prefqu'incroyable) il ne s'en trouve qu'un feul exemple en la perfonne de Manaffés, Roi de Juda, duquel je vous rapporterai l'hiftoire ci-après; & que pour celui-là elle en produit un très-grand nombre d'autres qui fe font perdus miférablement dans le naufrage, & qui font morts dans les vices de leur jeuneffe; les uns après avoir vécu long-temps, les autres ayant été emportés de la mort dans leurs premieres années. Je vous en rapporterai ici quelques exemples.

Premiérement, de tous les Rois d'Ifraël qui ont regné jufqu'au nombre de dix-neuf

2 fur les dix Tribus d'Ifraël, depuis la divifion qui fut faite de ce Royaume d'avec celui de la Tribu de Juda après la mort de Salomon, la il n'y en a pas un feul qui n'ait été très-méchant depuis fa jeuneffe, ni aucun qui fe foit converti devant la mort.

Et quoique l'Ecriture ne faffe point mention expreffe de la vie de leur jeuneffe, néanmoins elle donne affez à connoître qu'ils furent méchans dans cet âge-là, difant de chacun d'eux abfolument qu'ils furent vicieux; & ne rappor tant d'eux aucune action de vertu, fi cè n'est d'un feul qui eft Jehu, duquel elle rapporte quelques bonnes actious qu'il fit dans fes com. mencemens, bien que depuis il fe foit perverti comme les autres.

Entre les Rois de Juda qui ont auffi régné jufqu'au nombre de dix-neuf depuis Salomon, il y en eut fix qui furent bons, Afa, Jofaphat, Ozias, Jonatham, Exéchias, Jofias, & tous les autres furent méchans. Ceux qui furent bons, commencerent dès leur jeunesse, & demeurerent tels toute leur vie. La plus grande partie de ceux qui furent méchans, commencerent à vivre mal dans leurs premieres années, & ne changerent jamais.

Ainfi il eft dit du Roi Ochozias qu'il commença à régner âgé de vingt-deux ans, & qu'il fut méchant & imitateur de l'idolâtrie de l'impie Achab, Roi d'Ifraël, qui lui fut enseignée par fa mere Athalie, foeur de ce méchant Roi, & qu'il ne régna qu'un an, au bout duquel il mourut dans fes impiétés.

Il eft dit d'Achas qu'il étoit âgé de vingt

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