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CHAPITRE PREMIER.
En quoi confifte la véritable vertu

Le premier moyen pour acquérir la vertu

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eft de la bien connoître, & de difcerner folidement la véritable piété d'avec celle qui eft fauffe & imaginaire.

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Plufieurs femblent aimer la vertu qui font bien éloignés, parce qu'ils ne l'aiment pas telle qu'elle eft en elle-même, mais fuivant l'idée qu'ils s'en forment en leur efprit & felon leur inclination. Il y en a qui s'imagirent que c'eft être vertueux quand on n'eft pas du nombre des plus méchans : les autres mettent la vertu à s'abftenir de quelques péchés dont ils ont averfion, encore qu'ils foient fujets à d'autres qui ne font pas moins criminels devant Dieu. Les autres s'eftiment vertueux quand ils pratiquent certaines actions de piété extérieures, quoique d'ailleurs ils négligent entiérement l'intérieur de leur confcience qui eft ordinairement fouillée de péchés mortels. Et tous ceux-là font d'autant plus à plaindre lorfqu'ils en font totalement éloignés, que penfant aller par cette voie au port du falut, ils fe trouvent à la fin conduits à la perdition, rendant véritable à leur égard cette parole de Salomon Eft via quæ videtur homini recta & noviffima ejus ducunt ad mortem. Il y a une voie qui femble droite à l'homme, dont les extrémités conduisent à la mort.

La vertu, THEOTIME, n'eft pas dépendante de l'opinion des hommes; c'est un ouvrage de

Dieu : c'eft de lui par conféquent qu'il en fautprendre la régle, n'y ayant que lui qui puiffe prefcrire comme il veut être fervi.

Ecoutez donc ce qu'il en dit lui-même dansl'Ecriture fainte, & il vous apprendra que la fageffe, c'eft-à-dire, la vertu, confifte à craindre Dieu, & à fuir entiérement le péché, & qu'il l'a ainfi enseigné à l'homme en fa créa tion. Alors, dit Job, c'eft-à-dire, au commencement du monde, Dieu dit à l'homme, la crainte du Seigneur eft la véritable fageffe, & la parfaite intelligence confifte à s'éloigner du péché.

Il vous apprend la même chose par le Pro-: phete Roi, par lequel il vous donne cette régle générale de la vertu, Declina a malo, & fac bonum. Fuyez le mal, & faites le bien.

Le fage Salomon vous enfeigne de fa part la même vérité. Craignez Dieu, dit-il, & ob-) fervez fes commandemens; car cela est tout l homme. C'eft-à-dire, c'eft en cela que confifte la perfection de l'homme, c'eft pour cela qu'il eft né, c'est là sa derniere fin & fa véritable félicité.

En un mot, l'Ecriture fainte ne reconnoît point d'autre fageffe ni d'autre piété que la crainte de Dieu, qu'elle appelle quelquefois Le commencement de la fageffe, ta plénitude, le couronnement de la fageffe.

Or par cette crainte il ne faut pas entendre feulement celle qui eft purement fervile, qui craint la peine fans penfer à haïr le péché: mais c'eft la crainte amoureufe des enfans de Dieu qui leur fait haïr le péché parce qu'il déplaît à Dieu, & aimer le bien à cause qu'il

lui eft agréable; comme la crainte & le refpect qu'un bon enfant porte à fon pere, lui fait appréhender de lui déplaire, & le porte, à chercher uniquement tous les moyens de lui agréer en toutes choses.

Tellement, THÉOTIME, que, felon les maximes de l'Ecole divine, la véritable vertu confifte dans la crainte de Dieu qui fait obferver volontiers fes commandemens, & qui fait craindre & abhorrer l'offense de Dieu par-deffus toutes chofes, & rechercher les moyens de lui plaire & de nous tenir en fa grace. C'eft cela feul qu'il faut eftimer vertu, & il faut tenir pour fauffe piété celle qui s'éloigne de cette régle certaine & infaillible.

CHAPITRE IL

Que pour acquérir la vertu, il faut la défirer. CE n'eft pas affez de connoître un bien pour

l'acquérir, il faut l'aimer & défirer avec ardeur. L'amour eft le premier mobile de nos actions, c'est lui qui nous fait entreprendre les grandes chofes, qui nous anime à les pourfuivre, & qui trouve les moyens de les faire réuffir. Si cela eft vrai dans toutes les entreprifes que nous faifons, il l'eft encore plus dans celle de la vertu même, & c'est un moyen très-puiffant pour y parvenir.

Y

C'eft celui que le Sage vous donne, cher THÉOTIME, duquel il dit qu'il s'est servi luimême avec beaucoup de fuccès.

Au Chapitre 6. du Livre de la Sageffe, il dit que la Sageffe eft pleine de lumiere, & que

fa beauté ne fe flétrit point: qu'elle eft apperçue facilement par ceux qui l'aiment; & que ceux qui, la cherchent, ne manquent pas à la trouver: qu'elle prévient ceux qui la défirent, & qu'elle Je montre à eux la premiere.

Mais écoutez comme il s'eft fervi lui-même de ce moyen dans fa jeuneffe, & apprenez à vous former fur ce parfait exemplaire.

Il dit au Chapitre 7. qu'ayant confidéré la mifere commune des hommes qui naiffent tous dans la foibleffe & dans l'ignorance, il commença à foupirer après cette fageffe, pour être délivré de fes miferes. Pour cela, dit-il, j'ai défiré l'intelligence, & elle m'a été donnée; J'ai invoqué le Seigneur, & l'efprit de fageffe eft venu en moi. Je l'ai préférée aux Royaumes & aux Trônes, & j'ai cru que les richeffes n'étoient rien au prix d'elle. Je n'ai point mis en comparaison avec elle les pierres précieuses; parce que tout l'or au prix d'elle n'eft qu'un peu de fable, & que l'argent devant elle fera confidéré comme de la boue. Je l'ai plus aimée que la fanté & la beauté : j'ai réfolu de la prendre pour la lumiere qui m'éclaire, parce que fa clarté ne peut être jamais éteinte. Tous les biens me font venus avec elle, & j'ai reçu de fes mains des richelles innombrables.

Enfuite après avoir décrit les beautés & les merveilles de la fageffe, il ajoûte au Chapitre 8. Je l'ai aimée & recherchée dès ma jeunesse, j'ai tâché de l'avoir pour épouse, & je fuis devenu l'amateur de fa beauté. J'ai donc réfolu de la prendre avec moi pour être la compagne vie, fachant qu'elle me fera part de fes biens,

de ma

&

& qu'elle fera ma confolation dans mes peines & dans mes ennuis.

O le bel exemple, THÉOTIME, pour vous faire comprendre combien le defir de la vertu eft néceffaire, & combien il eft puiffant pour l'acquérir! Apprenez donc, en fuivant cet exemple, à aimer la vertu, & à la défirer ardemment. Soyez perfuadé, comme il est véritable, qu'il n'y a rien après elle de souhaitable au monde; rien qui puiffe remplir dignement votre affection, qu'elle feule; rien qui puiffe. vous rendre heureux & content, & que fans elle vous ne pouvez jamais éviter d'être miférable en cette vie & en l'autre.

CHAPITRE III.

De la priere, troifieme moyen pour acquérir

la vertu.

C'EST ici le plus important de tous les moyens pour acquérir la vertu. Ce n'eft pas affez de la défirer, il faut la rechercher avec beaucoup de foin; & pour le faire avec fuccès, il faut aller droit à la fource, & la demander à celui qui en eft l'auteur, & qui la donne à ceux qui la demandent comme il faut, felon le témoignage de l'Ecriture: Si quelqu'un manque de fageffe, qu'il la demande à Dieu qui la donne à tous abondamment.

Le fage Salomon fe fervit heureusement de ce moyen, enfuite de cet ardent defir qu'il eut de la fageffe, dont nous avons parlé. Il dit au même lieu qu'après avoir confidéré toutes les perfections de la fageffe, il en conçut un amour

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