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lui dit qu'elle ne conçoit pas ce qui peut la chagriner; qu'elle est belle, qu'elle eft jeune, qu'elle eft aimable, que rien ne résiste à ses charmes, que les plus vaillans Guer riers du camp de Godefroi font déjà en fa puiffance. A quoi elle répond d'un air piqué :

Je ne triomphe pas du plus vaillant de tous,
Renaud pour qui ma haine a tant de violence,
L'indomptable Renaud échappe à mon courroux?
Tout le Camp ennemi pour moi devint sensible,
Et lui feul toûjours invincible

Pit gloire de me voir d'un œil indifférent :
Il eft dans l'âge aimable, où fans effort on aime
Non, je ne puis manquer fans un dépit extrème,
La conquête d'un cœur fi fuperbe & fi grand.

Enfuite, fur ce que fa Confidente lui repréfente, que pour un Efclave de moins, un triomphe fi

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beau perdra peu de fa gloire: Elle

dit:

Les Enfers ont prédit cent fois,

Que contre ce Guerrier nos armes feroient vaines, Et qu'il vaincra nos plus grands Rois.

Ah! qu'il me feroit doux de l'accabler de chaîness
Et d'arrêter le cours de fes exploits!

Que je le hais! que fon mépris m'outrage!
Qu'il fera fier d'éviter l'esclavage

Où je tiens tant d'autres Héros !
Inceflamment fon importune image

Malgré moi trouble mon repos:
Un fonge affreux m'inspire une fureur nouvelle
Contre ce funefte ennemi:

J'ai cru le voir, j'en ai frémi :

J'ai cru qu'il me frappoit d'une atteinte mortelle Je fuis tombée aux piés de ce cruel vainqueur! Rien ne fléchiffoit fa rigueur,

Et par un charme inconcevable

Je me fentois contrainte à le trouver aimable Dans le fatal moment qu'il me perçoit le cœur.

Voilà, Monfieur, ce qui a droit d'être le plus mauvais à l'Opéra ; N2 c'eft

c'est-à-dire, l'Expofition. Voyez néantmoins comme cela eft beau, & combien le chant l'embellit encore! Mais où commence le triomphe de la Mufique, c'est à la Scene du fecond Acte. A cette belle Scene, où Armide, un poignard à la main, & prête à ôter la vie à Renaud, fait ce charmant & fameux Monologue.

Enfin il eft en ma pui Tance

Ce fatal ennemi, ce fuperbe vainqueur!
Le charme du fommeil le livre à ma vengeance;
Je vais percer fon invincible cœur.

Par lui tous mes captifs font fortis d'efclavage, ~Qu'il éprouve toute ma rage.

Après quoi elle s'approche de Renaud, veut le frapper, n'en a pas la force, & s'écrie:

Quel trouble me faifit? Qui me fait héfiter? Qu'eft-ce qu'en fa faveur la pitié me veut dire ? Frappons... Ciel! qui peut m'arrêter ?

Ache

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Bahevons... Je frémis, vengeons-nous i.. je

-foupire!

Eft-ce ainfi que je dois me venger aujourd'hui ?
Ma colere s'éteint quand j'approche de lui:

Plus je le vois, plus ma fureur eft vaine:
Mon bras tremblant fe refuse à ma haine,
Ah! quelle cruauté de lui ravir le jour !
A ce jeune Héros tout cede fur la terre;

Qui croiroit qu'il fût né seulement pour la guerre?
Il femble être fait pour l'amour.

Je fais qu'il y a bien du mal à 'dire de l'Opéra en général, & j'ai commencé par en convenir. Mais quand je vous dirai que la Scene que je viens de citer, prise séparément & en elle-même, eft une chofe admirable, qu'elle a tout ce qu'il faut pour produire en chant un effet merveilleux ; je vous défie, yous & qui que ce foit, de me le N3 difputer;

difputer; & ne dites pas qu'elle fe roit plus belle dans une déclamation fimple : je dis hardiment que cela n'eft pas poffible, & je le foûtiendrai devant toute la terre. Qu'on faffe revivre par curiofité la Journet & la le Couvreur:Que l'une fiere de fes talens, déclame cette belle Scene avec toute la fineffe; avec toute l'intelligence qu'elle portoit au Théâtre que l'autre animant fes beaux yeux,déployant fes beaux bras, mette à fes chants & à fon action, ce feu, cette dignité, cette nobleffe, qui nous fait fouvenir d'elle avec tant de plaifir} je fuis für que nous ferons tout autrement émus par les chants de la Journet, que par la déclamation

de

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