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Couci, pour ne pas vous ouvrir mon cœur tout entier. Oui, c'eft la tendref fe que j'ai pour le Comte de Rethel, qui me fait craindre plus que la mort d'être unie à un autre que lui. Quel confeil, o Ciel! la pitié que vous me faites va-t-elle m'arracher, s'écria Madame de Fajel? Dois-je vous le donner? Non; il me paroît peu digne de vous & de moi....... Mais je m'abuse, reprit-elle; le plus cruel de tous les reproches eft celui qu'on s'expofe, par fa foibleffe, à fe faire à foi-même, aux dépens du repos de toute fa vie. Ainfi puifque votre cœur eft prévenu, ne confentez jamais à faire ce ferment terrible que l'on veut exiger de votre obéiffance; il vous rendroit malheureufe, & peut-être coupable le refte de vos jours. Les efforts que vous feriez, pour ne pas être criminelle, vous livreroient fans relâche à de cruels remords. Que vous êtes heureufe! dit Mademoiselle de Couci ; votre cœur nes eft point oppofé à ce qu'un pere exigeoit de lui: c'eft fans contrainte que vous avez consenti à faire le bonheur d'un époux qui vous adore. Madame de Fajel foupira, & répondit: Que favez-vous fi je ne fuis pas mille fois plus à plaindre que vous ?

Alberic n'eft pas encore votre époux; & Monfieur de Fajel eft le mien! Vous venez d'en trop dire pour ne pas achever, reprit Mademoiselle de Couci; l'amitié qui nous lie, me fait prefque ou blier ma cruelle fituation, pour vous prier de m'apprendre la vôtre. Hélas! s'écria-t-elle, je vous enviois le bonheur d'être unie à ce que vous aimez, & peut-être éprouvez-vous toutes les horreurs que je veux éviter. Un fort barbare peut m'avoir condamnée à n'être jamais au Comte de Rethel; je n'ose prefque l'efpérer: mais du moins, toute ma vie je pourrai l'aimer fans crime: car ce n'eft pas avec vousq ue je veux feindre: je fouffrirois plutôt mille tourments, que de confentir à être au Maréchal. Mais ouvrez-moi votre cœur; la confiance que je viens d'avoir en vous, demande toute la vôtre. Je confens à vous fatisfaire, repartit Madame de Fajel, fi vous êtes en état de m'entendre. Parlez, lui dit Mademoiselle de Couci ; je vous écoute.

Je vais vous apprendre, reprit Madame de Fajel, les chagrins & les peines que m'a caufé une malheureuse paffion, qui depuis quatre ans me coûte mon repos; paffion que ma raifon combat vai

nement, depuis qu'un fatal devoir lá rend criminelle : mais, belle Adélaïde je vous tairai le nom de l'ennemi qui a triomphé de mon cœur ; je vous con→ jure de ne pas me preffer de vous le dire, & je vous protefte de ne me ré◄ ferver que ce fecret. Je vous en laiffe la maîtreffe, lui répondit Mademoiselle de Couci.

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Je vous ai dit la tendreffe que ceux à qui je dois le jour ont toujours eu pour moi, dit Madame de Fajel. Cet te tendrefle, qui ne rendoit la plus heureufe perfonne du monde, m'en infpiroit une poureux, qui rempliffoit feule mon cœur ; mais la paix dont il jouif foit fut troublée, lorfque je penfois le moins à le défendre. Hé! comment l'aurois-je défendu ? J'ignorois qu'on pût le furprendre. Vous avez, fan's doute, entendu parler de ce camp que fit le Duc de Bourgogne il y a quatre ans. La curiofité y attira ce qu'il y avoit à la Cour de Philippe de plus grand par la naiffance, & de plus diftingué par le mérite. J'étois avec ma mere chez le Duc de Bourgogne, lorfque plufieurs Seigneurs de ceux qui étoient déjà arrivés, y entrerent. Alcide, c'est le nom que je donnerai à mon

Vainqueur, fur celui que je remarquai avec le plus de plaifir, & que je regardai avec le plus d'attention. Je ne vous dirai rien de fa figure ni de fes qualités; au moindre trait vous le reconnoîtriez: je vous dirai feulement, qu'il paroiffoit au-deffus de tous ceux qui étoient avec lui. Le Duc de Bourgogne, auffi galant que fpirituel, voulut faire appercevoir, fur-tout en me défignant, que fa Cour n'étoit pas dépourvue de beautés. J'entendis dire que j'étois belle; mais je ne me fentis flattée que des louanges qu'Alcide me donna. Pour un mortel, que tant de charmes rendront heureux, dit-il au Duc de Bourgogne d'un ton affez haut, combien de miférables!

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Vous avez peut-être ouï parler de Madame de Camplit: la paffion du Due pour elle, a porté jufques dans cette Cour le bruit que faifoient fa beauté & fon efprit. Ce fut elle qu'Alcide trou va digne de fes foins: il venoit cependant quelquefois dans notre Tente. Souvent il me difoit des chofes obligeantes, mais que je ne pouvois regarder que comme de fimples compliments, par l'air de liberté dont il les accompagnoit. Je donnois pourtant à tout ce qu'il di

foit un certain prix que j'avois refufé á

tout le refte.

Lorfqu'Alcide quitta la Cour de Bourgogne, je fentis un genre d'affliction qui m'étoit inconnu : j'en fus étonnée ; j'en cherchai la caufe, j'eus un dépit mêlé de honte, en la découvrant. Que vous dirai-je belle Adélaïde ? Je ne puis difconvenir avec moi-même de la tendre impreffion qu'Alcide avoir faite fur mon cœur. Je voulus appeller ma raifon à mon fecours, mais je l'implorai vainement; je fis la trifte expérience qu'elle ne fe montre forte, que lorfqu'elle ne voit point d'ennemis à combattre. L'idée d'Alcide m'a fuivie, m'a perfécutée fans relâche ni le temps, ni l'absence, ni le peu d'efpoir de le revoir jamais, n'ont pu l'effacer de mon fouvenir. Enfin, ne pouvant plus me défendre, je livrai mon ame aux fentiments les plus vifs. Madame de Fajel prononça ces dernieres paroles avec une voix entrecoupée de langlots. Je net puis pardonner, lui dit alors Mademoifelle de Couci, à cet heureux Alcide fon indifférence pour ce qui étoit de plus parfait à la Cour du Duc de Bourgogne, comme vous êtes aujourd'hui ee qu'il y a de plus beau à celle de Fran

A S

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