DIALOGUE
ENTRE ACANTE ET LA FAUVETTE.
PUISQU & Sapho n'eft point ici,
Fauvette fon plus cher souci,
Prens un peu le foin, je te prie, D'entretenir ma rêverie.
LA FAUVE T T E.
Moi j'entretiendrois un ingrat, Qui fait quand il veut un grand plat D'un Abricot, & d'une Poire,
Et qui ne fait rien pour ma gloire?
Cette Poire & cet Abricot, Ma mignonne, ne difoient mot; Mais toi tu te chantes toi-même, Et mon orgueil feroit extrême, Si je prétendois par mes vers Egaler tes charmans concerts. Pour un deffein fi temeraire, Lambert même, & fa foeur Hilaire N'en fçavent pas encore affés. Deux Roffignols, ces jours paffés, Se le mirent en fantaisie :
L'un en creva de jalouse,
Se voyant par toi surmonter;
Et l'autre en creva de chanter.
LA FAUVETTE.
Il n'en eft rien; mais je l'avoue, Faux, ou vrai, j'aime qu'on me loue. Chacun eft de même, je croi.
Parle donc : que veux-tu de moi?
Eft-il vrai, celebre Fauvette, Qu'en ce lieu faisant ta retraite, Déja depuis près de vingt ans, Tu reviennes tous les Printems ;. Qu'un petit animal volage, Un petit oiseau de paffage, Parmi tant de legereté,
Conferve tant de fermeté ?
Quel charme fecret te rappelle? Cette touffe d'arbres est belle;
Mais le monde a tant d'autres lieux,
Où tu ferois encore mieux.
LA FAUVE T T E.
J'ai parcouru la terre & l'onde: J'ai vû les quatre coins du monde, Sans voir en tous ces longs détours, Ce qu'on voit ici tous les jours. J'ai bien vû des filles fçavantes, Mais qui n'étoient que des pédantes;
Des filles de grande vertu,
Dont l'efprit étoit bien tortu; Des filles d'efprit un peu folles,. Dont l'efprit n'étoit qu'en paroles. Mais une fille fans défaut, De qui le coeur fût noble & haut,' La vertu prefqu'inimitable, L'efprit grand, folide, admirable, Sage, éclairé, poli, charmant, On le chercheroit vainement
Par tous les quatre coins du monde, Car Sapho n'a point de feconde.
Il est vrai; mais l'ambition
Eft une étrange paffion.
Et qui croira que de ta vie, Il ne t'ait pris aucune envie D'aller en un plus beau féjour
Charmer nos Grands, faire ta cour?
Bien des Grands, au fiécle où nous fome
Sont petits, comme d'autres hommes.
Fauvette, ton petit cerveau,,
Sans prendre garde aux confequences, S'emporteroit en médifances. Je connois les Grands, & j'en voi Que j'eftime auffi peu que toi; Mais j'en fçai plus de quatre encore Qui meritent qu'on les honore. Et toi qui n'en fais point de cas, Dis-moi, ne le connois-tu pas, Celui que ta Sapho révére, Des Mufes l'Amant & le Pere, Grand en efprit, grand en bonté, Et grand en generofité,
Fâcheux en un point, je l'avoue, C'est qu'il n'aime point qu'on le loue? LA FAUVETTÉ.
Il a beau faire, cependant De l'Orient à l'Occident,
En France, aux Nations étranges, Tout réfonne de fes louanges, Et tous les jours par mon devoir Je fuis prère de l'aller voir. Mais on m'a dit que cent affaires, Au bien de l'Etat néceffaires, Le partagent inceffamment: Qu'il faut que bien adroitement Ses moindres momens il dispense, Pour pouvoir donner audience A cent & cent Particuliers, Aux gens de Robe, aux Cavaliers,
Au Peuple, à la Cour, aux Poetes; Et point du tout pour les Fauvettes.
ACANT E.
Il t'écoutera toutefois : Prépare feulement ta voix,
Et quelques chanfons des plus belles: Je lui dirai de tes nouvelles ; Mais en échange, Oifeau charmant, Parle-moi plus fincérement. Sapho, dis-tu, cette merveille Qui n'aura jamais de pareille, Te fait aimer ce petit bois : Et ne fçait-on pas qu'autrefois, Quand cette lumiere éclatante,
propres clartés contente
Se cachoit encore à nos yeux,
Ou n'éclairoit qu'en d'autres lieux, Ce bois, ta premiere demeure,
LA FAUVETTE.
O dieux, en quelle extremité
Me met ta curiofité!
Veux-tu que les races futures
Se moquent de mes aventurės, Et qu'on les vende au premier jour Avecque l'Almanach d'Amour? Mais tes promeffes font trop grandes. Apprens ce que tu me demandes,
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