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femme. Vous avez raifon de dire que vous n'avez point de mari, repliqua le Sauveur ; car vous en avez eu cinq, & celui que vous avez maintenant, n'eft pas le vôtre. A ces paroles, cette femme rougit; & voulant détourner adroitement un difcours qui ne lui plaifoit point: je crois, lui dit-elle, que vous êtes Prophete; mais puifque vous êtes fi éclairé, dites-moi, je vous prie puifque nos peres les Patriarches on t adoré fur le mont Garizim, où nous avons nôtre Temple : d'où vient que vous autres Juifs vous vous opiniâtrez à dire que Dieu veut être adoré dans le Temple de Jerufalem. Jefus fans prendre le change, faifit certe occafion de lui apprendre une grande verité, & de la preparer aux lumieres de l'Evangile. Femme, lui dit-il, le tems eft venu que vous n'adorerez plus le Pere ni fur cette montagne, ni dans Jerufalem. Dieu étant Efprit & verité, il veut être adoré en efprit & en verité de tout le monde. Ce culte n'eft point attaché à un lieu particulier; Dieu étant par tour, par tout il veut que nous lui rendions nos hommages; il eft prêt de recevoir par tout nos refpects & nos voeux. Cette femme admirant toûjours plus la fa

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geffe & la fcience profonde de celui qui lui parloit: je fçai, reprit-elle, que le Meffie doit venir ; & lorfqu'il fera venu il nous inftruira, & éclaircirą tous nos doutes. Alors Jefus lui dit, qu'il étoit lui-même le Meffie, & qu'on n'en devoit point attendre d'autre que celui qui lui parloit.

En ce tems-là les Disciples arrivent bien étonnez de le trouver en converfation avec cette femme, laquelle fe rendant aux impreffions de la grace, laiffe là fa cruche, retourne en diligence dans la ville; & dit tout haut aux habitans, qu'elle avoit trouvé un homme qui lui avoit dit tout ce qu'elle avoit fait de plus fecret, & qu'elle ne doutoit point que ce ne fût le Meffic. Cependant les Difciples le preffoient de prendre quelque nourriture; mais il leur dit que fa nourriture étoit de faire la volonté de celui qui l'avoit envoyé, & d'accomplir fon ouvrage. En mêmetems on vit venir en foule ceux de Sichar , pour voir ce nouveu Prophete. Sa feule prefence les frappa. Ils fentirent pour lui un fentiment de veneration extraordinaire, & le prierent instamment, contre leur coûtume, de vouloir bien faire quelque fejour chez eux. Le

-Sauveur

Sauveur y paffa deux jours, & par fes discours, il alluma fi bien la foi dans leur cœur, que plufieurs crurent en lui, & difoient à cette femme: ce n'est plus fur ce que vous nous avez dit que nous croyons; car nous l'avons entendu nous-mêmes ; & nous fçavons que c'est lui qui eft veritablement le Sauveur du monde, & le Meffie que nous artendons.

§. XVIII,

veur

zareth.

Après avoir demeuré deux jours à Le SauSichar ou Sichem, le Sauveur vint à prêche Nazareth avec fes Difciples. Le bruit à Nades merveilles qu'il avoit operées à Jerufalem & en Galilée, dont la plûpart avoient été les témoins, le faifoient regarder par tout comme un homme extraordinaire, à qui toute la nature obéiffoit. Il n'y eut que ceux de Nazareth qu'on regardoit comme fa patrie, qui verifierent le Proverbe, qui dit que nul Prophete n'eft honoré en fon païs. Le Samedi fuivant, Jefus vint à la Synagogue felon fa coûtume. S'étant levé pour lire on lui prefenta le livre du Prophete Ifaïe. Il l'ouvrit & tomba fur cet endroit : L'efprit du Seigneur

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Luc. 4.. s'eft repofé fur moi; c'est pourquoi il m'a Ifai. 61. donné l'ondition, & m'a envoyé prêcher

aux pauvres, pour guerir ceux qui ont le cœur accablé de trifteffe, pour annoncer la liberté aux captifs, & le recouvrement de la vie aux aveugles; pour délivrer ceux qui font dans l'oppreffion; pour publier l'heureufe année du Seigneur, & le jour auquel on fera juftice,

Ayant lû cet endroit, il replia le li vre qui étoit un rouleau de velin, à la maniere des anciens, & commença à leur montrer que cette Ecriture étoit accomplie en fa perfonne; il parla avec tant de grace & d'onction, & d'u ne maniere i perfuafive, & fi divine qu'il n'y eut perfonne qui n'avoüât qu'e jamais homme n'avoit mieux parlé.

Cependant la qualité de Sauveur & de Meffie qu'il s'étoit donnée, revolta bien des gens. Eh quoi ! difoient-ils, n'eft-ce pas là le Fils de Jofeph ? ignorons-nous la baffeffe de fa condition ? fe peut-il faire que le fils d'un pauvre artifan, foit le Meffie? eft-ce là l'idée que nous ont donné nos Peres d'un envoyé de Dieu, qui doit être le falut de fon peuple, & qui doit rétablir le Royaume d'Ifraël Ces penfées qu'ils fe communiquoient l'un à l'autre, com

mencerent à indifpofer contre lui des cœurs déja aigris par une maligne jaloufie. Le Sauveur à qui rien n'étoit. caché, connoiffant leur mauvaise difposition, prévint & leurs murmures & leurs plaintes. Vous allez fans doute me dire, leur dit-il, cet ancien proverbe: Medecin, gueriffez-vous vous même. Si vous êtes fi puiffant en œuvres, comme on le dit par tout, & comme vous voulez nous le faire accroire; tirez-vous vous-même de l'état pauvre où vous vivez, tirez vos parens de la mifere; faites en faveur de vos concitoyens les merveilles que vous avez faites chez les étrangers, & ne mépri fez pas vos compatriotes: & moi je vous répondrai par un autre proverbe, que nul Prophete n'eft bien venu chez 1 lui. Soyez auffi dociles & auffi bien difposez à recevoir ma doctrine, que l'ont été ceux de Capharnaum, & je ferai chez vous de semblables merveilles.

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Ces avis falutaires, & ces fages inftructions qu'ils prirent pour des reproches, acheverent de revolter ces mauvais cœurs. Ils le chafferent tumultueufement de la Synagogue; & la multitude le poursuivant hors de la ville, qui étoit bâtie fur le penchant d'une mon

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