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chapitre, qu'il falloit tâcher d'être plus que copiste, & fe fervoit fouvent de ce proverbe italien: Chi refta in dietro, mai non fi tira avanti.

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Cette objection eft affez fpécieuse, me répondit Pamphile, & je vais tâcher de vous fatisfaire. Le fiécle d'Alexandre étoit comme vous fçavez d'une politeffe confommée ; & dans le deffein. que l'on y forma de mettre les arts & les fciences dans la derniere perfection l'on fongea entr'autres à la fculpture, & l'on chercha les moyens de donner à çet art des regles infaillible: & au-delà defquelles on ne pût aller fans s'écarter du bien. Les fculpteurs les plus habiles de ce tems-là employerent tout ce qu'ils avoient d'efprit, de bon fens & de génie pour y réuffir; & après l'examen qu'ils firent des beautés de la nature & de quelle façon devoient être les parties du corps pour être également belles & faines, & dont l'affemblage fît un tout accompli, ce fut inutilement qu'ils

chercherent toutes ces parties raffemblées dans un même fujet, & ils conclurent enfin qu'il falloit les choisir dans plufieurs, & prendre des uns & des autres ce qu'ils auroient de plus beau pour faire ce corps parfait qu'ils s'étoient propofés, & qui devoit fervir de modele à la postérité. Policlete, l'un des meilleurs ouvriers de fon fiécle, exécuta fort heureufement cette pensée, & la ftatue qu'il fit fe trouva fi parfaite & eut tant d'approbation, qu'elle fut appellée la Régle; de forte que tous ceux qui travaillerent depuis fe fervirent des proportions de cette figure & imiterent la bonne grace de fes membres, ne croyant pas qu'il fût poffible de faire rien de mieux que ce que les plus éclairés de la Grece avoient fait avec beaucoup de fens & de réflexion.

Croyez-vous, poursuivis-je, qu'il n'y ait eu chez les Grecs pour toute régle de proportions que cette feule figure?

Vous pouvez bien vous imaginer répondit Pamphile, que le fuccès ayant répondu aux foins qu'ils s'étoient donnés de ramaffer toutes les beautés d'un fexe, ils n'auront pas manqué d'en faire autant pour l'autre & de pouffer cette entreprise jufqu'aux âges différens. Trouvez-vous, continua t'il, qu'on puiffe faire en ce genre quelque chofe de plus pour la perfection ?

Non, lui répondis-je, pourvû qu'on ne s'attachât pas à imiter fi religieufement les mêmes choses.

C'est comme cela que je l'entends, dit Pamphile, & les ouvrages qui nous reftent de ces tems-là nous font affez connoître que leurs auteurs ont fçu fe fervir de cette régle fans en être efclaves; un peu plus ou un peu moins accommodés à la difcrétion des gens bien fenfés & au fujet qu'on repréfente, fait cette diverfité de proportions que l'on voit dans la nature, & les figures antiques dont nous faifons tant de cas,

font de bons garants de ce que je vous dis. Après cela il est aisé de répondre au proverbe italien : Chi refta in dietro, mai non fi tira avanti, & de croire qu'on peut imiter la nobleffe & les proportions de l'antique fans en être moins eftimé & fans paffer pour copifte, puifqu'il eft toujours honorable d'imiter ce qui eft parfait & de fe le proposer en toutes chofes pour modéle. Mais d'où vient, repartit Damon, que nos fculpteurs ne font pas d'auffi

beaux ouvrages que faifoient les Grecs, vû que nous avons ce que les anciens ont fait de plus beau, & qu'il eft facile d'enchérir fur les chofes qui ont été inventées & faites une fois ?

Ce n'eft pas affez d'avoir leurs ouvrages, dit Pamphile, il faudroit encore avoir leur efprit & fçavoir ce qu'ils fçavoient. Les figures qui leur fervoient de régle, n'étoient pas leur régle qu'ils n'en euffent encore

tellement

d'autres qui ne font pas venues jusqu'à

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nous, & qui s'étant malheureusement perdues, ont caché le plus précieux de la fculpture & du dessein.

Quelles régles encore croyez-vous qu'ils euffent, dit Damon ?

Pour vous les dire, repartit Pamphile, il faudroit avoir les livres qu'ils: ont écrits, & qui, felon le témoignage de Pline, ont été perdus. Tout ce que j'en crois, continua-t'il, c'eft qu'outre leurs principes, ils avoient une grande délicateffe d'efprit, & l'on ne peut pas en juger autrement quand on examine de près la nobleffe des attitudes qu'ils ont données à leurs figures, le bel ordre de leurs plis & les differens caracteres des paffions, toujours grands mais toujours naturels. J'entends parler des plus belles figures; car il y en a beaucoup qui bien qu'elles fentent les principes d'une bonne école, ne font rien paroître qui ne foit d'ailleurs affez commun. J'en ai vû même d'affez méchantes, & où les principes dont nous

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