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capable de faire tarir les plus grandes cuves : & les meilleurs vins de toute la Bourgogne étoient encore trop groffiers pour la fubtilité du feu qui le devoroit. Il ne faut pourtant pas s'imaginer que ce fût par aucun effet d'intempérance, puifqu'il étoit reglé dans ces excès & qu'il a joui d'une fanté robufte, jufqu'à l'âge de 80. ans, quoique tous les jours en fe couchant, outre les prifes ordinaires de la journée où il ne fouffroit point d'eau, il eut coutume de boire encore un pot de vin pur avant que de s'endormir.

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Natif de Chartres, Chanoine de la Sainte Chapelle à Paris, Abbé de Tiron & de Jofaphat, mort l'an 1606. Poëte François.

1368

L

'Histoire de la jeuneffe de Mr Desportes n'est pas moins galante que celle de Pontus de Thiard & de Beze. Elle nous produit r des Amours de Diane, 2 des Amours d'Hippolyte, 3 des Amours de Cleonice, 4 des Imitations de l'Ariofte, s un livré de Mélanges, 6 une Satire contre un Tréforier & quelques autres pièces. Il ouvrit pourtant les yeux de bonne heure, & voyant que s'il alloit plus loin dans cette carrière, il expoferoit fa réputation, & son falut à de grands dangers, il fit changer d'objet à fa Mufe, & il nous donna les Pfeaumes en Vers, des Poëfies Chrêtiennes, des Priéres Chrétiennes, &c. Mais enfin l'appréhension de paffer pour un vieux Poëte, *le porta même à renoncer à la Poëfie legitime quelque tems avant que de pouvoir être pris pour un vieillard (1), & il ne voulut retenir avec les Bénéfices que la qualité d'honnête homme & celle de favant Critique (2).

C'étoit conftamment un des plus beaux & des plus rares génies de fon fiécle. Mr le Cardinal du Perron & Mr de fainte Marthe

17 Defportes, quoiqu'en ait dit la Croix du Maine, a, comme l'a fort bien remarqué Ménage, fait des vers toute la vie. I eft vrai qu'en 1584. tems auquel la Creix du Maine mit au jour la Bibliothéque Defportes avoit renoncé à la Poëfie galante, & qu'il le pala encore quelques années avant

qu'il entreprit la traduction des Pleaumes,
mais tant de piéces chrétiennes qu'il compo-
fa depuis font bien voir qu'il n'avoit pas dit
adieu aux Mufes. b

2 Franc. Grud. de la Croix du Maine dans
fa Bibl. Franc. où il parle amplement du
renoncement de Defportes à la galanterie,

Defportes nous affurent qu'il avoit l'efprit excellent, le jugement admirable; & le difcernement très-fin. Le premier dit (1) qu'il étoit le meilleur Ecrivain de fon fiécle, & que tous fes écrits généralement font pleins de douceurs, de fleurs, de délicateffes, & de mignardifes. Le fecond nous apprend qu'il fût le premier de ceux de notre nation qui trouva des routes inconnues à nos Poëtes anciens (2). La bonté de fon goût ne fe termina pas à lui faire rejetter la rudeffe & la barbarie de ces Anciens, elle lui fit encore fentir les défauts qui fe trouvoient dans les nouveaux établiffemens qu'avoient faits Ronfard & les autres Modernes à fon imitation, fur tout après avoir goûté les⚫ maniéres des Italiens durant le fejour qu'il fit dans leur Pays (3).

Il fut donc le premier qui tâcha de se débarasser de tout ce grand attirail de Grecifme, de Fables païennes, d'Epithétes obfcures, & d'expreffions contraintes, que l'on avoit entrepris d'introduire dans la Poësie Françoise, depuis le Regne d'Henry II. Et plutôt que de de travailler für aucun de ces faux modéles des anciens Poëtes Grecs & Latins que chacun s'étoit forgés à fa mode, il aima mieux fuivre l'air de la Poëfie Italienne qu'il avoit pris en fes voyages (4). Cette nouvelle méthode ne manqua pas de lui fufciter des envieux & de lui attirer des ennemis. Ceux-ci le traiterent injurieusement comme un homine nouveau, qui ne tendoit qu'à ruiner la réputation des Poëtes d'avant lui. Ceux-là le voulurent faire paffer pour un imitateur fervile des maniéres effeminées des Poëtes de de-là les Monts. Mr Colletet dit, qu'il eût le déplaifir de voir un Livre fait de fon vivant contre lui-même, fous le titre de la conformité des Mufes Italiennes & Françoifes, où plufieurs de fes Sonnets François, traduits ou imités fe trouvoient d'un côté, & l'original.des Sonnets Italiens de l'autre (5). C'est peut-être un même fait que Mr Teissier rapporte d'une maniére différente lorsqu'il dit (6) qu'un Poëte du' tems de Desportes fit un Livre intitulé la Rencontre des Muses, où il prétendit faire voir que cet Auteur avoit pris des Poëtes Italiens ce qu'il y avoit de bon dans fes Poëfies. Defportes prit cela en galant homme, ajoute-t-il, & ayant vu cet Ouvrage, il dit : en vérité, ,, fi j'euffe fu que l'Auteur de ce Livre eut eu deffein d'écrire contre moi, je lui aurois donné de quoi groffir fon Ouvrage ; car j'ai

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x Perroniana au mot Rensard.

2 Ifaac Bullart de l'Academie des Arts & des Sciences tom. 2. livre 5. pag.362.

3 Gueret au Traité de la Guerre des Aureurs, pag. 115. 116. &c.

4 Perroniana, au mot. Portes, des Portes, &

dans les Addit. de Teiffier aux Elog. de Thou pag. 376.

s Guill. Colletet de l'Art Poëtique au Traité du Sonnet pag. 40. nombr. 7.

6 Antoine Teffier Av. de N. aux Additions fur les Eloges de Mr de Thou pag-377.

pris beaucoup plus de chofes des Italiens qu'il ne pense. Mais quelque grand qu'ait été le fecours que Desportes a reçu de l'Italie, il ne faut pas s'imaginer qu'il n'ait rien contribué de fon fonds au nouveau genre de Poëfie qu'il introduifit en France. Il avoit fuffisamment de quoi fe faire chef de Secte au Parnaffe, & il l'auroit infailliblement été s'il n'eut point été fuivi de fi près d'un Malherbe, & d'un établiffement d'une nouvelle Academie pour la reforme & l'embellissement de notre langue. Il fit paroître, dit Mr Bullart (1), une Poëfie toute naturelle, mais revêtuë pourtant de nouveaux ornemens dont il n'étoit redevable qu'à la fecondité de fon efprit. Sa Mufe étoit naïve fans être languiffante. La fimplicité de fon style felon Mr de Sainte-Marthe (2) étoit accompagnée de tant de graces, que non feulement il charma toute la Cour d'Henry III. les Dames & la Nobleffe du Royaume, mais que les Savans mêmes s'y laifferent prendre d'autant plus volontiers qu'ils trouverent le caractére de Tibulle fort bien exprimé dans fes Vers; ce qui les porta à proclamer Defportes Le Prince des Poëtes Erotiques de la France.

En effet, il paffoit pour le Poëte le plus tendre de fon tems, comme nous l'affurent Mr de Balzac (3), & Mr Gueret témoigne que c'est par les effets de cette tendreffe & par la facilité de fes Vers qu'il trouva le moyen de s'accommoder à la foibleffe des Courtifans (4).

Son talent principal, au jugement du même Auteur, confiftoit à bien faire une Elégie. Mais il ne réuffiffoit pas beaucoup moins dans le Sonnet. Mr-Colletet dit (s) qu'il effaça tous ceux qui l'avoient précedé & ceux de fon tems dans ce genre d'écrire: & que rien ne plût tant aux beaux Efprits de la Cour que les Sonnets qu'il fit pour Diane pour Hippolyte & pour Cleonice, à caufe de la douceur & des graces dont il avoit fu les accompagner, fans recourir aux ornemens étrangers, que les autres empruntoient des langues Grecque & Latine, & des Fables des Anciens qui n'étoient entenduës que des perfonnes d'étude.

Mais on peut affurer que les facultés de Defportes ne s'étendoient pas au-delà des fujets Erotiques pour lefquels il avoit une délica

1 Bullart au fecond tome de fes Hommes illuftres dans les Arts & les Sciences, comme ci-deffus.

2 Scævol. Sammarthan. Elog. Gall, Eruditor. lib. 5. pag 148. edit. in-4.

3 J.L.Guez de Balzac dans fes Entretiens 4 Gueret de la Guerre des Auteurs, voyés ci-deffus.

s Colletet au Traité du Sonnet pag. 38, 39. num. 7.

Desportes

Desportes. teffe achevée. Car Mr du Perron nous apprend (1) qu'il ne réuffissoit point dans le genre Tragique. On n'a pas jugé même dans ces derniers tems (2) qu'il eut trouvé véritablement le fin du Sonnet, ni le point de perfection dans l'Elégie. Et Mr de Malherbe témoi gnoit généralement un grand mépris pour tous les Vers de Defportes (3). Mais avec toute fon humeur dédaigneufe il n'eft point allé jufqu'à dire, comme a fait Mr de Thou (4) que Desportes eft à la vérité le premier des Poëtes François, mais après Ronfard, du Bellay & Belleau. Car on ne l'a point crû inférieur à ces Poëtes de notre nation au moins à ces deux derniers. Et quoique le premier eût plus de feu Poëtique, plus d'imagination, plus de force & de grandeur, le mauvais 'ufage qu'il a fait de tant d'excellentes qualités a donné lieu à Defportes de profiter de fes fautes & de la mauvaise fortune qui commençoit dès lors la difgrace, de ce Prince de nos Poëtes. C'est ce que Mr Defpreaux femble avoir voulu remarquer lorsqu'il a dit (s),

La chute de Ronfard trébuché de fi haut,

• Rendit plus retenus Deportes & Bertaut.

Tout ce que nous venons de rapporter ne regarde proprement que les Poëties galantes de Deportes, & l'on peut ajouter, moins pour rehauffer leur prix que pour admirer les libéralités de nos Rois, , que Charles IX. lui donna huit cens écus d'or pour la petite piéce du Rodomont (6), & Henri III. dix mille écus d'argent content pour un très petit nombre de Sonnets (7). Mais je ne crois pas que

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dans Colletet pag. 118. du Sonnet.

Il n'a bien entendu les vers qu'il rap porte de Claude Garnier quoique très-intelligibles. Garnier a dit qu'Henri III. avoit fait don de dix mille écus à Defportes pour le mettre en état de publier fes premiers ouvrages. Colleter dans l'endroit marqué dit la mème chofe plus au long, & en termes encore plus clairs. Baillet qui n'avoit qu'à copier dit qu'Henri III. donna pour un trèspetit nombre de Sonnets à Defportes dix mille écus d'argent content. I devoit du moins écrire comptant. Ce prétendu très-petit nombre de Sonnets alloit à près de 200. contenus dans les Amours de Diane & d'Hippolyte, fans parler de plufieurs Elégies, Chanfons & autres piéces qui les accompagnoient.

l'on

l'on puiffe honorer du nom de véritable libéralité les trente mille Desportese livres de rente qu'il reçut de l'Amiral Duc de Joyeuse pour un Sonnet ou pour quelqu'autre piéce de Vers d'auffi petite importance comme l'ont rapporté Mr de Balzac, Mr Menage, Mr Gueret Mr Teiffier (1), & quelques autres; puifque cette profufion n'est point venue toute de fa bourfe, & qu'il en a chargé l'Eglife fans scrupule, & sous le titre spécieux de fimple Benéfice.

Peut être que Desportes aura mieux été récompenfé de Dieu pour fes Pfeaumes & les autres Poëfies fpirituelles, quoiqu'au jugement des Hommes elles foient fort inférieures à fes piéces profanes. Mr le Cardinal du Perron dit (2) que le moins eftimable de tous les Ouvrages qu'il ait fait eft celui des Pfeaumes. Ce n'étoit plus alors Mr de Tiron, ajoute-t-il, le Poëte commençoit déja à vieillir, & il traduifoit fur l'Hébreu, qui eft une langue affés ftérile & fầcheufe. D'ailleurs quoique Mr de Tiron écrivit fort poliment, & qu'il fut le Maître de la langue de fon tems, il n'avoit pourtant pas la force & la vigueur néceffaire pour foutenir fes Ecrits, felon le même Critique qui avoit été fon ami particulier & fon admirateur perpetuel d'ailleurs. Mais Mr de Sainte Marthe a parlé plus favorablement de cette Verfion du Pfautier. Il jugeoit (3) que la gravité & l'éxactitude de cet ouvrage le rendroit immortel, difant qu'il avoit été reçu du Public avec d'autant plus de joie & d'avidité qu'on y trouvoit la vérité Hébraïque obfervée avec une fidélité in

Balzac dans fes Entretiens pag. 168. de l'édition d'Hollande.

Menage au tome fecond de fes Obfervations fur la L. Fr. pag. 26.

Gueret de la Guerre des Auteurs pag.116. Teiffier au 2. tom. des Additions de Mr 'de Thou.

Balzac dans fa 22. Differtat. Chrétienne & morale, pag. 400. de l'édit. in-fol. n'a dit autre chofe, finon que l'Amiral de Joyeuse donna une Abbayie pour un Sonnet. Il ajoute: La peine que prit Deportes à faire des vers lui a acquis un loifir de dix mille écus de rente. Teiffier confondant ces idées a dit, comme d'après Balzac, que le Duc de Joyeuse faifoit tant de cas des vers de Deportes qu'il récompenfa un de fes Sonnets d'une Abbayie de dix mille écus de rente. Gueret fans faire aucune mention de Mr de Joyeufe dit fimplement que la poëfie avoit procuré 10000. écus de rente à Defportes. C'est ce que Balzac avoit dit en d'autres termes, & que Régnier qui Tome V.

en pouvoit favoir des nouvelles, comme
neveu de Delportes, avoit long-tems aupa-
ravant publié dans fa 9. Satire. Pour Ména-
ge cité tom. 2. de fes obferv. fur la langue
Fr. pag. 26. il a eu raifon de s'infcrire en
faux contre la citation. Baillet auroit eu un
peu moins de tort de le citer pag. 381. de
fes Mefcolanze ou voulant montrer combien
il eft rare de trouver un Poeta divenuto ricco
per via de' verfi, il ajoute : Si dice appresso di
noi Francezi che Filippo delle Porte il quale per
quefta via avea acquistato dodici mila fudi d'en-
trata, (il augmente de 2000. écus le revenu
duPoëte) avesse avuto la remunerazion de' Poëti
prefenti, paffaii, e futuri. Ce qu'il a tiré de
Mairet qui dans fa Lettre au Duc d'Of-
fone a dit que Delportes avoit lui feul recueill
Les récompenfes de tous les Poëtes fes devanciers
fes contemporains, & fes fucceffeurs.

2 Perron. au mot des Portes.
3 Sexv. Sammarth. ut fupra.

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