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Jésus. Le fait est que la différence entre la religion de Jean et celle de Jésus est une différence de spiritualité. La singularité du genre de vie du Baptiste, son costume bizarre, sa conception du Royaume de Dieu, son austérité outrée, sont, quand on le compare à Jésus, autant de marques d'infériorité. Jésus, qui vécut de la vie commune, qui n'attacha aucune valeur à l'ascétisme, qui se vêtit et se nourrit comme tout le monde, le dépasse de beaucoup par la hauteur des vues et la simplicité de l'enseignement. Admirateur sincère du Baptiste, il le met pourtant au-dessous du plus humble membre du vrai Royaume de Dieu. Jean ne concevait ce Royaume que sous la forme d'un coup d'état divin, brisant tous les obstacles et s'imposant au monde avec le fracas d'un cataclysme. Ses disciples restèrent cantonnés dans un ascétisme étroit et dans la superstition baptismale, sans action sur l'humanité.

Il y eut toutefois entre Jean Baptiste et Jésus ce trait commun qu'ils voulurent tous deux opérer une grande réforme de leur peuple, qu'ils ne demandèrent rien aux moyens violents et insurrectionnels et qu'à leurs yeux les conditions de la participation au Royaume attendu furent uniquement de nature morale. Jean Baptiste a très réellement par là préparé les voies à l'Évangile, et c'est ce que Jésus a reconnu avec la sympathie due à un martyr qu'il avait aimé et dont il proclamait la primauté sur tous les prophètes.

1 Act. XVIII, 23; XIX, 3-7.

2 Matth., XI, 11.

APPENDICE

NOTES COMPLÉMENTAIRES

P. 282. A. LES ÉVANGILES NON-CANONIQUES.

Du prologue de Luc I, 1 et de toute la littérature chrétienne des premiers siècles résulte qu'il y eut dans la chrétienté primitive d'autres évangiles en circulation que nos quatre évangiles canoniques, c'est-à-dire faisant partie du canon ou de la liste officielle des livres reconnus partout comme faisant autorité. C'est un décret attribué au pape Gélase I (492-496), bien que probablement de date moins ancienne, qui fixa cette liste ne varietur. Mais incontestablement, surtout en ce qui concerne les évangiles, ce décret ne fit que ratifier ce qui était déjà, et depuis longtemps, l'état de choses consacré par l'assentiment de l'Église. Dès la fin du second siècle Irénée cherche, sans y réussir, les raisons qui font qu'il y a précisément quatre évangiles, ni moins ni plus, et ces quatre évangiles sont les nôtres. C'est que seuls ils

1 Adv. Haer., III, x1, 8. C'est, par exemple, parce qu'il y a quatre points cardinaux. On s'appuie aussi sur les quatre chérubins d'Ézé. chiel (X, 14), et de là les figures du taureau, du lion, de l'ange et de l'aigle, qu'on associe symboliquement aux noms des quatre évangélistes.

jouissaient dès lors d'une autorité généralement reconnue, bien qu'il en existât d'autres et que quelques-uns de ces derniers fussent encore en usage dans certaines régions. La principale raison de ce privilège doit être cherchée dans leur conformité plus grande avec les tendances dominantes en la seconde moitié du second siècle. On suspectait les évangiles portant la marque d'opinions sectaires ou sans écho dans les esprits. On peut se demander si la chrétienté, en faisant cette sélection à peu près inconsciente, ne fut pas guidée plus qu'elle ne le pensait par des préférences encore très récentes; par exemple, en adoptant avec empressement le quatrième évangile comme l'œuvre d'un apôtre de la première heure. Mais par tout ce que nous savons des évangiles dits apocryphes, on a le droit de penser que son choix aurait pu être beaucoup moins heureux. Autant que la comparaison nous est possible, nous trouvons nos évangiles canoniques supérieurs par la sobriété, classique en son genre, et la teneur générale de leurs récits. Cette supériorité sans doute n'est que relative, et même çà et là il faut reconnaître qu'elle s'efface. Mais le plus souvent elle est très réelle.

Il ne serait pas juste de ranger d'emblée parmi les apocryphes les évangiles écrits dont Justin Martyr (milieu du second siècle) se servit sans les distinguer par le nom de leurs auteurs sous le titre collectif δ' ἀπομνημονεύματα on « Mémoires concernant le Seigneur».

1 Cette dénomination vient du mot grec inoxpón, « cacher, tenir caché ». Tandis que les livres canoniques étaient lus publiquement dans les églises, on mettait à l'écart, par conséquent on cachait au peuple chrétien des livres considérés comme contenant des erreurs de doctrine ou usurpant des noms qui ne leur appartenaient pas. De nos jours le mot signifie d'une manière générale non-canonique.

On ne saurait dire exactement quels étaient ces évangiles, bien que l'évangile dit des Hébreux, plus tard rangé parmi les livres écartés du canon, en ait certainement fait partie. Du reste et dans leur ensemble, les renvois et allusions à l'histoire évangélique dans les œuvres de Justin rentrent dans le type synoptique général, et supposent que, malgré ses sympathies déclarées pour la doctrine du Logos, il ne connaissait pas notre quatrième évangile. Le Diatessaron de Tatien, son disciple, est aussi un travail de fusion de quatre évangiles. Il y en eut d'autres. C'étaient en réalité des essais très semblables par le procédé à celui de Luc, dans un temps où il n'y avait pas encore d'évangile canonique ou faisant loi. Le Diatessaron sous sa forme première est perdu et on peut à peine conjecturer de quels évangiles il était tiré. Il est seulement avéré qu'il y en avait au moins un qui différait de nos synoptiques.

Parmi les évangiles non-canoniques se rapprochant beaucoup du type de nos synoptiques, il faut mettre au premier rang l'évangile dit des Hébreux ou selon les Hébreux, de la même famille que notre Matthieu' et préféré avec persistance par les communautés judéo-chrétiennes de Palestine et de Syrie. Il fut connu d'Hégésippe, de Justin Martyr, de Clément d'Alexandrie, d'Origène et de Jérôme. Les quelques citations de cet évangile que nous leur devons ne sont pas dénuées de toute valeur. On ne sait trop s'il faut le distinguer réellement de l'évangile dit des Nazaréens dont il est aussi question comme d'un livre très estimé dans les mêmes communautés. Il est à croire qu'il y avait deux éditions distinctes et des traductions grecques de l'évangile des

1 Cette famille paraît avoir été assez nombreuse.

Hébreux, qui avait été écrit en hébreu ou en arainéen, et qu'elles différaient par le degré du particularisme juif dont l'évangile lui-même portait la trace, probablement aussi au chapitre de la conception miraculeuse.

L'évangile de Pierre, dont on a récemment découvert un curieux fragment relatif à la Passion et à la Résurrection dans le tombeau d'un moine égyptien à Akhmîm, était également parent de notre Matthieu', bien qu'il lui soit évidemment postérieur et plus porté encore à enregistrer des légendes.

L'évangile dit des Égyptiens appartient aussi au second siècle. Il est cité par Clément d'Alexandrie, Hippolyte, Épiphane, etc. Il était favorable aux prétentions d'un ascétisme très rigoureux. L'existence en Égypte d'un évangile de Philippe, de tendance gnostique, est encore attestée par la Pistis Sophia' et par Épiphane (Haer. XXVI, 13).

L'évangile dit de Thomas est mentionné aussi dans la Pistis Sophia, par Hippolyte (Philosoph. V, 7) et par Eusèbe (H. Eccl. III, 25, 6). Il faut le distinguer très probablement de l'évangile de même nom dont se servaient les Manichéens (Cyrille de Jérusalem, Catech. IV, 36; Augustin C. Faustum XXX, 4). Du reste la littérature apocryphe circulant sous le nom de Thomas paraît avoir revêtu plusieurs formes. Il y a sous ce nom des évangiles dits « de l'enfance », qui diffèrent en longueur, mais qui tous racontent des légendes de mauvais goût se rapportant à l'enfance de Jésus. Ceux qui voudraient étudier cette question la trouveront développée dans les éditions des Evangelia apocrypha de Thilo et de Tischendorf.

1 V. les études de MM. A. Lods, Evang. sec. Petrum, Paris, 1892, et A. Sabatier, l'Evangile de Pierre (École des Hautes Études), Paris,

1893.

2 Ouvrage gnostique du troisième siècle.

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