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groupement de Jean, de Marie et de la Madeleine aux pieds de la croix. Il y a en effet d'excellentes raisons critiques pour en contester la réalité. Mais si un fait aussi marquant a pu figurer dans son récit sans être réel, comment soutenir que le subjectivisme du quatrième évangéliste ne s'est donné libre cours que dans les enseignements de Jésus et qu'il ne s'est pas étendu aux faits eux-mêmes?

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Dans le présent ouvrage nous aurons plus d'une occasion de revenir sur les jugements où il nous semble que la trop grande confiance de Renan dans l'historicité du quatrième évangile l'a induit en erreur, et il est inutile de prolonger cette discussion de détail. Ajoutons seulement que nous regrettons la persistance avec laquelle, pp. 510 et 512, toujours dominé par le besoin de retrouver un fait réel sous la résurrection de Lazare, il soutient << qu'il n'y a pas une seule grande création religieuse qui n'ait impliqué un peu de ce qu'on appel<«<lerait maintenant fraude; qu'aucun grand mouvement << ne se produit en ce pays (l'Orient) sans quelque << supercherie ». Malgré tout mon respect pour la mémoire d'un homme que j'ai beaucoup aimé, qui méritait de l'être et qui lui-même eût été incapable de quoi que ce soit qui pût ressembler à une supercherie dans l'intérêt du mouvement auquel il avait donné l'impulsion, je déplore qu'un tel paradoxe ait échappé à sa plume. D'abord les grandes créations religieuses sont très rares. Dans celles que nous connaissons d'assez près pour pouvoir en apprécier le caractère originel, nous discernons les qualités et les défauts d'un enthousiasme fervent, qui ne se concilie guère avec des procédés frauduleux. Le prophétisme monothéiste d'Israël est certainement un grand mouvement religieux. Nous ne

voyons pas qu'il ait mis en œuvre la moindre supercherie. C'est le clergé de Jérusalem qui a pu recourir à ce genre de tactique lors de la réforme de Josias dont il devait tirer tant d'avantages. L'islamisme, dans les premières années des prédications de Mahomet, ne confirme pas non plus cette prétendue loi de l'histoire religieuse. La Réforme du xvi° siècle ne la confirme pas davantage. Le tort des religions qui commencent est bien plutôt de voir des miracles là où il n'y en a pas, ce qui les dispense d'en fabriquer. Ce sont les dévotions menacées dans leur longue possession par l'évolution de l'esprit général qui se servent de ces moyens frelatés, et trop souvent les vieux clergés se croient tenus, sinon d'y prêter les mains, du moins de les juger d'abord avec indulgence et de les ratifier ensuite. Sans doute, s'il était irrécusablement démontré par des documents dignes de foi que des prodiges factices furent opérés sournoisement dans l'entourage de Jésus, il n'y aurait qu'à s'incliner devant l'évidence. Mais quand tout repose sur le témoignage d'un écrivain convaincu de plier les faits qu'il raconte aux postulats de sa métaphysique, lorsque l'évènement en question, quelque interprétation qu'on lui donne, soulève d'insolubles difficultés historiques, on devrait, ce me semble, ne pas asseoir une conclusion aussi paradoxale sur un argument aussi léger.

Sans examiner si Renan a eu raison dans cet Appendice d'assimiler à des Alexandrins modernes « les théologiens aux abois >>> qui cherchent à « sauver » des textes au moyen de l'allégorie, et en faisant simplement observer que dans l'espèce c'est Renan lui-même qui tâche de les conserver comme faisant autorité pour l'histoire, nous terminerons par une considération qui servira aussi d'éclaircissement.

Le plus spécieux des arguments opposés par E. Renan à la manière actuelle de comprendre le quatrième évangile consiste à reprocher à ses partisans de confondre la position des vrais Alexandrins, Philon, Barnabas, Clément, Origène, qui introduisaient l'allégorie et le symbole dans de vieux textes consacrés par la vénération des siècles, qu'on ne pouvait changer et qui passaient pour une dictée divine - et la position qu'ils attribuent au quatrième évangéliste tissant en l'air toute une histoire composée de faits et de discours, sans autre guide que son imagination et son amour du symbolisme. Nous répondons que ce n'est pas ainsi que la question doit se poser. Strauss et quelques exagérés de l'école de Tubingue ont pu présenter les choses sous ce jour inexact. Mais la critique actuelle ne dit pas du tout que le quatrième évangéliste a tiré tout son récit de luimême. Il eut certainement des prédécesseurs dans l'application de la méthode idéalisante à l'histoire évangélique. L'auteur de l'épître aux Hébreux et celui de la I épître de Jean sont entrés dans la même voie. Eux et lui étaient en face d'une tradition déjà fixée tout au moins dans ses grandes lignes. Lui-même a dû connaître ou notre Marc ou le Prôto-Marc. Il est douteux qu'il ait connu les Logia ou, s'il les a connus, qu'il en ait tenu grand compte. Il y a des raisons de supposer qu'il connaissait encore d'autres évangiles écrits différents des nôtres, bien que de la même tendance générale, un particulièrement qui devait ressembler beaucoup à celui qu'on nomme l'évangile des Hébreux, si rapproché de notre Matthieu. Enfin la tradition orale, sous sa forme à la fois stéréotypée et variable, était encore vivante autour de lui. Il se peut très bien ou plutôt on peut poser en fait que les divergences de ces sources mul

tiples d'information lui aient suggéré le sentiment que l'histoire de Jésus n'était pas irrévocablement fixée et qu'elle souffrait dans sa narration vulgaire de l'inintelligence des narrateurs qui n'avaient pas compris, faute de spiritualité, la vraie grandeur de celui dont ils croyaient retracer le portrait fidèle. Il était donc licite de refaire cette histoire en lui donnant avec son vrai sens plus de cohésion et de fixité. Tout dépendait, puisqu'il voulait la rééditer revue et corrigée, du fil conducteur dont il se servirait pour la reconstituer. Déjà Luc (I, 1), mécontent aussi des essais antérieurs, s'en était rapporté simplement à sa sagacité et au soin qu'il avait pris de raconter les choses dans un ordre suivi. Le quatrième évangéliste se servit d'un tout autre criterium. Il pensa que sa refonte devait être dominée par la grande idée du Logos divin devenu chair en Jésus-Christ, et, conservant en somme les matériaux que lui fournissait la tradition vulgaire, il les pétrit et les organisa de manière que, sous un arrangement nouveau, ils pussent mettre en lumière cette vérité transcendante, bien plus réelle à ses yeux que ses manifestations extérieures, pour qu'elle se révélât à l'esprit de ceux qui le liraient. C'est dans cette opération, non sur le vide, mais sur une matière préexistante que son tour d'esprit alexandrin lui permit de penser qu'en transformant la tradition au point de vue des faits comme à celui des enseignements, bien loin de s'éloigner de la vérité, il s'en rapprochait de plus près que ses prédécesseurs.

Il suit de là que toutes les fois que son récit porte l'empreinte d'une connexité logique avec sa thèse préconçue, il devient à bon droit suspect à l'historien. En revanche, puisqu'après tout il est l'aboutissant de traditions et de détails dont les documents ne nous sont

pas parvenus, dans les cas où ses assertions sont sans rapport intime avec sa doctrine favorite, nous avons le droit de le consulter et de nous servir de lui lorsque ces éléments de son récit jettent quelque lumière sur les incidents obscurs ressortant des textes synoptiques. C'est dans cette mesure restreinte, mais encore précieuse, que le quatrième évangile peut toujours compter parmi les documents de l'histoire de Jésus. Elle ne suffit pas pour en faire la source principale à laquelle on rapporte les autres, et c'est tout ce que nous voulions maintenir.

P. 408. H.- LÉGENDES APOCRYPHES SUR LA FAMILLE ET L'ENFANCE DE JÉSUS1.

Résumé du Protévangile dit de Jacques :

Joachim et Anne, père et mère de Marie, ont été longtemps sans enfants et se lamentent, chacun à part, de cette stérilité qui passe en Israël pour une malédiction divine. Mais leur piété et leurs supplications font qu'ils reçoivent une révélation angélique à la suite de laquelle ils donnent naissance à une fille qui reçoit le nom de Mariam (Marie). Ils l'avaient vouée avant sa naissance au service de Dieu et, quand elle eut atteint l'âge de trois ans, ils la menèrent au Temple où elle fut reçue avec bénédiction par le pontife qui pressentait ses glorieuses destinées. Tout cela est raconté avec une quantité de détails fantastiques en contradiction absolue avec la situation réelle du judaïsme à cette époque.

Marie grandit dans le Temple où les anges la nourrissent. Quand elle atteint l'âge de douze ans, les prètres

Voir les Evangelia apocrypha, édition de Tischendorf, 1853.

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