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PRÉFACE

Ceux qui ont fait à l'auteur du présent ouvrage l'honneur de lire les études qu'il a publiées au cours des quinze années précédentes sur plusieurs sujets d'histoire religieuse', se seraient peut-être attendus à un nouveau travail faisant suite à la série commencée. Il eût été logique, après l'exposé de la religion chinoise, de continuer par l'un des grands polythéismes qui ont marqué dans l'histoire et dont plusieurs survivent, tels que le brahmanisme, le mazdéisme, la religion hellénique, l'ancienne religion romaine, etc. Quant à ces deux dernières religions, on peut dire que leur procès s'instruit de jour en jour dans les travaux de l'érudition européenne et il serait impossible de considérer le moment présent comme une de ces étapes où l'on peut résumer la

1 Prolégomènes de l'histoire des Religions, 1 vol., Paris, 1881, 4me édition, 1886. Les Religions des peuples non civilisés, 2 vol., Paris, 1883. Les Religions du Mexique, de l'Amérique centrale et du Pérou, 1 vol., Paris, 1886. La Religion chinoise, 2 vol., Paris,

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Fischbacher, éditeur, 33, rue de Seine.

route parcourue en se disant que quelque temps s'écoulera avant que l'heure sonne de se remettre en marche. Le brahmanisme et le mazdéisme, depuis que des solutions nouvelles et très discutées ont été proposées aux problèmes qu'ils soulèvent, ne se prêtent guère non plus, au moment où nous sommes, à un tableau d'ensemble qu'on puisse présenter comme relativement fixé. Force est d'attendre, et la vie humaine est courte. L'auteur a donc préféré soumettre à ses lecteurs les résultats de recherches prolongées sur le domaine sans contredit le plus intéressant pour nous de cette opulente histoire.

On le croira sans peine quand il déclare qu'en livrant à la publicité deux volumes dont l'histoire évangélique est le sujet principal, il n'a pas la moindre prétention de rivaliser avec la Vie de Jésus d'E. Renan au point de vue du charme littéraire et de la célébrité. Son opinion est pourtant que cette œuvre capitale de l'illustre écrivain pourrait être reprise avec plus de sévérité dans la méthode et plus de fermeté dans l'appréciation critique des documents. Les spécialistes en cet ordre d'études sont pour la plupart d'accord à penser que Renan était d'une étonnante hardiesse dans ses conceptions philosophiques, si hardi qu'il éprouvait lui-même le besoin de tempérer ses propres audaces par une sorte d'oscillation préméditée entre les thèses les plus opposées, qu'il était toutefois d'une sincérité entière, mais que dans la critique des textes il était très timide. Tout le monde reconnaît que l'historien chez lui était doublé d'un artiste de premier ordre, et on aurait tort de prendre ce jugement pour un blâme,

l'histoire étant un art aussi bien qu'une science. Le même homme peut posséder une érudition immense et ne jamais réussir à rédiger une histoire. Mais on peut craindre que chez lui l'artiste n'ait parfois entraîné l'historien à se représenter les choses sous un jour contre lequel la réalité proteste, et le premier devoir de l'historien est pourtant de serrer la réalité du plus près qu'il est possible. C'est aux lecteurs. compétents de décider si les études qui suivent ont rectifié heureusement le déroulement de l'histoire évangélique tel qu'il est exposé dans un ouvrage qui eut un si grand retentissement et qui est encore à cette heure le seul dans notre langue où ce grand sujet soit traité avec l'étendue, le savoir et l'indépendance qu'il exige.

On trouvera peut-être excessive la part considérable faite aux antécédents de l'histoire évangélique dans le passé national et religieux d'Israël. J'estime qu'elle était indispensable. En théologie l'étude sérieuse du Nouveau Testament est impossible, si l'on ne possède pas une claire connaissance de l'Ancien. Il en est de même de l'histoire évangélique, si elle ne s'appuie pas sur une notion précise de l'état politique, religieux et moral du peuple juif au temps de Jésus. Cet état lui-même résulte d'évolutions et d'événements remontant très haut dans la série des siècles, et ce peuple joignait alors à d'ardentes aspirations vers l'avenir un amour passionné de ses vieilles traditions. Grâce à la lecture continue, à la méditation infatigable de son Livre sacré, par ses écoles et par ses synagogues, ce passé revivait dans son cœur comme s'il eût daté de la veille.

Il était donc nécessaire de résumer l'histoire antérieure d'Israël, en se bornant aux grandes lignes, du moins à celles qui dessinent son développement religieux, et en faisant aux détails une part de plus en plus grande à mesure qu'on approchait du moment où l'histoire évangélique va commencer.

Un mot encore pour prévenir tout malentendu. Je ne crois pas beaucoup à l'impartialité absolue en histoire, à moins qu'il ne s'agisse d'événements et de personnes qui nous laissent complètement indifférents. Une histoire, même racontée par un témoin oculaire désireux d'être véridique, est toujours une traduction de la réalité faite par le narrateur. Par conséquent elle dépend toujours plus ou moins de son intelligence, de ses sympathies et de ses antipathies. Mais on peut aisément distinguer ceux qui, dans leur manière d'exposer et de juger les faits, sont dominés par les suggestions, inconscientes peut-être, de l'engouement ou du dénigrement, de ceux qui font effort pour résister à leurs préférences intimes afin de s'écarter le moins possible Ju vrai. J'ose espérer qu'on trouvera dans cet ouvrage plus d'une preuve que je me suis imposé consciencieusement ce genre d'effort. Je ne sais pas pourquoi je tairais que j'aime beaucoup Jésus de Nazareth. Je lui dois ce que j'ai de meilleur dans ma religion personnelle. Mais j'ai appris à son école que l'amour courageux de la vérité est un des éléments constitutifs de l'amour de Dieu et ce serait trahir sa pensée que de lui appliquer à lui-même une autre mesure, d'autres critères du vrai que ceux dont l'expérience a partout mis en évidence la légitimité.

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