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Cretain des Cordeliers du lieu, lui prefter, une Chappe & Eftolle. Tappecoue le refufa, alleguant que par leurs Statuts Provin ciaux, eftoit rigoureufement deffendu rien bailler ou prefter pour les Joüans. Villon repliquoit que le Statut feulement concernoit Farces & Mommeries, & autres Jeux diffolus Enfin Tappecoue lui dit peremptoirement qu'ailleurs fe pourveuft, rien n'efperaft de fa Sacriftie. Villon résolut de fe venger. Il fut averti que Tappecoüe étoit allé à la quête fur la poutre du Couvent; ainsi nomment-ils une jument non encore faillie. Adonques Villon fift la monftre de fa Diablerie par la Ville & le marché. La Diablerie, c'étoit la troupe de ceux qui jouoient les Diables dans la Pasfion. Ces Diables étoient tous caparaçonnés de peaux de loups, de veaux, & de beliers, parfementés de teftes de mouton, de cornes de bœufs, & de grand havés de cuifine ceints de groffes courroyes, efquelles pendoient groffes cymbales de vaches, & fonnettes de mulets à bruit horrifique. Tenoient en main aucuns baftons noirs pleins de fu fées

autres portoient longs tifons allumés, &c. Après les avoir ainfi conduits avec contentement du Peuple, & grande frayeur des petits enfants, il les mena fur le chemin de Tappecoüe. Par la mort, dirent

:

adonc les Diables, il n'a voulu prefter une povre Chappe à Dieu le Pere; faifons - lui peur. Ils y réuffirent fi bien, que la poutre le jetta bas mais comme il ne put défaire de dedans l'étrier, qui étoit de corde fon foulier feneftre, la poutre le traîna au haut & au loin, & ne reporta de lui au Couvent que le pied droit & fon fculier entortillé. Villon ravi difoit à ses gens: Vous joüerez bien, MM. les Dia·bles, vous jouerez bien, je vous affie. Je dépite les Diables de Saulmur, de Monmorillon, de Langés, d' Angiers, &c. Car il y avoit des Diableries par-tout.

Quelques-unes de ces repréfentations pieufes étoient muettes, & elles ornoient les réjouiffances & les Fêtes publiques. Quand Henri VI, Roi d'Angleterre, fit fon entrée à Paris en qualité de Roi de France, il y avoit à la porte de S. Denis par où il entra, dit Monftrelet, personnages, fans parler, de la Nativité de NotreDame, de fon Mariage, & de l'Adoration des trois Rois, des Innocents, & du bon' Homme qui femoit fon bled, & furent ces perfonnages très-bien joués. On crut qu'il étoit d'une grande magnificence que ce Prince à chaque pas qu'il faifoit trouvât un myftère. Encore une coutume tirée de l'Eglife, & appliquée à des occafions

profanes; c'eft qu'aux entrées des Rois dans les réjouiffances publiques, on crioit Noël.

Tel étoit alors le génie des Peuples. Il faut des Spectacles & des divertiffemens à quelque prix que ce foit, & la Religion elle-même, toute férieufe qu'elle eft, eft obligée à en fournir, quand on n'en peut pas tirer d'ailleurs. Nos pères, peu favans dans l'antiquité, ne connoiffoient guères que l'Hiftoire de leur Religion; & c'étoit à elle par conféquent à remplir le Théâtre. Heureufement nous avons aujourd'hui d'autres fources où puifer des Sujets : toutes les Hiftoires anciennes nous font ouvertes; & quand nous voulons du merveilleux, nous avons quantité de Dieux & de Déesses qui ne nous font rien, & qui ne font bons que pour la Scène. Ce n'eft pas cependant que toutes nos anciennes Comédies Françoises fuffent tirées de l'Ecriture ou de la Vie des Saints. Il y avoit comme nous l'apprenons de l'Hiftoire rapportée par Rabelais, des Farces & Mommeries, pour lefquelles Tappecoüe eût eu raifon de ne point vouloir prêter de Chappe.

Il nous reste une de ces Farces, où il y a de fort plaisantes choses. C'est la Farce

Farce de Pathelin, dont Palquier a fait un extrait ou plutôt un récit affez long & affez fidèle. Je ne laifferai pas d'en faire auffi un qui fera différent du fien, en ce que je rapporterai plus de morceaux de POuvrage.

Maître Pierre Pathelin, Avocat peu employé, vient d'abord avec Guillemette fa femme, qui lui reproche qu'il n'a ne denier ne maille. Pathelin lui dit que cela n'empêche pas qu'il n'aille à la Foire tout de ce pas, & qu'elle n'a qu'à lui dire de quel drap elle veut pour fe faire un habit, qu'elle en aura qui ne coûtera rien. Il va donc à la Foire, & s'adreffe à un Drapier à qui il donne le bon jour avec beaucoup de careffes. Enfuite il lui parle de fon père.

Il m'eft avis tout clerement
Que c'eft-il de vous proprement
Qu'eftoit un bon Marchand & Saige;
Vous lui reffémblés de visage,
Par... comme droite peinture,
Si Dieu eût oncq de créature
Mercy, Dieu vray pardon luy face,
A l'ame.

LE DRAPIER,
Amen par fa grace,

Tome III.

D

Et de nous quand il lui plaira.
PATHELIN.

Par ma foi, il me déclara
Maintes fois, & bien largement
Le temps qu'on voit préfentement,
Moult de fois m'en eft fouvenu;
Car pour lors il eftoit tenu
Un des bons

Le Drapier, fur qui les difcours de Pathelin commencent à opérer, le prie de s'affeoir. Il en fait quelque façon, & s'affied, & puis revient à la reffemblance du Drapier avec fon père.

Ainfi m'aift Dieu que des oreilles,
Du nez, de la bouche, des yeux,
Oncque enfans ne reffembla mieux
A pere. Quel menton fourché !
Vrayement cefte vous tout poché.
Et qui diroit à votre mere
Que ne fulliez fils de votre pere,
Il auroit grand foin de tancer.

Enfuite il lui demande des nouvelles de la bonne Laurence fa belle-tante, à qui il reffemble encore de corfaige. Au milieu de cet entretien, il jette par hafard les yeux fur un drap qui lui plaît. Il n'a que faire de drap, dit-il: mais celui-là

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