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SIXIÈME DISCOURS

PRONONCÉ LE MARDI DE LA PENTECOTE 21 MAI 1839.

L'AMOUR SAUVEGARDE DE LA FOI CONTRE LA
SUPERSTITION.

Les brebis le suivent parce qu'elles entendent sa voix. Elles ne suivent point un étranger, mais fuient loin de lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers.

(Evang. selon St. JEAN, x, 4, 5.)

La Foi, considérée comme un exercice de la Raison, a cela de particulier qu'elle part bien plus des motifs antécédents que de l'évidence; elle s'abandonne avec beaucoup de confiance aux présomptions, et c'est en cela que consiste son mérite spécial. Ainsi elle se distingue de la Connaissance dans l'acception ordinaire de ce mot. Nous passons communément pour connaître une chose, lorsque nous nous en sommes assurés par les moyens naturels qui nous ont été donnés à cet effet. Ainsi, nous connaissons les vérités mathématiques par l'évidence démonstrative qui les concerne ; nous connaissons par les sens les choses présentes et

matérielles; nous connaissons par la preuve morale les événements de la vie; nous connaissons les choses passées ou les choses invisibles, en raisonnant d'après certains accessoires qui accompagnent présentement les faits, comme serait le témoignage dont ils sont appuyés. Nous étant assurés, par exemple, du fait d'un miracle par un bon témoignage, le témoignage d'hommes qui ne trompent pas ni qui ne sont pas trompés, nous pouvons dire que nous avons connaissance du fait; car nous sommes en possession de ces motifs particuliers, de cette garantie spéciale en sa faveur, qu'exige et permet la nature même du fait. Ces motifs spéciaux reçoivent souvent le nom d'Evidence; et si notre croyance en est une conséquence, on la dit basée sur la Raison.

Par Raison, il est vrai, on entend proprement certain procédé ou acte par lequel l'esprit passe d'une chose à la connaissance d'une autre chose; que ce soit ou non une véritable Raison, qu'elle provienne de probabilités antécédentes, ou procédé par démonstration, ou s'appuie sur des faits allégués. Dans ce sens général, elle renferme conséquemment la Foi, qui est surtout une anticipation, une présomption; mais, dans son sens le plus populaire (et c'est dans celui-là que, la plupart du temps, je m'en servirai ici comme dans mes premiers discours), elle contraste avec la Foi comme signifiant principalement un procédé par lequel on tire à l'égard des faits, des conclusions telles qu'elles sortent des faits en question eux-mêmes, c'est-à-dire des Evidences, et qui, conséquemment, conduisent à la Connaissance.

La Foi et la Raison, dans le sens populaire, contrastent donc l'une avec l'autre ; la Foi consistant en certains exercices de la Raison qui partent principalement des présomptions; et la Raison, en certains exercices qui partent principalement des preuves. Le point le plus important, au jugement de la Raison, c'est le fait particulier dont il faut s'assurer; elle le contemple, en recherche l'évidence, sans exclure pour cela les considérations antécédentes, mais ne les prenant pas pour point de départ. La Foi, d'un autre côté, part de ses connaissances préalables et de ses opinions, elle avance et décide sur des probabilités antécédentes, c'est-à-dire, sur des raisons dont la portée n'est pas telle qu'elles touchent précisément à la conclusion désirée, quoiqu'elles y tendent, quoiqu'elles en approchent de très-près. Elle agit, sans attendre une certitude ou une connaissance complète, sur des fondements restant, pour la plupart, visiblement séparés de la chose même qui en est l'objet, quelque près qu'ils puissent en approcher. Ce qui a fait dire, et justement, qu'en acceptant les données de la Foi, on se risque, on s'aventure, que la Foi est contre la Raison, qu'elle surpasse ou devance la Raison, qu'elle atteint ce à quoi la Raison est incapable d'atteindre, qu'elle fait ce que la Raison trouve au-dessus de ses forces; ou encore, qu'elle est au-dessus ou au-delà de l'argument, qu'elle n'est pas soumise aux règles de l'argument; qu'elle ne peut pas se défendre, qu'elle n'est pas gique, et d'autres choses semblables.

lo

Telle est la manière d'envisager la Foi sur laquelle j'ai insisté il n'y a pas longtemps. Ce sujet, quoique

dépourvu d'intérêt au premier coup d'œil, vous paraitra cependant, je pense, digne d'attention, parce qu'il touche immédiatement à la pratique. Il est, de plus, intimement lié à la doctrine exprimée dans le texte, et à la grande Vérité dont nous rappelons la mémoire en cette Saison, Vérité au sujet de laquelle l'Évangile de ce jour, dont le texte fait partie, a été

choisi.

Soutenir que la Foi est un jugement sur les faits en matière de conduite, et un jugement tel qu'il se forme moins par l'impression produite tout simplement sur l'esprit par ces faits, que parce qu'il va lui-même à leur rencontre, -- que c'est une présomption et non une preuve, peut avoir l'air d'un paradoxe. Il n'en est rien cependant, l'état réel des choses telles qu'elles se passent chaque jour sous nos yeux, témoigne de la vérité de cette assertion. Peuton douter, en effet, que la grande majorité de ceux qui, sincèrement et après une mûre délibération, se sont jetés entre les bras de la Religion, qui ont pris la Religion pour leur partage et placé en elle toute leur espérance, ne l'aient fait, je ne dis pas après en avoir examiné l'évidence, mais par un mouvement spontané de leurs cœurs vers elle. Ils y mettent du leur pour aller à la rencontre de Celui qui est invisible; ils le distinguent dans les symboles dont il est l'Objet, et qu'ils trouvent préparés tout exprès pour eux. Qu'ils examinent ensuite ou non l'évidence au moyen de laquelle ils peuvent justifier leur Foi, ou quelque soin qu'ils mettent à le faire, encore l'évidence n'est-elle pas l'origine de leur Foi, ni leur Foi

forte en proportion de la connaissance qu'ils ont de l'évidence ; qu'une telle connaissance la corrobore, c'est possible, mais elle n'en peut pas moins être aussi forte sans elle qu'avec elle. Ils croient sur des fondements intérieurs de certitude, et non pas purement ou principalement sur le témoignage extérieur avec lequel la Religion se présente à eux. Quant au grand nombre de ceux qui font profession du Christianisme, ils croient vraiment sur une pure habitude ou à peu près. Si leur cœur n'est pas intéressé à la Religion, on peut, avec raison, les appeler chrétiens purement héréditaires. Je ne parle pas de ceux-là, mais de la portion sérieuse de la communauté chrétienne; et je dis qu'eux aussi, quoique ne croyant pas simplement parce que leurs pères croyaient, mais avec une Foi qui leur est propre, croient néanmoins, précisément pour cette raison, sur quelque chose de distinct de l'évidence, — croient avec une Foi plus personnelle et plus vivante que l'évidence ne pourrait la créer. Une évidence toute pure ne pourrait les conduire qu'à une opinion, à une connaissance passive; mais les anticipations et les présomptions sont la création de l'esprit lui-même ; et la Foi qui existe en eux, qu'ils soient riches ou pauvres, savants ou ignorants, jeunes ou vieux, est une Foi active. Ils n'ont pas entendu parler « d'interruption du cours de la nature,»>«< de miracles apparents, »> « d'hommes qui n'aient été ni trompeurs ni trompés » et autres lieux communs. Il n'ont rien recueilli de tout cela; mais il trouvent que la religion qui leur est proposée donne du corps aux désirs spontanés, aux pressentiments de leur âme, et les fait naître en eux :

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