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TROISIÈME DISCOURS

PRONONCÉ LE 27 MAI 1832.

DE L'ANTAGONISME DE LA VUE ET DE LA FOI.

La victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi.

(I Jean, v, 4.)

L'épitre catholique de saint Jean a pour but principal de faire connaître aux chrétiens à quel danger les expose l'influence des choses visibles, ou le monde, comme l'appelle l'Écriture. Il semble le prendre pour quelque faux prophète, qui promet ce qu'il ne peut tenir, et gagne du crédit par l'assurance du ton avec lequel il parle. L'envisageant comme opposé au Christianisme, il l'appelle « l'esprit de l'Antechrist, » le père d'une race nombreuse d'esprits mauvais et faux comme lui, prêchant toutes les doc trines mensongères qui traînent captifs les hommes à leur suite. L'antagoniste de ce grand tentateur, c'est l'esprit de Vérité, plus grand que celui qui est dans le monde ; » il en est l'antagoniste victorieux,

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parce qu'il est doué de ces yeux perçants de la Foi, qui peuvent voir à découvert la futilité du monde, et pénétrer jusqu'au glorieux royaume de Dieu, à travers les nuages de l'erreur qui en dérobent la vue. « La victoire qui triomphe du monde, » dit le texte, « c'est notre Foi. » Et si nous voulons connaître quelles sont les visions que voit notre Foi, l'apôtre nous répond ; « l'Esprit qui porte témoignage, parce que l'Esprit est la Vérité. » Le monde témoigne en faveur d'une erreur qui sera exposée un jour; et le Christ est « l'Amen, le fidèle et véritable témoin, » venu dans le monde « par l'eau et le sang, »> pour « rendre témoignage à la Vérité,» afin que, comme d'un côté les voix nombreuses de l'erreur subjuguent et entraînent l'investigateur par leur tumulte et leur importunité, ainsi, de l'autre, la Vérité puisse avoir son représentant vivant et visible, non plus jeté comme le pain à l'aventure sur les eaux, ou péniblement tiré des écoles et des traditions humaines, mais confié à celui qui est venu « avec une chair véritable», qui a un nom et une habitation terrestres, qui, en un sens, est une des puissances de ce monde, qui a son train et sa suite, sa cour et son royaume, ses serviteurs unis entre eux par les liens de l'amitié fraternelle et du zèle contre les prophètes de mensonge. « Quel est celui qui triomphe du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le fils de Dieu?» « Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand; or, c'est Dieu lui-même qui a rendu témoignage de son Fils. » Comme si « l'esprit, l'eau et le sang » parlaient plus fort pour Dieu, que

le monde ne parle pour l'esprit Mauvais. Tout au commencement de l'épitre, il nous a mis devant les yeux, mais sous une autre forme, la même vérité propice, à savoir, que l'Évangile, en nous présentant dans la personne et l'histoire du Christ un témoin du monde invisible, s'adresse à nos sens et à notre imagination, là précisément où les fausses doctrines du monde viennent nous assaillir. « Ce qui a été depuis le commencement..... ce que nous avons vu de nos propres yeux.... ce que nous avons vu et entendu, -nous vous l'annonçons. »

Ici, nous nous trouvons incidemment amenés à une vérité, dont la rencontre peut être la source de quelques utiles réflexions: cette vérité, c'est que le monde triomphe de nous, non pas seulement en faisant appel à notre raison ou en excitant nos passions, mais en frappant notre imagination. Les systèmes des hommes s'écartent tellement de la vérité consignée dans l'Écriture, que même, lorsque notre raison les condamne, leur présence devient, par la persévérance de leurs assertions, un fait en opposition constante avec l'Écriture, et qu'ils subjuguent insensiblement ceux qui avaient commencé par en être les contradicteurs. En tout cas, ce qu'on affirme souvent, finit par trouver du crédit dans la masse du genre humain ; et ainsi il arrive, qu'admettant tout d'abord, comme nous le faisons, que le monde est un de nos trois principaux ennemis, soutenant et n'accordant pas simplement que la face extérieure des choses parle un langage autre que la parole de Dieu; cependant, lorsque nous venons à agir dans le monde,

nous trouvons que c'est, non-seulement une épreuve pour notre obéissance, mais même pour notre foi, c'est-à-dire, qu'en fait, le monde nous paraît tel que nous l'avons reconnu dans le principe.

Portons maintenant notre attention sur ce sujet, pour voir ce que cela signifie, et comment on en voit des exemples dans le cours ordinaire des choses du monde.

Commençons d'abord à l'âge où les hommes sont, pour la première fois, fortement exposés à la tentation d'ajouter foi aux assertions du monde ; à cet âge où ils entrent, comme on dit, dans la vie. Ils ont jusque là appris les vérités révélées comme un symbole ou comme un système; ils sont instruits des grandes vérités chrétiennes et les admettent; animés de sentiments vertueux et zélés pour l'accomplissement de leurs devoirs, ils se croient véritablement et pratiquement religieux. L'Écriture leur a donné quelque connaissance des choses du monde, mais ils n'ont qu'une faible idée de ce qu'il est réellement; ils le croient plein d'iniquités, mais ils ignorent comment il fait pour détourner de la Vérité, donner au mal l'apparence du bien, et au bien l'apparence du mal. L'Écriture, à la vérité, parle beaucoup du monde ; mais ils ne peuvent pas avoir la connaissance pra tique de ce qu'il est d'après l'Écriture; car, pour ne pas en donner d'autres raisons, l'Écriture, étant l'oeuvre de l'inspiration, représente les choses telles qu'elles sont réellement aux yeux de Dieu, telles qu'elles nous paraîtront, à mesure que nous apprendrons à en juger sainement, et non comme elles paraissent à ceux

<< dont l'esprit »> n'est pas encore « exercé à discerner le bien et le mal. »

C'est dans ces circonstances que les hommes sont mis à l'épreuve. A la vie simple et comparativement retirée dont ils avaient joui jusqu'alors, succèdent les scènes variées et séduisantes de la société. Ses réunions nombreuses et ses occupations leur découvrent les variétés et les différences d'opinions, de conduite et de sujets, sur lesquels s'exerce le travail de la pensée. C'est là ce qu'on appelle voir le monde. lci donc ils se trouvent tout d'un coup égarés et abandonnent les leçons qu'ils croyaient avoir si bien apprises. Incapables de mettre en pratique ce qui leur avait été enseigné de bouche, et embarrassés à la vue de cette multiplicité de caractères et de conditions que revêt la nature humaine, de l'étendue et du labyrinthe du plan social, ils sont insensiblement amenés à croire que le système religieux qu'ils avaient admis jusqu'alors est une solution incomplète des mystères du monde, et une règle de conduite trop simple pour ses affaires compliquées. Les hommes sont peut-être tous, à leur manière, soumis à cette tentation. Il n'est pas jusqu'à leurs rapports ordinaires et les plus innocents avec les autres, leurs professions, leurs récréations légitimes, qui ne captivent leur imagination, et en entrant sur cette nouvelle scène, ils jettent avec intérêt leurs regards vers l'avenir, forment des projets, et se laissent bercer par des rêves de bonheur que cette vie n'a jamais réalisés. Or, n'est-il pas évident que si, après avoir ainsi effectué pour eux-mêmes les promesses du

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