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>> aux saints du Souverain, » et le temps sera venu où « les >> saints obtiendront le royaume (VIIe, 22). »

Alors, dit saint Jean, « tous les royaumes du monde seront » devenus les royaumes de notre Seigneur et de son Christ; >>> et il régnera aux siècles des siècles (Apoc., XI, 15). »

Et cette prophétie de Daniel, cette cinquième monarchie, ce règne universel de Jésus-Christ et de ses saints, dans le bienheureux millénium, cet avenir glorieux dont les psaumes et le reste de la loi parlent en tant de manières, tenait une si grande place dans les enseignements des apôtres et dans les pensées habituelles des premiers chrétiens, que vous voyez saint Paul, dans ses épîtres, leur en parler comme d'une vérité universellement connue et chérie, comme d'un fait avéré auquel les églises regardaient sans effort, et que tous les fidèles attendaient avec la même assurance que les sentinelles de la nuit attendent le matin. « Pourquoi, dans » vos différends, allez-vous plaider devant des juges païens, >> disait-il aux Corinthiens (1, VI, 2) « pourquoi n'en sou>> mettez-vous pas plutôt le jugement aux moins estimés d'en>> tre-vous? Ne savez-vous pas que les saints jugeront le >> monde? Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges? »

Eh bien, mes chers enfants, nous voici parvenus à la fin de nos premières prophéties. Nous allons désormais, pendant trois ou quatre mois, porter nos pensées ailleurs. Quatre grands chapitres, les IIIe, IVe, Ve et VIe, vont intervenir sans prophétie historique; et par conséquent, douze ou treize dimanches au moins, vont appeler nos regards vers d'autres objets d'admiration. Mais si Dieu nous permet d'arriver ensemble jusqu'au chapitre VIIe, nous aurons à reprendre fréquemment en considération nos quatre monarchies, et surtout ce règne universel et bienheureux de Jésus-Christ notre Seigneur par où tout doit finir. Alors les enseignements

de la statue vous deviendront très-utiles pour l'intelligence de ces nouveaux oracles; et j'ai l'espérance, mes amis, qu'aucun de vous n'en aura perdu l'édifiant souvenir.

Pour le moment, je vous rappelle à Babylone.

Il s'y passait un horrible auto-da-fé.

Le roi Nébucadnétsar y voulait faire brûler vifs trois jeunes Israélites qui s'étaient refusés à l'adoration de son idole dans la plaine de Dura.

Quand j'ai dit un auto-da-fé, c'est-à-dire, en espagnol, un acte de foi, savez-vous ce que c'est ? On appelait de ce nom des scènes non moins cruelles que celle de Dura et non moins éclatantes, qui se passaient, il y a deux cents ans, dans les villes de l'Italie, du Portugal, de la Belgique et surtout de l'Espagne, quand, au nom de ce qu'on appelait le Saint-Père (c'est-à-dire le Pape), et la Sainte-Inquisition, c'est-à-dire un tribunal de prêtres faisant enquête du secret des consciences, et autorisé dans tous ses actes par des bulles du Pape, on brûlait vifs en place publique des centaines d'hommes et de femmes, non moins pieux, non moins aimables, non moins fidèles que Sadrac, Mésac et Habed-Négo.

Je lisais, il y a peu de jours, « l'Histoire de la Réformation en Espagne, » et « l'Histoire des Martyrs ; » entre autres, les souffrances de huit cents personnes de l'église évangélique de Séville, que l'Inquisition fit emprisonner tout d'un coup dans cette coupable et malheureuse cité. — Je fus frappé de la parfaite ressemblance de ces scènes infernales. - La fête éclatante de Dura, où l'on brûlait, il y a trois mille ans, devant toute la cour de Babylone, nos trois jeunes martyrs israélites, c'est la fête plus splendide encore où l'on brûlait, il y a trois siècles, en présence de toute la cour d'Espagne, nos martyrs protestants, sur les places d'Alcazar dans Sé

TOME I.

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ville, ou del Campo devant Valladolid. C'était de part et d'autre la même pompe; c'étaient les mêmes meurtres, c'étaient les mêmes supplices, et c'était aussi pour la même

cause.

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Dès que les prêtres de l'Inquisition avaient pu convaincre un homme ou une femme d'avoir, contre les décrets du concile de Toulouse (1), lu la Bible en sa propre langue, ou de s'être, par conscience, refusés à l'adoration de saint Jacques de Compostelle, de la Vierge, des anges, des saints, ou de leurs ossements, de leurs peintures et de leurs images taillées, alors son supplice était préparé sur la place publique, ou devant les portes de la ville, pour la semaine de Pâques. - C'était, ai-je dit, les mêmes meurtres qu'en la plaine de Dura: des fournaises de feu. C'était la même cause le refus d'adorer d'autres êtres que le Dieu vivant et vrai. C'étaient les mêmes pompes : le roi d'Espagne, sa femme, ses fils et toute sa cour y assistaient en habits magnifiques, tout comme ici (v. 27), le roi de Babylone appela ses satrapes, ses lieutenants, ses pachas (ainsi le dit le texte) et ses gouverneurs de province, à venir contempler avec lui les trois Hébreux brûlant dans la fournaise. Le vendredi après Pâques, on les rassemblait; et, dès le lendemain, on se mettait en marche dans l'ordre suivant : d'abord, les enfants des colléges, conduits par des ecclésiastiques en surplis, et chantant des hymnes; puis, les prisonniers condamnés à la fournaise, ayant chacun deux moines à leurs côtés; portant sur leur poitrine leurs mains liées; sur leur corps, un grand habit de toile jaune semé de figures de diables; sur leur tête, une haute tiare de carton avec des démons et des flammes; devant leur figure,

(1) Note a.

des bâillons de bois ou de fer, appelés mordazas et destinés à leur tenir la bouche monstrueusement ouverte, pour leur donner aux yeux du peuple un aspect odieux, et aussi pour les empêcher de faire entendre en chemin les vivantes pensées de leur espérance et les appels de leur charité (car le mordaza leur serrrait cruellement la langue en dehors des mâchoires). Derrière eux, marchaient ensuite les sénateurs de la ville; puis, les alguazils et les juges; puis, le lieutenant royal avec toute la noblesse à cheval. Mais, après tout cela, venaient les rois de la fête, tous les membres du clergé, l'évêque, ses grands-vicaires, les prêtres, les moines, et enfin, pour consommer la pompe, les grands-maîtres de la cérémonie, les officiers de l'Inquisition, laissant un vaste espace vide entre eux et le reste du cortége, et faisant porter devant eux par le procureur fiscal, une haute bannière de damas écarlate, sur laquelle était peint le portrait d'un pape avec ses armoiries.

Je lisais, entre autres, le supplice de quatre dames d'une haute naissance (c'était en 1559): Isabelle de Vaënia, Marie de Viroës, et la généreuse Marie de Bohorches, avec sa jeune sœur Cornélie. Agée de vingt-un ans, saintement versée dans les Ecritures, pleine de foi et de prière, cette douce et sainte martyre allait à la fournaise, devant les portes de Séville, avec le même courage que les trois jeunes Hébreux et pour la même cause. Les mains liées au-devant du corps, vêtue de la robe jaune des suppliciés et coiffée de leur tiare pour son Sauveur, « elle avait le visage si joyeux en allant à la mort, et elle chantait, disent les historiens, si haut et si clair les louanges de son Dieu, » que le tribunal lui fit mettre aussitôt dans la bouche, comme aux hommes, le cruel mordaza;..... mais elle mourait dans la joie du Saint-Esprit.

Tel était donc aussi, devant Babylone, chers enfants, dans la plaine de Dura, trente siècles avant Marie de Bohorches, le supplice des trois Hébreux.

Mais ici, mes amis, quelle scène inattendue, quel attendrissant et sublime spectacle ! — Vous êtes-vous figuré les émotions d'un tel jour? - Le peuple avait vu conduire à la mort trois jeunes hommes, tous distingués par leur naissance et leur éducation comme par la hauteur de leur rang: c'étaient trois gouverneurs des provinces de l'Empire. Une foule immense était rassemblée dans cette vaste plaine; toutes les grandeurs de Babylone y entouraient le terrible Nébucadnétsar assis sur son trône : les satrapes, les lieutenants, les gouverneurs, les pachas, les conseillers. Il était rempli de fureur, dit notre texte, et l'air de son visage était changé contre Sadrac, Mésac et Habed-Nėgo. On venait de jeter ces pieux et magnanimes jeunes gens, tous liés comme Marie de Bohorches, mais sans mordazas, dans l'horrible fournaise du feu. Ils étaient sans doute sereins comme cette jeune chrétienne, et remplis aussi comme elle de l'esprit de prière. Cependant, on s'attendait à les entendre pousser au moins quelques premiers cris de douleur et d'angoisse; mais non! voyez ! qu'est-il donc arrivé? Que veut le roi de Babylone? d'où vient que, jusque-là si furieux, il se lève, il s'étonne, il s'avance, il est ému, il s'effraie? Qu'y a-t-il donc ? qu'a-t-il pu voir dans ce feu de la fournaise?

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Ils

ne sont plus trois; ils sont quatre! Ils ne sont plus attachés ; ils sont sans liens ! Ils ne sont plus renversés dans les charbons ardents; ils se promènent au milieu du feu; ils s'avancent, comme on ferait sous les portiques d'un palais ou sous les pavillons d'un sanctuaire! Que vois-je? s'écrie Nébucadnétsar; n'avons-nous pas jeté trois hommes au milieu du feu tout liés ?

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