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MÉMOIRE

SUR L'UTILITÉ DE LA GREFFE DU MURIER, & fur les moyens d'affurer le fuccès de celle de cet Arbre en écusson.

L

'UTILITÉ de la greffe du Mûrier eft affez généralement reconnue ; il en eft peu qui ignorent qu'un arbre greffé d'une de ses espéces à grandes feuilles, qui ne fera pas plus gros ni plus étendu en branches qu'un autre à petites feuilles, & qui n'occupera pas plus de terrein que lui, donnera cependant, en poids de ces mêmes feuilles, le double de ce dernier. On fait même qu'il en donnera au moins le quadruple de celui de l'espéce à petit fruit noir, & qui a la feuille fi déchiquetée, qu'elle reffemble à celle d'érable. On n'ignore pas non plus que la cueillette, lorsque la feuille eft grande, est bien autrement expéditive que lorsque la feuille eft petite.

Malgré cela l'utilité de la greffe de cet arbre trouve des contradicteurs. On y oppofe 1.0 que la feuille de Mûrier greffé est une nourriture moins faine, pour les Vers à foie, que celle de Mûrier non greffé. 2.° Que la foie des Vers nourris de ces mêmes feuilles d'arbres greffés eft groffiere, & bien inférieure à celle des Vers nourris de feuilles de Mûriers fauvages (a). 3.° Enfin que les Mûriers greffés viennent moins gros, & durent bien moins & durent bien moins que les autres; puifqu'ils

font affoiblis par la greffe.

(a) Voyez la note (5) au bas de la page 135.

J'effayera de répondre à ces objections; & d'abord, voici ce qui me paroît avoir donné lieu à la premiere.

Réponse à la premiere Objection.

La plupart de ceux qui ont écrit fur la greffe & la culture du Mûrier paroiffent avoir ignoré la méthode de MM. Tournefort & Duhamel; savoir, celle de diftinguer les espéces d'arbres par les fleurs, les feuilles, & les fruits. Ils divifent ordinairement les Mûriers en noirs & blancs; ils rejettent les premiers comme n'étant pas propres à la nourriture des Vers à foie; les uns difent que le fuc que renferment leurs feuilles eft trop groffier, les autres qu'elles abondent en acides nuifibles, les autres enfin que la foie que donneroient les Vers nourris de feuilles fi épaiffes & d'un verd fi foncé, ne pourroit être que groffiere.

Le Mûrier qui produit les groffes Mûres noires l'on que mange, une fois déclaré, par ces Auteurs, incapable de fournir une nourriture convenable aux Vers; ils paffent à divifer le Mûrier blanc, chacun felon fes idées, & fans en caractériser les efpéces en effet les uns le divisent en Mûrier de la premiere & de la seconde claffe, les autres en Mûrier fauvageon & franc; les autres en Mûrier de belle efpéce & celui qui n'eft pas de fi belle espéce.

Le Mûrier de la premiere claffe eft, felon les premiers, celui qui porte la feuille nommée colombine; celui de la feconde claffe porte celle qu'on nomme romaine, parce qu'elle eft plus grande que la colombine. On croiroit que les feconds divifent le Mûrier en fauvageon & franc, pour diftinguer celui qui n'est pas greffé, d'avec celui qui l'eft; mais ce n'est pas cela : le fauvageon eft, felon eux, celui qui a la feuille petite & déchiquetée (a); le franc, au contraire, est

(a) C'est probablement le Mûrier à petit fruit noir dont on a déjà parlé.

celui qui a la feuille grande, foit qu'il ait été greffé ou non. Il eft clair que le Mûrier que les troifiémes appellent de belle espéce, eft celui que les feconds nomment Mûrier franc, c'est-à-dire, Mûrier à grande feuille, abstraction faite de fa greffe.

Des divifions fi générales, & qui n'apprennent pas grande chose, n'ont pas conduit ces Auteurs, à nous indiquer les efpéces qu'il feroit le plus avantageux de multiplier par la greffe. Auffi lorsqu'il a été question d'en venir là, ils fe font contentés de nous dire en général qu'il falloit greffer de la belle efpéce fur une autre (a).

C'est ce précepte qui aura induit bien des perfonnes en erreur, & que je regarde comme la fource de l'objection à laquelle je réponds. On aura pensé que cette belle espéce, dont il falloit greffer, étoit la feuille la plus grande; parmi les espéces connues il s'en trouve deux qui l'ont finguliérement grande, c'est le Mûrier d'Efpagne, & celui que nous nommons à Metz (peut-être mal-à-propos) Mûrier Romain. Ces deux efpéces auront féduit fans doute plufieurs de ceux qui nourriffent des Vers à foie, ils s'en feront procuré beaucoup d'arbres par la greffe ; & cependant ils fe feront apperçu, car la chose est très-vraie, que ces dernieres feuilles ne valoient pas les autres pour les Vers à foie, c'est-à-dire, qu'elles ne valoient pas les petites, même celles de Mûriers communs fauvages & provenus de graine (b). Ils en auront conclu fans balancer que la feuille de Mûrier greffé devoit être inférieure à l'autre ; mais la

(a) On trouvera la defcription des différentes efpéces de Mûriers dans la Botanique de M. Tournefort, page 589 de l'édition latine; on la trouvera plus en grand dans le Traité des Arbres & Arbuftes par M. Duhamel du Monceau, au mət Morus.

(b) J'entends par Mûrier fauvage tout Mûrier provenant de graine, ou toute marcotte ou bouture tirée d'un arbre provenu de graine, abftraction faite de fon efpéce.

J'entends au contraire par Mûrier franc tout arbre provenu de greffe, ou toute marcotte ou bouture tirée d'un arbre greffé quelle que foit pareillement fon espéce.

conclufion eft trop générale; ceux qui l'ont tirée, n'ont point fair attention au premier principe de la greffe; favoir, qu'elle améliore, embellit, aggrandit l'espéce transportée sur le sauvageon; mais qu'elle ne la change pas.

En effet le noeud de la greffe fera, fi l'on veut, un crible ou tamis qui fervira à purifier la féve du fauvageon, à l'approprier à l'efpéce transportée par la greffe, à la rendre plus pure encore que celle qui a nourri la branche fur laquelle la greffe a été levée; il arrivera à cette branche provenue de la greffe, ce que nous voyons arriver aux animaux qui reçoivent conftamment une nourriture bonne & substantielle; elle prendra un certain embonpoint, fon fruit & fa feuille s'amélioreront, s'affineront, s'aggrandiront; mais, encore un coup, l'efpéce fera la même qu'elle étoit auparavant.

Nous dirons donc, en partant de ce principe incontestable, que fi une espèce de feuille cueillie fur un arbre fauvage, est, pour la nourriture des Vers à foie, d'une qualité inférieure à celle d'une autre espéce provenante auffi d'arbre fauvage; cette infériorité de qualité lui restera, du moins en bonne partie, lorsqu'elle fera devenue franche, c'est-à-dire, lorsqu'elle aura été transportée par la greffe fur un fujet, & réciproquement, que fi une espéce fauvage étoit, pour cette nourriture, d'une qualité fupérieure à celle d'une autre espéce fauvage auffi; elle confervera, après la greffe, au moins cette supériorité de qualité: je dis au moins, car la greffe loin d'être propre à lui ôter la plus petite partie de cette bonne qualité, il est évident qu'elle ne peut que l'augmenter; ainfi de ce que la feuille franche de Mûrier d'Espagne & Romain se trouve, pour la nourriture des Vers, d'une qualité inférieure à celle d'autres efpéces fauvages, il n'y a rien à conclurre contre les qualités de ces dernieres espéces devenues franches par la greffe.

S'il

S'il eft bon de confirmer cette théorie par les faits, je dirai que dans les commencemens j'ai été féduit, comme les autres, par la grandeur des feuilles de Mûrier d'Espagne & Romain: auffi multiplioisje, par la greffe, les arbres de ces espéces presqu'autant que je le pouvois; mais je ne leur ai pas donné long-tems cette préférence: la petite expérience que je vais rapporter, a fervi à me défabuser.

J'ai nourri séparément, de trois différentes efpéces de grandes feuilles, trois petits tas de Vers de cinquante chacun, & cela depuis ce qu'on appelle la quatrième mue, jufqu'à la montée (a); le premier étoit nourri de feuilles de Mûriers Romains, le second de de celles de Mûriers d'Espagne, le troifiéme enfin, de feuilles d'arbres greffés d'une espèce que je nomme à gros fruit blanc, qui a la feuille la plus large après celle des deux espéces ci-deffus; elle est communément échancrée d'un côté ; elle eft tendre, quoiqu'affez épaiffe; elle est, avec cela, d'un verd clair, en comparaifon des deux autres espèces.

Près d'un tiers des Vers du premier tas eft péri avant la montée; ceux qui restoient, étoient petits & fans vigueur; les coques qu'ils ont faites, étoient les plus foibles de toutes. Le fecond tas, nourri de feuilles de Mûrier d'Espagne, a affez bien réuffi; il n'en est péri que fix ou fept. Les Vers du troifiéme font ceux qui ont donné les meilleures coques, ils ont toujours été très-vigoureux & gros, je n'en ai perdu aucun, tous ont bien filé.

Depuis cette expérience, je regarde la feuille de Mûrier Romain comme la moindre de toutes en qualités. Celle du Mûrier d'Espagne (que l'on a peine à diftinguer de la précédente ) me paroît beaucoup meilleure ; mais je donne la préférence au Mûrier à gros

(a) La quatriéme mue, eft la quatriéme & derniere fois que les Vers changent de peau avant de filer leurs coques. La montée des Vers, eft lorfque ne mangeant plus, ils montent aux rameaux de bruyere pour filer.

S

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