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Ce fil de foie formé par l'infecte même, bien plus proprement & plus uniment que la main la plus adroite, dirigée par l'industrie, ne pourroit jamais faire, donne un grand avantage pour fon travail. Il ne s'agira plus pour la tordre d'occuper une perfonne à chaque brin. La mécanique fournira des machines propres à tordre plufieurs milliers, fi l'on veut, de brins à la fois; elle fournira ce qu'on nomme Moulins à foie. Si ces moulins font plus parfaits, ils donneront un tord égal, foit à chacun des brins de foie dans toute fa longueur, foit à tous ceux qui fe travailleront fur la même machine; perfection que n'a jamais eu, & n'aura probablement pas de fitôt, le rouet à filer le chanvre & lin. On pourra encore donner à la foie le tord que l'on voudra, celui qui conviendra à sa fineffe, à fa groffeur, aux ufages auxquels elle fera deftinée. Les moyens de parvenir à tout ceci feront d'autant plus fimples, plus fûrs, plus faciles à mettre en usage, que le systême de la machine fera lui-même plus fimple, mieux raifonné, mieux exécuté.

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Idée de la méthode fuivie jufqu'à présent pour organfiner les Soies & des Machines qui y ont fervi.

ON pourra prendre dans le Mémoire de M. de Vaucanfon, parmi ceux de l'Académie des Sciences, volume de l'année 1751, une idée des opérations de l'organfinage; & en même tems des machines qu'on y a employées jusqu'à préfent. J'en rapporterai quelque chofe en faveur de ceux qui n'auroient pas la commodité d'y recourir.

La premiere opération pour organfiner, eft de porter les bobines chargées de fil à un feul brin, fur le moulin de premier apprêt. » Tout le monde connoît (dit M. de Vaucanson ) ces moulins faits » en forme de cage ronde, dont le diametre ordinaire est de vingt » à vingt-quatre pieds, fur une hauteur de dix, quinze & quelque

fois de trente pieds. Cette cage eft compofée de plusieurs mon» tans droits, & de plufieurs traverses ceintrées. C'eft fur ces tra» verses, qui forment la circonférence du moulin, que font placés » les fuseaux perpendiculairement, & à fix pouces les uns des autres. » Ces fuseaux ne font autre chofe que des tiges de fer d'un pied de » hauteur, fur cinq à fix lignes d'épaiffeur dans leur partie inférieure » qui est ronde, & qu'on nomme le ventre des fuseaux. La partie >> fupérieure forme un quarré fur lequel on place la bobine.

J'ajouterai ici à ce que vient de dire M. de Vaucanson, que la partie extrême & fupérieure du fuseau eft ronde, pour recevoir pardeffus la bobine ce qu'on nomme la couronnelle. C'est une demisphere de bois pefant, percée d'un trou rond qui lui donne la liberté de tourner fur le fufeau, comme fur fon axe; à la différence de la bobine qui étant percée quarrément & portée sur la partie quarrée du fufeau, peut tourner avec lui, mais ne peut tourner sur lui. A cette demi-sphere eft fixée une branche de fil de fer recourbée haut & bas, dont les extrémités font tournées en spirales, & forment des boucles par lesquelles on fait paffer le fil de foie de la bobine, avant de le conduire fur la partie qui doit le recevoir. Ces boucles donnent à la foie la facilité de fe développer de deffus la bobine portée par le fuseau, & lui évitent tout frottement nuisible : la figure 6 ci-après eft une de ces couronnelles. Revenons à M. de Vaucanfon.

» Cette tige garnie de sa bobine, eft fimplement appellée fuseau.... » Au centre du moulin eft un gros arbre mobile fur fon pivot d'en » bas, & retenu verticalement par fon tourillon d'en haut: on nomme » cet arbre la tige du moulin.

» A la hauteur de chaque rangée de fufeaux, cette groffe tige >> porte fix rayons foutenus dans une fituation horizontale, c'est-à-dire, perpendiculaire à la tige. L'extrémité de chaque rayon porte une

portion de cercle, à-peu-près de la même courbure que celle des » traverses ceintrées de la cage. Ces portions de cercle font attachées » dans leur milieu fur le bout du rayon, par une cheville qui leur » permet un petit jeu horizontal; elles font appellées par les ouvriers » ftraffins.

» Aux extrémités de chaque ftraffin, eft appliquée fur le bord » extérieur une bande de cuir; à l'autre extrémité, eft une corde » tirée par un petit poids qui fait appuyer la bande de cuir fur le » ventre des fuseaux, avec une force proportionnée à la pefanteur » de ce poids.

» Quand on fait tourner la tige du moulin, tous les rayons tour» nent auffi, & par conféquent les ftraffins, dont les côtés garnis de » cuir appuient & gliffent par intervalle fur le ventre des fuseaux, » & les font tourner, comme on feroit tourner un toton sur son pivot qu'on agiteroit de tems en tems avec la main.

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» Les bobines qui font au deffus fur les baguettes, reçoivent leur → mouvement par des rouages correfpondans avec la tige du moulin. » On attache chaque fil de foie provenant des fuseaux, fur la bobine » qui lui répond; cette bobine, en tournant, tire à elle le fil de foie » du fuseau, & ce fil de foie, en montant fur la bobine, fe tord fur » lui-même autant de fois que le fufeau fait de révolutions. » Paffons au moulin du fecond apprêt.

Lorfque la foie a reçu le premier apprêt, lorsqu'elle a été tordue » à un bout, on réunit plufieurs de ces bouts, & on les dévide à la » main fur de nouvelles bobines, qui font enfuite portées fur un autre » moulin, pour tordre chaque fil double ou triple à contre-fens du » premier apprêt, & le faire monter en écheveaux fur un guindre: * ce font ces moulins qu'on nomme de fecond apprêt. Ils font ordi→ nairement conftruits comme ceux du premier apprêt, avec cette

» différence qu'on les fait communément mouvoir avec une courroie fans fin qui embraffe tous les fufeaux.......

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» La foie au lieu de monter de deffus les fuseaux fur les bobines, » comme dans le moulin de premier apprêt, monte ici fur des guindres ces guindres font des efpéces de chevalets ou dévidoires, » compofés de quatre lames de bois de trois pieds environ de lon» gueur, attachés vers leurs extrémités fur deux croifillons, montés » fur un même arbre. Le pourtour de ces chevalets ou guindres a >> environ vingt-fix pouces.

Chaque fil qui fe trouve double ou triple dans ce moulin, est conduit fur ces guindres par une petite boucle de fer immua» ble, & s'y dévide en écheveau. Quand l'ouvrier juge que » l'écheveau eft affez gros, il en fait la capieure, c'est-à-dire, qu'il » caffe le fil montant, pour le lier autour de l'écheveau; il fait » enfuite gliffer cet écheveau de côté, pour donner place à un autre » qui ne peut fe former que vis-à-vis la petite boucle de fer, &c...

M. de Vaucanfon démontre & fait toucher au doigt les défauts multipliés de cette conftruction des moulins de premier & fecond apprêt défauts qui les rendent incapables de donner à la foie cette uniformité de tord, feule propre à lui faire recevoir le même luftre, la même élasticité, & à rendre les étoffes unies auffi belles & auffi bonnes qu'elles pourroient être.

Cette idée générale des moulins à foie fervira à l'intelligence de ce qui va fuivre.

CHAPITRE

CHAPITRE II.

Differtation fur la caufe ou le but du moulinage de la Soie, fur les quantités de tord à donner aux Soies dans leurs apprêts, & fur les fentimens d'un Auteur à cet égard.

J'AI

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'A1 fait voir précédemment que la foie ne se tordoit pas pour en former un fil; j'ai dit que ce fil étoit formé .par le ver à foie, & que pour en former un plus fort il fuffifoit d'en réunir autant qu'on voudroit, pour les dévider ensemble. Ce que j'ai dit là, fera demander, fans doute, de quelle utilité eft donc fon moulinage, & pourquoi l'on fe donne la peine de donner un double tord ou deux apprêts à la foie, pour en faire ce qu'on nomme de l'organfin?

Jufqu'à préfent il paroît que l'on n'a donné d'autre réponse, que celle qui fe trouve répétée dans le mémoire fourni aux Éditeurs de l'Encyclopédie pour le mot foie, article de fon moulinage; favoir: » que l'organfin a besoin d'une force extraordinaire pour qu'il puisse » réfilter à l'extenfion & aux fatigues du travail de l'étoffe, dont » il compose la chaîne ou toile, dans laquelle la trame est passée.

Mais cette réponse est une erreur dont il faut revenir : le tord ne fortifie pas la foie, il s'en faut bien; il fait l'effet contraire. On le concevra aisément par la feule réflexion que le tord feul, & fans autre force quelle qu'elle foit, appliquée à un fil, eft capable de le rompre; car il s'enfuit que fi les premiers tours du fil en hélice, ne font pas capables de le rompre, ils le préparent du moins à cette

Ire Part.

B

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