CHAPITRE IL

Ufages du Moulin.

ARTICLE PREMIER.

Maniere de s'en fervir pour donner le premier apprêt à la Soie deftinée à être organfinée.

OUR donner le premier apprêt, on porte fur les fuseaux les bobines chargées de foie à un feul brin. On attache ensuite les fils des fix bobines qui correspondent à chaque guindre, à une des lames de ce guindre, après cependant qu'on les a fait paffer chacun dans les deux boucles de fa couronnelle & dans une de la tringle des guides.

2.o On place les cordons de foie, qui menent les guindres, chacun fur la poulie moyenne de la fufée 2 [ Fig. 3 ], qui est au bas de chaque guindre. Les quatre cordons étant placés chacun fur la poulie du milieu de la fufée, toute la foie du Moulin recevra vingtdeux points & demi de tord par pouce. Si l'on veut qu'elle en reçoive un plus fort, on placera les cordons fur une poulie inférieure à la moyenne: fi c'est un plus foible qu'on defire, on les placera fur une fupérieure à cette même moyenne. Si l'on vouloit que la foie que doit recevoir un guindre, reçut un tord plus fort ou plus foible que celui de celle qui monteroit fur les autres guindres, on voit ce qu'il faudroit faire pour y parvenir, & que rien ne feroit fi facile.

3.o On tourne l'aiguille du cadran du compte-tours comme l'on tourne l'aiguille d'une montre pour la mettre fur l'heure actuelle en

la montant, c'est-à-dire, qu'on la tourne dans le fens auquel fon rouage la meut; on la place fur le point de 2400, enfuite on fait travailler le Moulin jufqu'à ce que l'aiguille ait fait un tour, & que le marteau ait frappé un coup fur le timbre; ceci marquera que les écheveaux qui fe feront formés fur les guindres, feront compofés chacun de 2400 tours de foie.

Préparer la Soie qui a reçu le premier apprêt à recevoir le second. ON

N porte enfuite, & fucceffivement les guindres avec la foie dont il font chargés, fur des efpéces de poupées ou piliers montés fur une planchette: un ou deux guindres placés fur ces poupées, & y étant mobiles précisément de la même forte que lorsqu'ils font fur le Moulin, on affemble les fils de deux ou trois écheveaux d'un même guindre, felon que l'on veut faire de l'organfin à deux ou trois bouts ; & l'on charge de ce fil double ou triple, une nouvelle bobine montée à l'ordinaire fur le petit inftrument nommé efcaladou.

ON

ARTICLE

I I I.

Donner le fecond apprêt.

N recommence à travailler de la foie au premier apprêt, jusqu'à ce qu'on ait environ trente bobines chargées suffisamment de foie à fil double ou triple, qui ait reçu ce même premier apprêt: quand on les a, on les porte fur les fufeaux du Moulin, & le refte fe fait comme au premier apprêt; à la différence cependant que, comme les fuseaux doivent tourner à contre-fens de ce qu'ils faifoient au premier apprêt, 1.° les bafes des bobines qui étoient en haut à ce premier, doivent être en bas à celui-ci. 2.° Que la corde fans fin des fuseaux doit être décroisée fi elle étoit croifée au premier apprêt; & réciproquement......

On voit dans la Figure 3 que ce croifement ou décroisement fe fait, pour ainsi dire, d'un coup de main. On fouleve la tige du Moulin pour laiffer paffer la corde par deffous, la croiser ou décroifer, & la remplacer fur la poulie M.

Mouliner du poil de foie, faire de la trame, de la foie ovalée, &c.

CE E que je viens de dire me dispense de détailler ce qu'il faut faire pour mouliner sur cette machine ce que l'on nomme poil de foie, pour faire de la trame, & de la foie qu'on nomme ovalée; c'est-àdire, celle dont le fil qui garnit les bobines des fuseaux, eft compofé de sept à huit brins de foie, que l'on tord ensemble légère

ment.

J'obferverai feulement que, comme à quelqu'unes de ces espéces de foie, le tord le plus leger du moulin, celui de onze un quart par pouce, feroit peut-être encore trop fort; pour l'amoindrir, aulieu d'une fimple poulie de 10 lignes de diametre à la tige du Moulin, j'y ai mis une fufée compofée de trois poulies; une de 10 lignes, une de 15 & une de 20 lignes ; & l'on conçoit qu'en plaçant la corde des guindres, qui va à cette tige, fur une de ces deux dernieres poulies, be tord, quelqu'il foit d'ailleurs, fera diminué fortement: il ne fera plus que les deux tiers de ce qu'il étoit, fi l'on place cette corde fur la poulie de 15 lignes; il n'en fera plus que la moitié, fi on la met fur celle de 20 lignes.

La réfolution du problême qu'on s'étoit propofé, se déduit du fyftême de la compofition & conftruction du Moulin.

D

E ces détails fur la machine & du fyftême de sa composition, se déduira, sans beaucoup de difficulté, la folution du problême que je m'étois propofé (a).

Il étoit de compofer une machine qui pût tenir lieu des deux dont on s'est servi jusqu'à présent pour l'organfinage. 2.° De faire enforte cependant qu'elle fut auffi fimple & moins difpendieuse encore qu'une des deux. 3.° Qu'elle fut exempte des défauts qu'on leur reproche. 4.° Qu'elle eut même fur elles quelques avantages.

Ce Moulin peut fervir feul à organfiner.

J'OBSERVERAI d'abord que la réfolution de la premiere partie de ce problême est une conféquence évidente de ce qui vient d'être dit au Chapitre précédent; en effet j'y ai défigné la façon de se fervir de ce Moulin pour donner le premier & le second apprêt de l'organfin, , pour faire de la trame, &c. Il peut donc fervir feul à organfiner; il peut fervir feul à toutes les opérations du tord de la foie.

(4) Voyez le Difcours préliminaire

ARTICLE I I.

La Machine eft moins difpendieufe que l'une des deux dont on s'eft fervi.

Α

La réfolution de la feconde partie fe préfentera d'elle-même à ceux qui voudront bien faire attention qu'en mettant à part les va&-vient & compte-tours (machines particulieres auffi peu dispendieufes qu'elles peuvent être, quoique régulieres), le rouage de la machine confifte en trois paires de poulies; favoir, une paire pour les fuseaux & deux pour les guindres.

Lorfqu'il s'agira de l'exécuter en grand, il faudra, à la vérité, une paire de poulies de plus, comme on le dira dans la fuite; mais qu'est-ce que la dépense de toutes ces poulies menées par des cordes fans fin, afforties de contre- poids, en comparaison d'une machine dont le rouage confifteroit en roues dentées; & en roues dentées encore, affez parfaites pour fe conduire les unes & les autres auffi uniformément que les poulies fe conduifent ici par de petites cordes fans fin? Celles-ci font l'ouvrage, toujours à bon compte, du simple Tourneur qui fe trouve par-tout; celles-là, fi elles étoient telles qu'on vient de le dire, elles feroient celui de l'Horloger, ou du Tourneur très-inftruit & bon Méchanicien.

Oppoferoit-on à cette espèce d'engrenage de deux ou de plufieurs poulies par une corde, & que j'emploie ici, quoiqu'il ne paroiffe *pas qu'on ait pensé à en faire usage, du moins dans les Moulins à foie, lui oppoferoit-on, dis-je, l'inconvénient des variations des cordes, fuivant celles de la féchereffe ou de l'humidité de l'atmofphere? Il est vrai que ceci l'empêcheroit probablement d'être d'ufage dans des machines destinées à fervir aux opérations astronomiques, & à marquer le tems avec la plus grande précision; mais