페이지 이미지
PDF
ePub

parfaitement inftruite la conduifit lentement, mais fûrement, à la connoiffance de la vérité; la patience, le raifonnement, l'infinuation, & fur-tout l'à-propos, vinrent à bout de couronner l'œuvre. Quand on eut intéreffé l'efprit par des livres folides; des entretiens fuccederent aux lectures, & ce fut avec des Eccléfiaftiques auffi prudens qu'éclairés, qu'on traita les questions les plus importantes.

Mademoiselle d'Aubigné, flattée de ce qu'on ne heurtoit point fon opinion, mais de ce qu'on l'amenoit doucement à la Religion Catholique, fe dépouilla de fes préjugés. Les cérémonies de l'Églife, en parlant à ses fens, éleverent fon âme jufqu'à la contemplation des mysteres; & il n'y avoit plus que le dogme des peines éternelles qui ébranloit encore fa foi.

« Je croirai tout, difoit-elle, pourvu » qu'on me laisse un petit coin dans » le Ciel, pour y placer ma tante de

» Villette je ne puis me perfuader » qu'elle fera damnée ». On lui repréfenta que l'Églife ne prononce fur le fort de perfonne en particulier, Dieu pouvant, à l'heure même de la mort, éclairer intérieurement ceux qui font dans l'erreur. Elle goûta cette vérité, & elle fit enfin fon abjuration.

Les Religieufes, qui n'attendoient. que ce moment heureux pour faire valoir fes talens, lui donnerent une infpection fur quelques élèves. Il étoit difficile de trouver plus de discernement & plus de raifon. Mademoiselle d'Aubigné ne reffembloit aux jeunes perfonnes que par fon âge. Retrouvant du côté de l'efprit & du cœur, ce que les adverfités lui ôtoient du côté de la fortune, elle justifioit la Providence qui, toujours équitable, met une jufte compensation entre les biens & les

maux.

42%

CHAPITRE II.

Ses premieres liaifons. MADAME d'Aubigné, quoiqu'obligée

de vivre du travail des mains, tâchoir de répandre fa fille dans les fociétés, penfant qu'on ne réuffit qu'en fe faifant connoître, & que dans un cloître on demeure ignoré d'ailleurs le malheur, toujours accompagné d'efpérances & de projets, lui laiffoit entrevoir le gain d'un procès qui rameneroit des biens ufurpés; mais il fallut le terminer à l'amiable, & l'on n'en retira que deux cents livres de penfion: coup accablant pour une mere qui voyoit fes enfans fruftrés de toute reffource, & qui, de la part de fes parens, n'éprouvoit que des duretés! Cependant Madame de Neuillant protégeoit Mademoiselle d'Aubigné, la recomman

doit à fes amis; faveur dont on paye ordinairement l'intérêt par une foumission pénible heureusement la jeune perfonne favoit fe taire & fouffrir.

De toutes les connoiffances qui prirent part à fes peines, M. Scarron y fut le plus fenfible. Tenant un rang parmi les Auteurs de la Capitale, il devoit à fon efprit original l'affluence des perfonnes diftinguées qui fréquentoient fa maifon. Madame de Neuillant ne pouvoit mieux faire que d'y conduire Mademoiselle d'Aubigné. La mere y vint quelque temps après ; & chacun lui vanta Paris comme le pays où la fortune offroit plus fouvent des moyens de parvenir."

Scarron, également frappé des grâces & des malheurs qu'il voyoit fous fes yeux, dit les chofes les plus ingénieufes & les plus touchantes. La mort de Madame d'Aubigné rompit cette liaifon. Elle expira, difant à fa fille : «Craignez tout des hommes, attendez

[merged small][ocr errors]

» tout de Dieu ». C'étoit une femme

forte, qui ne se foutint que par fa vertu, & qui voyant, en Amérique, brûler fa maison, s'étonnoit de ce qu'on pleuroit pour un fi mince objet; trait unique, & bien propre à caractériser une grande âme.

Mademoiselle d'Aubigné, pénétrée de la mort d'une mere fi regrettable, courut chercher dans Niort une retraite inconnue, propre à nourrir fa douleur. Un petit réduit devint fon afile; fa trifteffe, fon unique entretien. Il falloit lui dire qu'elle avoit de la beauté, pour qu'elle s'en apperçût; tant elle mettoit peu d'importance à ce frêle avantage. « Je troquerois, difoit» elle mon vifage avec la pre» miere perfonne qui s'offre à ma

[ocr errors]

» vue ».

Son retour à Paris n’ôta rien à sa modeftie. Le Chevalier de Meré, moitié philofophe, moitie courtifan, & dans Pensemble le plus honnête homme du

« 이전계속 »