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СЕТТЕ ETTE maxime lui étoit en horreur, qu'il faut aimer comme ayant un jour à haïr, et haïr comme ayant un jour à aimer.

Il est vrai, disoit-il, que la seconde partie de cette maxime du monde est plus supportable que la première ; car il est meilleur de ne haïr que médiocrement et comme pensant à renouer l'amitié, que de nourrir de ces haines implacables et irréconciliables, qui tiennent plutôt du démon que de l'homme; car c'est une chose humaine que de se courroucer, mais c'est une chose exécrable de ne pouvoir s'apaiser ni pardonner. Haïr donc, comme ayant un jour à aimer, c'est une espèce de disposition à la réconciliation.

Un jour quelqu'un lui demandoit ce qu'il entendoit par la sincérité Cela même, répondit-il, que le mot sonne; c'est-à-dire, sans cire.

Me voilà, dit l'autre, aussi savant qu'auparavant. Il poursuivit: Savez-vous ce que c'est que du miel sans cire? c'est celui qui est exprimé du rayon, et qui est fort purifié. Il en est de même d'un esprit, quand il est purgé de toute duplicité ; alors on l'appelle sincère, franc, cordial, ouvert et sans porte de derrière.

Les personnes sincères sont extrêmement propres à l'amitié, qui est l'assaisonnement de toute bonne société. Au contraire l'homme double d'esprit est inconstant et flottant en toutes ses voies; il se défie de chaet chacun se défie de lui: vrai Ismaël, de qui les mains sont contre tous, et les mains de tous contre lui. Sa langue est un rasoir qui tranche des deux côtés, et lorsqu'il parle de paix, c'est alors qu'il couve quelque malignité.

cun,

CHAPITRE

X II I.

De la raison et du raisonnement.

C'ÉTOIT un de ses mots, que la raison n'étoit

pas trompeuse, mais bien le raisonnement.

Quand on proposoit à notre Bienheureux quelque affaire, quelque plainte, ou quelque difficulté, il écoutoit fort patiemment et fort attentivement toutes les raisons qu'on lui alléguoit sur ce fait-là; et comme il abondoit en jugement et en prudence après les avoir balancées, il savoit fort bien distinguer entre celles qui étoient de poids et celles qui ne L'étoient pas.

Et quand on s'opiniâtroit à soutenir des avis par des raisons qui sembloient plausibles, mais qui n'avoient pas assez de force pour appuyer la justice, il disoit quelquefois de fort bonne grâce: Ce sont là vos raisons, je le vois bien; mais savez-vous bien aussi que toutes les raisons ne sont pas raisonnables?

Et quand on lui disoit que c'étoit accuser la chaleur de n'être pas chaude;

Il répondoit que la raison et le raisonnement étoient choses différentes; le raisonnement n'étant que le chemin pour arriver à la raison.

Après cela, petit-à-petit il tâchoit de ramener celui qui s'étoit égaré, à la vérité qui n'est jamais séparée de la raison, puisque c'est une même chose.

On ne se conduit pas toujours selon le niveau de la droite raison. Les opiniâtres aheurtés à leur propre jugement, ne connoissent pas ceci, mais les esprits dociles et traitables; quis sapiens et intelliget hæc? II faut quelque force d'esprit pour bien connoître sa propre foiblesse, et c'est un trait de prudence non commune de se rendre à un meilleur avis que le sien.

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De la Justice et de la Judicature.

IL mettoit une grande différence entre la justice et

la judicature; et un homme de justice, et un homme de judicature. Un homme de justice, c'est un homme juste et équitable, lequel, de quelque condition qu'il soit, rend à un chacun ce qui lui appartient. L'homme de judicature est un officier ou magistrat, qui fait profession de rendre le droit à un chacun, selon les formes de la jurisprudence: et c'est grande pitié que l'on puisse dire de ces formalités ce que S. Bernard disoit de ces mauvaises filles qui avoient suffoqué leur mère; car ayant été inventées à bon dessein pour rendre à chacun ce qui lui appartient, selon les règles de la droiture et de l'équité, il est arrivé par la suite des temps et par la mauvaise subtilité des hommes qu'au lieu de rendre par-là ce qui appartient à chacun, ce sont autant de moyens pour prendre à chacun ce qui est à lui, et faire tomber entre les mains de ceux qui manient les affaires, les biens de ceux qui les débattent, d'où est venu le proverbe Entre deux contendans un troisième jouit.

Comme cet ancien empereur disoit que la quantité de médecines le faisoit mourir, on peut dire que la multitude des lois et des formalités suffoque la jus→ tice; et que ceux qui s'y engagent sont comme le ver-à-soie, qui se file un tombeau.

Quand on en parloit devant notre Bienheureux, il avoit coutume de dire ce mot de David: Justitia conversa est in judicium, la justice est changée en judicature; de ces longues formalités, il disoit que c'étoient des faubourgs beaucoup plus longs que la ville, et des ardens qui conduisent pendant la nuit en

des précipices; en un mot que le territoire de la judicature étoit une vraie terre de Chanaan qui dé voroit ses habitans, et où les renards de Samson mettoient le feu dans toutes les moissons,

HUITIÈME PARTIE

CHAPITRE PREMIER.

De l'Obéissance.

L'EXCELLENCE de l'Ordonnance ne consiste pas à suivre les volontés d'un Supérieur doux et gracieux, qui commande par prières plutôt que comme ayant autorité; mais à plier sous le joug de celui qui est sévère, rigoureux et impérieux.

C'étoit le sentiment de notre Bienheureux; et quoiqu'il désirât que ceux qui conduisent les ames les gouvernassent en pères, non en maîtres, plutôt par exemple que par domination, et que lui-même gouvernât de cette façon avec une douceur nonpareille; néanmoins il vouloit un peu de verdeur en ceux qui sont en supériorité, et il désapprouvoit dans les inférieurs cette tendresse sur eux-mêmes, qui les rendoit impatiens et peu endurans.

Pour insinuer son sentiment, il se servoit de ces comparaisons: La lime rude ôte mieux la rouille et polit davantage le fer, qu'une plus douce et moins mordante. Voyez-vous comme l'on se sert de chardons fort aigus pour gratter les draps, et les rendre plus lissés et plus fins, et avec combien de coups de marteaux on rend fine la trempe des meilleures lames d'épées.

L'indulgence des Supérieurs est cause quelquefois, quand elle est excessive, de beaucoup de désordres dans les inférieurs. On ôte le sucre aux enfans , parce qu'il leur engendre des vers.

Quand un Supérieur commande avec tant de dou

ceur,

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