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par les grands fruits dont il bénit ses travaux dans le Chablais, dans les Bailliages de Ternier et de Gaillard. Le don des miracles que le Seigneur lui accorda, rendit encore ces fruits plus abondans, et l'on peut mettre au nombre de ces miracles tout ce qu'il fit à Thonon, lorsque cette Ville fut affligée de la peste à tout moment il affronta la mort ; celle du grand nombre de personnes qui l'accompagnoient dans les visites qu'il faisoit aux malades, ne rallentit jamais tant soit peu la charité qui le tenoit continuellement auprès des affligés; et comme si l'ardeur de son zèle eût repoussé et éloigné de lui la malignité de l'air qui infectoit les autres, il entendoit le jour et la nuit la confession des mourans, il leur administroit les autres Sacremens, il leur inspiroit la patience et la soumission à Dieu, il employoit ses propres ses propres mains à les soulager dans tous les

besoins du corps.

L'entêtement des plus attachés au parti Protestant ne put tenir contre ces prodiges, sur-tout quand on sut qu'il s'étoit excusé de recevoir les secours d'argent que l'Evêque de Genève lui avoit offerts. Tous les coeurs se réunirent en sa faveur, et la docilité des peuples fit l'éloge des actions qui donnèrent à sa parole toute l'efficacité qu'on pouvoit en

attendre.

L'Evêque de Genève qui vint à Thonon, le Cardinal de Médicis, Légat du Pape en France, qui y passa en retournant à Rome, le Duc de Savoie, qui alla jusqu'à cette première ville au-devant du Légat, furent témoins des merveilles que François avoit opérées; et après en avoir rendu grâces à Dieu, ils donnèrent au saint Missionnaire toutes les marques de reconnoissance que méritoient les grands services qu'il avoit rendus.

Pendant le séjour que le Duc fit à Thonon, François soutint et affermit, contre les Députés de Genève, l'ouvrage qui lui avoit coûté tant de travaux,

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Ces Députés entreprirent, par des raisons de politique, d'engager le Prince à révoquer une partie des Édits qu'il avoit donnés pour faire sortir du Chablais tous les Ministres de la nouvelle Religion; mais le sage et courageux Missionnaire rendit tous leurs efforts inutiles. L'Evêque étoit alors retourné à Annecy. Peu après que le Duc fut sorti de Thonon ce Prélat appela François auprès de lui, et dès qu'il eut appris l'état où il avoit laissé la Mission dans le Chablais, il lui déclara qu'il l'avoit choisi pour être son Coadjuteur.

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Le saint Prêtre fut effrayé de la proposition il demanda huit jours pour faire ses réflexions; et les instances que lui firent pendant ce temps le Duc et le Prélat, instances qu'ils appuyèrent des plus puissans motifs de Religion, lui ayant fait connoître que Dieu lui parloit par la bouche de ceux qui étoient revêtus de son autorité, il se rendit. Il partit ensuite pour aller à Rome demander au Pape sa bénédiction. Le S. Père informé par le Cardinal de Médicis du mérite extraordinaire de François, le reçut avec de grandes marques d'estime; et uniquement pour faire honneur au Coadjuteur désigné, il voulut qu'il répondit, en sa présence et en celle de grand nombre de Cardinaux, à plusieurs questions qui avoient rapport au ministère dont il alloit être chargé. François fut écouté avec un applaudissement général; et il mérita que le Pape, après l'avoir embrassé, lui adressât ces paroles des Proverbes : Buvez, mon fils, des eaux de votre citerne... et faites que ces eaux se répandent par les places, afin que chacun en boive à souhait.

Pendant son séjour à Rome, il ménagea les moyens de rétablir entièrement la Foi dans le Diocèse de Genève il eut pour cela de fréquentes conférences avec les Cardinaux, qui ne pouvoient trop admirer sa sagesse et sa vertu, entr'autres le Cardinal Baronius, qui ne fit point difficulté de dire,

Clément VIU

qu'Adam n'avoit point péché en ce saint Ministre de Jésus-Christ. Il obtint, outre les Bulles pour la Coadjutorerie, dont il ne parloit pourtant point au Pape, tout ce qu'il avoit demandé en faveur du rétablissement de la Religion Catholique; et ce ne fut pas sans une admiration égale au désintéressement de François, que le Pontife lui permit de faire ce qu'il jugeroit à propos au sujet d'un droit dont il demandoit l'abolition, et qui, quoique fondé sur l'usage, paroissoit odieux à ce vrai Pasteur du Troupeau de Jésus-Christ. Ce prétendu droit consistoit en ce que les Evêques de Genève s'emparoient de la succession de grand nombre de leurs Diocésains qui mouroient sans enfans; ainsi, en privant les collatéraux d'un bien, qui naturellement devoit retourner à eux, ils augmentoient le nombre des pauvres, sous prétexte de se mettre plus en état de les soulager.

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François étant de retour à Turin, obtint du Prince, nonobstant les traverses qui lui furent suscitées, l'enregistrement des Bulles qu'il avoit apportées de Rome; mais dans le temps qu'il croyoit recueillir les fruits qu'il s'étoit promis de l'exécution de ces Bulles, la guerre qu'Henri IV déclara au Duc de Savoie, lui donna de nouvelles inquiétudes, et l'obligea de prendre de nouveaux soins. Les Officiers Protestans qui servoient en grand nombre dans l'armée du Roi, maltraitoient sans ménagement les Catholiques, sur-tout les Prêtres, et ils réduisoient en cendres les Eglises et les Monastères. François employa tout son crédit pour faire cesser ces cruautés, et à ses instances le Roi fit défense, sous peine de la vie, de commettre de pareils excès.

Les troubles de la guerre ne l'empêchèrent pas d'entreprendre une Mission dans le Diocèse de Ġenève, pendant le cours de laquelle il rétablit trentecinq paroisses. Il fut arrêté une fois par un parti et

conduit au Marquis de Vitri qui commandoit it fut reçu et renvoyé avec honneur. Par le Traité de paix qui mit fin à cette guerre, le Bailliage de Gex fut cédé au Roi. Comme les hérétiques y dominoient, le zèle de François l'emporta à Paris pour y ménager les intérêts de la Foi; et il se conduisit avec tant de sagesse, que malgré toutes les maximes de la politique qui faisoient la règle des Ministres d'Etat, il obtint de la religion du Prince, tout ce qu'il souhaitoit en faveur des Catholiques.

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La réputation de François avoit donné, depuis long-temps en France, une haute idée de ses vertus et de ses talens c'est ce qui fit que, dès qu'on sût qu'il étoit à Paris, chacun s'empressa de le connoître, et s'applaudit de l'avoir connu. Les Duchesses de Mercœur et de Longueville se mirent sous sa conduite; et la première de ces Dames ayant perdu son époux, Philippe-Emmanuel de Lorraine, Duc de Mercœur, elle pria le Coadjuteur de Genève de faire son Oraison funèbre en l'Eglise de Paris. Le Prélat la fit le 27 avril 1602, et il y fit entrer toute la sincérité et tous les sentimens de Religion qu'on peut souhaiter, pour rendre ces sortes d'actions parfaites. Le Cardinal de Berulle l'engagea de l'aider dans le dessein qu'il avoit de former la Congrégation des Prêtres de l'Oratoire, et d'établir en France les Carmélites déchaussées. Le Roi le demanda pour prêcher pendant le Carême à la Cour, où régnoient tous les désordres que cause le libertinage, et que l'hérésie entretient. François le fit sans déguiser ni affoiblir la vérité dont il étoit le Ministre ; il le fit même avec tant de succès, qu'une Dame, aussi distinguée par son esprit que par sa naissance *, après l'avoir entendu, renonça à l'erreur dont elle étoit une des plus ardentes protectrices; et jamais il ne descendoit de chaire, qu'il ne fût suivi par plusieurs personnes, dont les unes demandoient à se faire instruire, les autres à se réconcilier à Dieu par le Sacrement de la Pénitence. * La Comtesse de Perdreauville,

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Le Roi qui étoit à Fontainebleau pendant le Carême, voulut l'entendre à son retour. Ce Prince fut touché des discours du Prédicateur non content d'assister à ses Sermons, il l'entretenoit souvent sur les affaires de conscience; et il eut tant d'estime pour lui, qu'afin de le retenir dans son Royaume, il lui offrit un Siége considérable et une pension de quatre mille livres. François remercia le Roi, et le laissa plein d'admiration pour un désintéressement si nouveau.

La justice que ce Prince rendoit au mérite de François, étoit applaudie des gens de bien; mais elle lui attira la jalousie de quelques Courtisans, qui eurent recours à la calomnie pour le perdre dans l'esprit du Roi, et ils la portèrent même jusqu'à l'accuser d'être venu en France pour renouveler la conspiration du Maréchal de Biron.

Le saint Ministre de Jésus-Christ en eut avis dans le moment qu'il alloit monter en chaire. Son innocence le contint dans sa tranquillité; il ne fut seulement pas ému d'une accusation si atroce, il parla avec la douceur, la force, la présence d'esprit qui lui étoient ordinaires, et en sortant de chaire, il alla trouver le Roi pour se justifier. Le Prince n'eut pas plutôt entendu les premières paroles qui lui firent comprendre ce que François lui vouloit dire, qu'il l'interrompit, en l'assurant que les rapports qu'on lui avoit faits, ne lui avoient jamais donné le plus léger soupçon contre lui: il l'assura de sa confiance, et fit publiquement son éloge, après qu'il se fut retiré. Ainsi François, comblé d'honneur de la part du Roi, laissa la Cour et la Ville pleines d'estime et de vénération pour lui, et partit pour retourner à Annecy. Comme il étoit en chemin, il apprit la mort de l'Evêque de Genève. Il auroit bien voulu assister à ses obséques, mais il n'y avoit pas de temps, c'est ce qui l'engagea de se retirer aussi-tôt au Château de Sales, pour se disposer à son sacre.

Sa retraite fut de vingt jours; il la fit sous la direc

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