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donner raifon des expériences du bien & du mal; les Manichéens les expliquent cent fois mieux que les Orthodoxes; toute la Philofophie eft ici à bout, &c. Donc le fyftême de l'unité de Dieu ne peut être bon en Philofophie. D'ailleurs l'hypothèse des deux principes eft abfurde & contradictoire: ainfi felon la pure raifon on ne peut démontrer ni deux principes oppofés, ni un feul principe, qui foit l'unique vrai Dieu. Donc felon la raison pure il n'y a ni un, ni deux Dieux. Bayle ne tire pas la conféquence: il la laiffe aux Athées, qui ne manqueront pas de la tirer. Aurontils tort, je vous le demande, de raifonner ainfi fur les principes de Bayle?

L'Abbé. Les Athées n'admettent point la révélation, à laquelle feule Bayle nous renvoie & veut foumettre notre curieufe mais foible raison. Et par-là il y a une différence infinie entre Bayle & les Athées.

Le Docteur. Quelle différence, grand Dieu! Différence d'expreffion, & rien de plus. Dans le fonds, c'eft la même chose. Remarquez en paffant qu'ici il donne tout à la fof, & rien à la raison; lui qui dans le Commentaire Philofophique affervit la foi à la raison d'une maniere auffi impie que les Sociniens. Vous vous en fouvenez. Mais paffons lui cette contradiction. Et voyons f, en ramenant tout à la révélation, il sauve

fes principes & en écarte bien toutes les conféquences.

L Abbé. Je commence à douter fi cette affectation de tabler tant fur les lumieres de la Foi, n'eft pas un voile dont il couvre fes fentimens dangereux, afin d'éblouir des Lecteurs peu attentifs, & de se mettre à l'abri des accufations de ses ennemis. Je ne comprens pas trop comment nous pouvons avoir une vraie foi Théologique, fi la raison ne démontre pas clairement & invinciblement l'existence d'un Dieu, qui soit unique, infiniment bon, fage, éclairé, incapable d'être trompé & de tromper fe Créatures. J'ai une idée confuse d'avoir lu dans Saint Thomas (a) que l'existence d'un Dieu n'eft pas tant un article de foi, qu'un point préalablement requis pour les articles de foi; & que la foi présuppose la connoiffance naturelle.

Le Docteur. Ne vous défiez pas tant de votre mémoire, Monfieur: Elle eft très-fidelle. Saint Thomas dit cela même expreffément: Et il parle là en Ange de l'Ecole. En effet notre foi eft fondée fur le témoignage de Dieu-même. Et comment croirai-je Dieu fur fa parole, fi je ne sçais pas qu'il exifte? Quoi de plus ridicule & de plus infenfé que ce raifonnement, Je fuis fûr que (a) 1. p. q. 2. a. ad. 1.

telle chose eft, parce qu'un homme de pro bité me l'a dite, quoique je ne fois pas bien affuré que cet homme de probité exifte? II eft donc impoffible que j'aye une foi ferme & inébranlable en vertu de la révélation de Dieu, à moins que je ne fois antécédemment certain de l'exiftence de Dieu. Cette certitude de l'existence de Dieu, je ne puis l'avoir que par la raifon, que par cette lumiere primitive & univerfelle, qui eft la Métaphyfique. Autrement je devrois raifonner ainfi : Dieu exifte, & j'en fuis sûr: Pourquoi? parce qu'il l'a dit. Mais il ne peut le dire fans exifter: Et comment fçais je qu'il exifte? parce qu'il l'a dit. Qui ne voit que ce raifonnement eft puérile & même abfurde?

Or felon Bayle la raifon ne peut démontrer qu'il n'y a pas deux premiers principes, l'un bon, l'autre méchant, l'un principe néceffaire du bien, l'autre principe néceffaire du mal: Toute la Philofophie eft ici à bout dit-il. Donc felon lui il eft impoffible qu'il y ait une révélation capable de fonder une foi fouverainement certaine & infaillible. Car fi la raifon, fi la Philofophie ne m'affûre pas qu'il n'y a point deux principes également puiffans & indépendans; mais un feul infiniment puiffant, infiniment fage, infiniment bon & jufte ; je ne pourrai ja

mais m'affurer que l'Ecriture eft l'ouvrage du bon principe plutôt que du mauvais; ou que du moins il n'y a pas dans les livres faints un affreux mélange de vérité & de menfonges; comme l'Univers feroit un horrible cahos de biens & de maux, en dépit du bon principe, felon l'hypothèse des Manichéens. Hé! que devient la révélation? Que devient notre foi fondée fur cette prétendue révélation?

L'Abbé. Ces réflexions me frappent vivement, & je ne vois pas ce qu'on pourroit y répondre.

Le Biblioth. Je ne fçavois point encore que je dusse ainfi faire mon acte de foi.

Le Docteur. Je ne vous dis pas que tous les Fidéles doivent ainfi former leur acte de foi. Mais je prétens qu'un Théologien ne peut autrement prouver la certitude fouveraine de l'A&te de foi. Ces deux chofes font bien différentes.

Au refte je ne veux pas ici toucher à ces queftions de Théologie, fi la fcience & la foi font compatibles ensemble, fi l'on peut faire un acte de foi touchant la révélation même, &c. Je n'ai garde d'entrer dans cette difcuffion; ce feroit vous jetter à l'écart. Je ne parle que de la premiere connoiffance de Dieu; & je dis que la foi préfuppofe cette premiere connoiffance, qui doit être naturelle, c'eft-à-dire, tirée des pures lumie-.

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res de la raifon : de forte que, fi je ne préfuppose pas Dieu comme connu par la raison, fon témoignage, sa premiere révélation ne pourra jamais fervir de fondement à une foi inébranlable: Car en ce cas-là il faudroit que je cruffe que Dieu ne peut me tromper, précisement parce qu'il me diroit qu'il n'eft pas trompeur, & quoique d'ailleurs je ne connuffe point fa véracité. Pour peu qu'on réfléchiffe là-deffus, on fentira que j'ai raifon lorfque je prétens que c'eft une pure illufion de nous ramener à la foi, à la révélation, & de foutenir en même tems que la raison, que la Philofophie feule ne peut jamais faire un fyftême qui foit bon touchant l'unité de Dieu.

Mais revenons à Bayle. Ou il fçavoit ces folides régles de l'analyfe de notre foi, ou ik ne les fçavoit pas. S'il ne les fçavoit pas, c'eft donc un ignorant, un étourdi, un avanturier moins excufable, & par conféquent plus méprifable que nos petits-Maîtres qui blafphement tous les jours ce qu'ils ignorent: Car on pardonne à un jeune étourdi ces bévues, qu'on ne paffe point à un Auteur d'importance, qui s'érige en Docteur & en Critique de tout l'Univers. S'il les fçavoit ces régles, c'eft un fauffaire, qui prend fes Lecteurs pour dupes, & qui cherche à leur faire illufion par un refpect hypocrite pour la révélation, qu'il fçait bien ne pou

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