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CHAPITRE X V.

Coutume de mâcher du bétel. Préfens emblématiques. Eloquence. Enfans. Noms. Circoncifion. Funérailles.

de mâcher du

SOIT OIT pour adoucir le chagrin des réflexions Coutume triftes, foit par une averfion naturelle que l'hom- bétel.

me fent pour une inaction totale, plufieurs Nations ont pris l'habitude de mâcher quelques fubftances qui ont une vertu enivrante. Les Habitans de l'Amérique Méridionale mâchent du cocoa & du mambee, & les Peuples orientaux, du betel & de l'areca, ou, comme on les appelle en langue Malaife, du seeree & du penang. Cette coutume de mâcher le bétel a été décrite exactement par divers Auteurs; c'eft pourquoi il feroit prefque inutile de m'étendre fur cet article je dirai donc feulement que les Sumatranois en font généralement ufage; qu'ils en portent toujours avec eux les ingrédiens; qu'ils en fervent à leurs hôtes dans toutes les occafions; le prince fur un cabaret d'or; le pauvre dans une boîte de cuivre, ou dans un panier de natte. Les cabarets à betel des grands font ordinairement d'argent, avec

des figures en boffe, groffièrement travaillées. Le Sultan de Moco Moco en a reçu un en préfent, de la Compagnie des Indes, à fes armes; il en a un autre de filigrane d'or. La forme du cabaret eft une pyramide exagone tronquée, renversée, d'environ fix à huit pouces de diamètre. Il contient plufieurs petits pots fitués aux angles, dans lefquels il y a la noix de bétel, la feuille d'areca, & le chunam, qui eft la chaux faite de coquilles calcinées ; avec des logettes, dans lesquelles font les inftrumens néceffaires pour couper la noix, & les fpatules pour étendre le chunam.

Quand on a fait le premier falut, qui confifte à ployer le corps, &, fi c'est un inférieur, à mettre les mains jointes entre celles d'un fupérieur, & à les élever fur le front, on préfente le bétel, comme un figne d'hofpitalité, & comme un acte de politeffe. L'omettre d'un côté, ou le refufer de l'autre, ce feroit faire un affront; comme c'en feroit un, dans une perfonne d'un rang fubordonné, de parler à un grand fans mâcher auparavant du bétel. Toute la préparation confifte à envelopper une tranche de noix de la feuille du feeree, fur laquelle on a étendu une petite quantité de chunam. Quelques-uns y mêlent du gambeer, qui eft une fubftance faite avec le fuc des feuilles de l'arbre du même nom, qu'on fait bouillir jufqu'à confiftance, & qu'on met en

penang,

dans

petites boules, ou en paftilles quarrées (1): on y ajoute auffi du tabac, coupé menu, qu'on met entre la lèvre & les dents de la mâchoire supérieure. Par la maftication du bétel, la falive prend une belle couleur rouge, que la feuille & la noix, fans le chunam, ne pourroient fournir. Cette couleur fe communique à la bouche & aux lèvres, où elle eft regardée comme un ornement; le mêlange d'ailleurs donne à l'haleine une odeur agréable. Ils avalent ordinairement la falive, mais pas toujours. On pourroit avec raison fuppofer que le fuc du bétel, par fon activité, doit nuiré à l'eftomac; mais l'expérience paroît contraire à cette théorie. Il n'eft pas rare de voir les dents. des vieillards remuer dans leurs alvéoles, ce qui vient probablement de l'ufage du bétel; mais je ne crois pas qu'il leur nuife autrement. Les enfans commencent de bonne heure à mâcher du bétel, & leurs dents font néanmoins toujours fort blanches, jufqu'à ce qu'ils fe donnent beaucoup de peine pour les défigurer, en les limant,' & en les teignant en noir. Chez les personnes qui n'y fout point habituées, le bétel occafionne un vertige confidérable; il picote & excorie la

On peut voir dans le II volume des Mémoires de Ja Société de Batavia, un détail particulier fur la culture & la préparation du- gambeer.

FA

Tabac.

langue & le gofier, & détruit pour un temps la faculté du goût. Pendant le Pooaffo, ou fête du Ramadan, les Mahométans s'abftiennent du bétel, tant que le foleil eft fur l'horifon; mais excepté ce temps, il fait conftamment les délices des deux fexes, depuis la plus tendre jeuneffe, jufqu'à ce que la perte de leurs dents les réduife à la néceffité de mettre en pâté les ingrédiens, avant de les perter à la bouche, afin que le bétel puiffe s'y diffoudre fans maftication. C'est avec le bétel, & ordinairement dans le chunam, qu'ils font prendre les philtres ou charmes amou reux. Je ne puis rien dire de leur efficacité; mais je pense qu'ils font de la nature de nos remèdes ftimulans, & que par conséquent leur effet eft le même. Ce n'eft plus l'usage à préfent de donner du poison par cette voie; mais l'idée n'en eft pas effacée au point d'éloigner tout foupçon, comme le prouve une circonstance que je vais rapporter; c'eft que ceux qui vont en vifite ont fouvent l'attention d'humecter de leur propre chunam, la feuille qu'ils prennent fur le cabaret de celui qu'ils viennent voir, & qu'ils ne manquent jamais de la preffer entre les doigts, afin d'en exprimer toute fubftance étrangère. Ce procédé, qui annonce la méfiance, est si commun que perfonne ne s'en trouve offensé.

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Outre la manière d'ufer du tabac, dont j'ai

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parlé ci-deffus, les Naturels le fument auffi; & pour cela, après l'avoir haché menu, lorfqu'il eft encore verd, & l'avoir bien fait fécher, ils le roulent dans des feuilles de neepah, efpèce de palmier ; & en cet état, on l'appelle roko. Ils portent les rokos dans les boîtes à bétel, ou plus ordinairement fous le daytar, mouchoir qui entoure la tête, en forme de turban. On importe auffi de la Chine une grande quantité de tabac, qui fe vend très-cher. Il eft plus fort que celui qu'on recueille à Sumatra.

emblémati

La coutume d'envoyer des préfens embléma- Préfens tiques, pour , pour faire connoître, d'une maniè e cou- ques. verte, la naiffance, les progrès & les viciffitudes de certaines affections de l'ame, a lieu ici comme dans quelques contrées de l'Orient; mais ce n'est pas avec autant d'élégance qu'en Turquie & ailleurs, où l'on emploie pour cela, felon quelques Ecrivains, des bouquets de fleurs de différentes cou-, leurs, diversement combinées. On fe fert ici de petits morceaux de fel, de poivre de Cayenne, de bétel, & autres chofes femblables, qui, parmi les initiés, font reconnues pour fignifier l'amour, la jaloufie, le reffentiment, la haine, & autres paffions.

Les Sumatranois en général, font de bons. orateurs, Ils femblent avoir naturellement le talent de l'éloquence. J'en ai connu plufieurs, dont j'ai

Eloquence,

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