페이지 이미지
PDF
ePub

tin. Nous pouvons ajouter qu'elle n'a pas plus de motif pour révoquer en doute l'authenticité du Discours aux Grecs et du Traité de la Monarchie.

Néander s'étonnait à bon droit qu'après avoir admis comme authentique l'Exhortation aux Grecs des critiques tels que Semisch aient cru devoir rejeter le Discours aux Hellènes. Il existe, par le fait, une différence moins grande entre ce dernier et l'Exhortation qu'entre l'Exhortation et les Apologies. Il importe peu qu'Eusèbe et Photius n'aient pas mentionné le Discours aux Grecs, bien que rien ne soit moins démontré ; car ni l'un ni l'autre ne se proposaient de nommer tous les écrits de saint Justin, comme nous l'avons fait observer plus haut. Si l'on remarque dans ce petit traité un langage plus élégant et plus pompeux que dans les ouvrages postérieurs de l'apologiste, cette différence s'explique d'elle-même. Encore tout pénétré des souvenirs classiques, le jeune philosophe venait à peine de quitter l'hellénisme pour le christianisme, quand il adressa ce discours à ses anciens coreligionnaires. Quant aux divergences doctrinales qu'on a cru saisir entre ce fragment et les autres écrits de saint Justin, elles sont encore moins justifiées que celles dont nous parlions tout à l'heure. L'apologiste ne prétend pas, comme Semisch le lui fait dire, que le christianisme ne forme pas de philosophes; mais il déclare que la religion du Christ fait de ses adhérents plus que des philosophes, des hommes qui se rapprochent de la divinité. Ces prétendus contrastes n'existent que dans l'esprit de ceux qui les imaginent. Aussi la plupart des critiques ont-ils regardé le Discours aux Hellènes comme l'œuvre authentique de saint Justin 3.

1 Néander: Hist. Eccl., 1, 366. Semisch lib. cit., 163 et ss.

2 Rien n'empêche absolument de voir le Discours aux Grecs dans l'écrit qu'Eusèbe et Photius appellent Aóyos πρós "Elλnvas; car, en disant que Justin y parle de la nature des démons, ces deux écrivains ont pu entendre par là les dieux du paganisme, que saint Justin combat effectivement dans le Discours aux Grecs.

3 Tentzel: Exercitat. selectæ, t. I, p. 174, 426 et ss. Nourry: Appar.

[ocr errors]

Il en est de même du Traité de la Monarchie ou de l'unité de Dieu. Toutes les raisons qu'on a fait valoir contre l'authenticité de cet écrit ont été réfutées depuis longtemps par un grand nombre d'auteurs 1. Eusèbe, saint Jérôme et Photius attribuent en propres termes à saint Justin un traité de la Monarchie ou de l'unité divine. A la vérité, le premier de ces trois écrivains nous apprend que saint Justin se proposait, par cet ouvrage, de chercher des preuves « non-seulement dans les livres qui avaient cours parmi les chrétiens, mais encore dans ceux qui étaient d'origine grecque 2. » Or, il est de fait que les arguments de la première catégorie manquent absolument dans le texte dont nous sommes en possession, où l'on ne trouve plus que des citations d'auteurs profanes. Mais on peut répondre avec Tentzel et Grabe que nous n'avons plus le traité tout entier, mais un fragment assez court, ou bien, avec Dom Maran, que les paroles d'Eusèbe excluent les citations bibliques plutôt qu'elles ne les supposent 3. Pour ce qui est des nuances particulières de style ou de doctrine qu'on a cru remarquer dans cet écrit, elles ne sont point assez sensibles pour autoriser une conclusion quelconque. Tout ce qu'on a fait valoir à ce sujet se réduit à quelques locutions qui ne se trouvent pas dans les

[ocr errors]

ad Biblioth. maxim., 2, 1, p. 354. Ruinart: Acta martyrum, p. 47. Prudentius Maranus: Prolegom. ad opera Justini, III, 2, 2, p. 69. Kestner: Die Agape, p. 333. Tzschirner: Fall des Heidenthums, I. p. 206. Junius: de Justino. Apol. adv. ethnicos., p. 11, etc., etc. 1 Dupin: Nouv. biblioth. des auteurs ecclés., t. I, p. 58. Cave: Scriptor. eccles. hist. litterar. (Genève, 1720), p. 38. Tentzel, ibid., I, 177. Nourry: ibid., I, 381. — Ruinart: ibid., 48. - Grabe: Spicileg. Patrum, II, 153. — Prudentius Maranus: ibid., III, 2, 6, p. 71. Kestner: ibid., 341. Tzschirner: ibid., 206. — Junius: ibid., 13.

[blocks in formation]

Saint Jérôme: de Vir. illustr., 23.

3 D'après le docte bénédictin, Eusèbe aurait voulu dire: «< Non-seulement Justin ne voulait pas chercher des preuves dans l'Écriture, mais bien plutôt dans les écrits des païens eux-mêmes. En effet, oú μóvov se prend quelquefois chez les écrivains ecclésiastiques dans le sens de oú póvov oú. (Tatien: Orat. contra Græcos, 36. — Athénagor: Legat. pro Christianis, I.)

autres ouvrages de saint Justin; mais, peut-on sans injustice exiger d'un auteur qu'il se serve partout des mêmes expressions, sans introduire le moindre changement dans son vocabulaire ? Si, dans le Traité de la Monarchie, saint Justin ajoute l'apothéose aux diverses formes du polythéisme qu'il développe,, ailleurs, il complète, sans les contredire, les idées qu'il a exposées précédemment.

Les critiques se sont partagés sur l'authenticité du frag→ ment touchant la résurrection de la chair, attribué à saint Justin 1. Bien qu'elle ne nous paraisse pas reposer sur des preuves incontestables, nous inclinons à la regarder comme suffisamment établie. Les raisons qu'on a prétendu tirer de la différence du style ou des pensées sont à peu près nulles, ou du moins n'ont pas plus de force que celles dont nous venons de discuter la valeur. De plus, on ne saurait y méconnaître des rapports d'identité ou d'analogie avec d'autres écrits de saint Justin 2. Enfin, saint Jean Damascène a inséré ce fragment dans ses Parallèles sous le nom de l'apologiste. Si l'époque assez récente où ce Père a vécu ne permet pas de tirer de son témoignage un argument sans réplique, il ne serait pas raisonnable de n'en tenir aucun compte, d'autant plus que le sentiment de saint Jean de Damas n'est pas isolé dans la tradition. D'après Photius, saint Méthode s'appuyait, dans son Traité de la Résurrection, sur les paroles de saint Justin qui se rapportent au même sujet ; et dans son commentaire sur le troisième chapitre de la Genèse, Procope de Gaza attribuait au philosophe martyr un écrit

1 Plusieurs se sont prononcés pour l'authenticité du fragment: Tentzel: Exercit. selectæ, 1, 198. Grabe: Spicileg. Patrum, II, 169. — Teller: Justini M. de Resurr., p. 81, Halle, 1766. Münscher, Handbuch der Dogmengeschichte, II, 443. Semisch Justin der Martyrer, 1, 146 et 85. D'autres l'ont regardé comme apocryphe: Tillemont: Mémoires, II, 170.- Nourry: Appar. ad biblioth. max., I, 465. - Jebb, Justini cum Tryph. dialogus, Londres, 1719, præfat., p. 4. Eccles. Mæhler: Patrologie, 1, 324, etc.

2 De Resurr..; Dial. avec Tryph., 7. De Resurr., 4, 9; Dial. avec Tryph., 69.

[ocr errors]

Néander: Hist.

– De Resurr., 5; 1re Apol., 19.

sur la résurrection de la chair 1. Rien ne nous empêche de voir dans le fragment que nous possédons aujourd'hui une partie de l'ouvrage dont parlaient les anciens.

En résumé, un criticisme outré pourrait seul soulever des doutes sur l'authenticité du Dialogue avec Tryphon et des deux Apologies de saint Justin. Les raisons les plus graves nous obligent à Maintenir le philosophe chrétien dans la possession de l'Exhortation aux Grecs, du Discours aux Grecs et du Traité de la monarchie ou de l'unité divine. Nous n'avons pas de motif suffisant pour lui disputer le fragment sur la Résurrection de la chair.

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

TABLE ANALYTIQUE

PREFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION...

PREMIÈRE LEÇON

[ocr errors]

- Motifs et

[ocr errors]

Les gens

Objet du cours. La parole chrétienne aux prises avec le monde païen. Grandeur et beauté de cette lutte. L'apologétique, une des formes essentielles de l'éloquence sacrée. Son point de départ dans l'Évangile, son développement à travers les siècles. caractère de l'opposition du paganisme au christianisme. d'esprit, les hommes d'État et le peuple. Attitude des premiers en face de la religion nouvelle. Orgueil aristocratique des lettres de la Grèce et de Rome. Leur indifférence ou leur mépris pour une religion populaire. Les littérateurs: Lucien de Samosate.

[ocr errors]
[ocr errors]

Les

historiens Tacite, Suétone. Les philosophes: Épictète, MarcAurèle. Conditions faites à l'apologétique chrétienne par cette première opposition.

[ocr errors]

Pages 9 à 31.

DEUXIÈME LEÇON

[ocr errors]

-

[ocr errors]

Attitude des hommes d'État païens en face du christianisme.-L’Évangile peut s'adapter aux diverses formes politiques et sociales. Notion païenne de la religion d'État. Absorption de la religion par l'État dans le système antique. L'oppression des consciences, résultat de cet état de choses. Théorie romaine de l'intolérance civile en matière de culte. Les circonstances amènent les hommes d'État romains à se relâcher dans la pratique. Contradictions entre le droit et le fait. La raison d'État ou l'intérêt politique décide seul s'il faut tolérer ou proscrire un culte. Raisons générales et particulières qui déterminent les hommes d'État romains à persé– La persécution érigée en système légal par Conditions faites à l'apologétique chrétienne par cette deuxième opposition.

cuter le christianisme. Trajan.

Pages 32 à 51.

TROISIÈME LEÇON

Attitude du peuple ou des masses païennes en face du christianisme. Le polythéisme au deuxième siècle est plus vivace que jamais

« 이전계속 »