tradition? Ne voit-on pas que l'obfcurciffement d'un point de la tradition dans un païs particulier, n'empêche jamais que ce même point ne continue à être foutenu par la tradition génerale de tout le refte de l'Eglife? Cet obfcurciffement qui arrive en un païs particulier n'eft point une extinction de la tradition dans ce païs: ce n'eft qu'un nuage paffager qui diminuë dans un coin du monde une lumiere qui éclate en d'autres lieux. La contestation même, qu'on voit dans ce païs particulier, fuffit pour démontrer que la tradition génerale n'y eft pas interrompuë, quoiqu'elle y foit affoiblie, & que la vérité ne s'y laisse point fans témoignage.

Ainfi quand même on suppoferoit, ce qui eft deftitué de toute preuve, & contraire aux actes folemnels du Clergé de France,

fçavoir que la plupart des Théologiens, & même que plufieurs Evêques n'admettent point cette infaillibilité, qui eft établie par les anciens Conciles, & par les plus récentes décifions de l'E→ glife, il faudroit conclure feulement que cet obscurciffement d'un point de la tradition dans un certain nombre de Théologiens François n'eft pas étonnant, puifque le dogme oppofé à l'hérefie des Rébaptisans a été incomparablement plus obfcarci en Afrique & en Afie, pendant les Conciles de faint Cyprien & de Firmilien, puifque le dogme de la prédestination & de la grace a été beaucoup plus obfcurci dans les Gaules, pendant que prefque perfonne n'ofoit le foutenir contre de faints Evêques, au nombre defquels faint Profper compte le grand faint Hilaire d'Arles, puifqu'enfin le

dogme de la création des ames a été beaucoup plus obfcurci dans l'Occident, où la plus grande partie des Occidentaux l'a combatu, & où faint Augustin même en a douté jufqu'à la fin de fa

vie.

Sixième Objection.

M. de Cambray a reconnu que cette queftion est encore indécife, puisqu'il a témoigné defirer que le Pape la décidât. Si elle eft indécife, on ne peut pas dire que la doctrine de l'infaillibilité foit révelée ; car ce qui eft de la foi Catholique, n'eft jamais problematique & indécis.

Réponse.

1. J'ai defiré une décifion avec le terme formel d'infaillibilité, pour convaincre les incredules, quoique je fuffe perfuadé que nous avons des décisions équivalentes.

2. Nul Théologien un peu inftruit n'oferoit foutenir qu'un dogme n'est pas révelé, quand il n'eft décidé par aucun jugement formel de l'Eglife. Il faut diftinguer la décision formelle d'avec la tradition conftante. L'Eglife n'interrompt jamais fa tradition pour aucun dogme révelé. Mais elle ne fait aucune décifion formelle que dans les cas de conteftation, où il s'éleve quelque Novateur qui contredit un dogme qu'elle enfeigne. Ainfi un dogme qui ne feroit jamais contredit, ne feroit jamais décidé. Moins il y a de contradiction, moins il y a de décifion formelle : la tradition n'en eft que plus forte, quand elle eft paifible fans interruption. Un particulier n'en a pas moins la proprieté du bien de fes ancêtres, quoiqu'il ne le poffede en vertu d'aucun Arrêt contradictoi

re. Au contraire c'eft parce que fa poffeffion eft paifible & immémoriale, qu'il n'a jamais eu be ́foin d'aucun Arrêt qui lui adjugeât ce bien. Il en est précisément de même des dogmes révelez. Nous les poffedons en paix fans aucun jugement, jufqu'à ce que la contradiction des Novateurs nous oblige à demander une décision. Linfaillibilité fur les textes ne fait avec l'infaillibilité fur les dogmes qu'une feule infaillibilité complete & indivifible dans la pratique. Avant l'affaire de Janfenius elle n'a jamais été contestée séparément. Fautil s'étonner fi elle n'a jamais eu befoin d'un jugement contradictoire & féparé ?

3. La divinité du Verbe étoit fans doute révelée avant que le Concile de Nicée décidât en fa faveur contre les Ariens. L'unité de personne avec les deux na