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SCENE I I.

SALOME, THIRRON, PHEDIME.

SALOME.

vous ici, Thieron

Vous ramene en des lieux qui bleffoient votre vûe?

THIRR ON.

Je l'avouerai, Madame ; & ces auguftes lieux
N'ont pas toujours parû les mêmes à mes yeux.
Je les ai vûs baignez & de fang & de larmes;
Mais un calme plus doux fuccede à tant d'alarmes
De l'innocence enfin Herode entend la voix;
Et fur lui la nature a repris tous fes droits.
Il va faire monter au rang de fes ancêtres
Le Fils de Marianne, & le fang de ses maîtres.
D'un peuple qui l'adore il diffipe l'effroi,
Et moi-même à ce prix je reconnois mon Roi.
SALOM E.

Ainfi depuis long-temps à fon fort enchaînée,
Votre foi fe conduit selon sa destinée?
Et le cœur de Thirron jufqu'ici combattu,
Fait des évenemens dépendre fa vertu ?
De retour dans Solime, il laiffe voir encore
Quels maîtres il révére, & quel fang il adore?
Sa gloire ne permet aucun deffein convert;
Et c'eft être perfide au moins à cœur ouvert.

THIRRO N.

Un tel nom, je l'avoue, excite ma furprise;
Et fur tout en ces lieux connu par ma franchise,
Jadis d'Hérode en moi le glorieux accueil,
Honora des vertus dont la Cour eft l'écueil.
Ennemi de tout temps de cette perfidie,
Au crime dans ces lieux par le crime enhardie,]

Je n'ai point cru par-là qu'on me pût outrager:
Entre Salome & moi, c'eft au Roy de juger.

SALOM.E.

Où tendent ces difcours quelle eft cette menace?
Mais je ne vois que trop d'où vous naít tant d'audace.
Le Prince eft de retour : qui fert fes attentats,
Peut rencontrer l'abîme où s'engagent fes pas.
Vous pouvez lui parler; il vient; je me reaire.
O Ciel de mes complots auroit-il pû s'instruire?
A part:

THIRRON.

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C'est à toi de trembler contre toi dans ces lieux Tu me revois chargé d'un fecret odieux.

A part.

SCENE III.

ALEXANDRE, THIRRON.

ALEXANDRE.

E St-ce-vous, cher Thirron, que le Ciel me rene

voye ?

Témoin de mes malheurs foyez-le de ma joye. Sans crainte, & fans relâche attaché fur mes pas, A mes juftes tranfports daignez ouvrir vos bras. THIRRON.

Honorez moins, Seigneur, le zéle qui m'anime, Mon devoir fur vos pas m'appelle dans Solime. Heureux! fi j'y pouvois, aux depens de mes jours, Du deftin qui vous rit éternifer le cours.

ALEXANDRE.

Ignorez-vous quel fort mon pere me prépare?
Dans ces lieux,cher Thirron, pour moi tout fe déclare.
Tout eft changé, le Ciel confond mes ennemis:
Et le plus doux efpoir à prefent m'eft permis..

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Si vous fçaviez, Thirron, avec quelle tendreffe,
De quels yeux à la Cour le Roy voit la Princeffe.
Satisfait & flatté d'un hymen glorieux,

Il perd en la voyant des tranfports furieux,
Qui renaiffant toûjours de fa douleur amere,
Vengent depuis quinze ans les malheurs de ma mere.-
THIRRO N.

Je vous en crois, Seigneur : mais eft-il encor temps
Qu'à dès tranfports fi doux votre cœur.....

ALEXANDRE..

Ah ! j'entens. De la Reine, il eft vrai, la mort n'eft point vengée. Par les foins de l'amour la nature outragée De mon reffentiment v eut de plus prompts efforts, Et pour un feul trépas demande mille morts. O vous, témoins muets d'une injufte colere, Marbres que fouille encor le meurtre de ma mere, Combien votre afpect feul agite mes esprits! Er vous, Manes plaintifs, interrompez vos cris,. Puifqu'avec mon devoir tout eft d'intelligence. Oui, Thirron, cet hymen affure ma vengeance; Par là mille fecours s'offrent à mon courroux; Vos vœux bientôt contens. . .

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THIRRON.

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Prince, que dites-vous?
Prévenu dans ces lieux d'un courroux légitime
Vous-même appréhendez d'en être la victime.
Des embarras des Rois effet trop dangereux
Qu'une longue habitude a de pouvoir fur eux!
ALEXANDRE

De quel effroi votre ame eft-elle prévenuë?!
THIRRON.

Salome, je le vois, ne vous eft point connuë:
Votre malheur, Seigneur, n'a point fini fon cours
Votre pere vous aime, il vous aima toûjours:
Mais un cœur prévenu dépend peu de lui-même,,

"

Soupçonneux, inquiet, jaloux du Diadême;
La haine de Salome excitant fes tranfports,
De fon vafte courroux fait mouvoir les refforts.
Né vertueux, fans doute, on a fçu le furprendre:
Jufqu'où ne peuvent point les grands cœurs fe ré-
pandre?

La vertu, dont le crime a pû gagner l'appui,
Eft plus injufte encor, plus cruelle que lui.
Je voulois fuir Salome, & je l'ai rencontrée :
En entrant fa surprise à mes yeux s'eft montrée,
Comme fi mon afpect caufant fon embarras,
Lui reprochoit alors de fecrets attentats.
J'ai parlé. Ses difcours m'en ont dit davantage,
Et mes yeux de plus près ont contemplé l'orage.
Vous n'avez pû penfer que prompte à fe trahir,
Elle puiffe vous craindre, & ne vous point hair:
Tous fes forfaits paffez excitent fa colere,
Et le crime du fils eft la mort de la mere.

Votre hymen qui s'approche irrite fon courroux;
Le moment eft terrible, & décide entre vous.
ALEXANDRE.

Et que peut contre moi la fureur de Salome,
Lorfque j'ai la faveur & l'amitié de Rome ?
Contr'elle & contre tous fon fecours m'eft offert;
Et je puis.

THIRRON.

Et c'eft là, Seigneur, ce qui vous perd. C'eft peu que dans ce jour fa prudence funefte Du fang Afmonéen poursuive en vous le refte; De mon retour encor dans ces terribles lieux, Tous les motifs fecrets n'ont point frapé vos

yeux.

Il faut vous en inftruire. Enfin votre ennemie
Contre vous dans fa haine encor plus affermie,
Confirme des foupçons trop juftement conçus.
Salome. ...

ALEXANDRE,

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faire

Elle fçait pour vous ce que Rome peut
Et qu'en faveur du fils elle fait grace au pere;
Que par vous Silléus perd l'appui des Romains.
Votre perte, Seigneur, importe à fes deffeins.
Sans ces deffeins peut-être, où fa fureur éclate,
Elle eût vû d'un autre ceil cet hymen qui vous flate!
Sa haine ambitieuse en a repris fon cours,
Et l'achemine au Trône aux dépens de vos jours
ALEXANDRE.

Ah! plûtôt elle-même elle affure fa perte.
Que ne faififfons-nous l'occafion offerte ?
Vous fçavez fes deffeins, ofez les reveler.

Le Roi....

THIRRON.

N'en doutez point, je fçaurai lui parler. Mais lorsque je me livre au zéle qui m'enflame, Que vos juftes tranfports s'enferment dans votre ame Sur mes foins quelque temps il faut vous repofer; Contraignez-vous encor, c'eft à moi feul d'ofer. La verité, Seigneur, dans ces lieux ignorée, S'y montre, ou rarement, ou trop defigurée. Je fçai qu'autour du Roi fans ceffe eft répandu Un tas de vils flatteurs à la faveur vendu; Que Salome écoutant fa haine & fa vengeance. Par lui contre lui-même exerce une puiilance Dont les moyens divers, avec art recherchez, Sont autant d'attentats fous d'autres noms cachez. Mais fur la vertu feule un grand cœur fe repofe, Il parle fans contrainte, & quoi que nous oppofe

L

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