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tance, ni que le triomphe d'un Auteur qui fe plait à nous furprendre foit réel & durable: fa Piece dépouillée de la représentation & expoféc à une lecture froide & éclairée perd bientôt des avantages qu'elle doit bien moins au genie du Poëte, qu'en general, à la corruption du cœur humain.

Je me renfermerai donc dans l'éclairciffement du titre de ma Piece, & dans la reponse à quelques objections particulieres de perfonnes éminemment refpectables & qui en les faifant, n'ont eu pour principe que la dé licateffe de leur pieté & des vues d'une décence & d'une édification, qu'il eft moins poffible aux Auteurs de fauver au Théatre qu'au Miniftere de lui interdire de pareils fujets & d'abattre fi j'ofe ainfi parler, ces Autels que quelques Poëtes éleverent infenfiblement à l'impudicité fous le nom & l'étendart même de la Religion.

Si je n'ai point donné à ma Piece le nom de Moife, c'est parceque ce nom Hebreu qui veut dire fauvé des eaux eût anticipé fa reconnoiffance & découvert pour ainfi dire le fecret de fa destinée & que d'ailleurs les Hebreux donnoient à Moïfe avant fa reconnoiffance le nom d'Ofarziph ou d'Ofardiph, que pour rendre plus doux & plus conforme au

Pays, j'ai changé en celui d'Ofarphis.

» On m'objecta d'abord que je me fervois » du nom de Juif, quoiqu'il n'eût été don» né aux Ifraëlites que beaucoup de Siecles

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après. Je n'ignorois pas que ce n'étoit en effet que depuis la captivité, que le mot de Juif étoit devenu le nom général de la nation; mais j'aurois cru pouvoir fuivre l'ufage. St. Paul lui même fous le nom de Juifs & fans aucune diftinction des tems, avoit confondu toutes les Tribus, lorfqu'il avoit dit nos natura Fudai, & non ex gentibus. C'est dans ce même efprit que Racine fait dire à

Joad dans Athalie :

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N'êtes-vous pas toujours fur la montagne fainte
Où le Pere des Juifs fur fon Fils innocent
Leva fans murmurer fon bras obéiffant ?

Cela ne m'a pas empêché d'ôter le mot de Juifs pour y fubftituer celui d'Hebreux » ou d'Ifraëlites: mais on ma reproché que »je mettois ceux-ci dans le nombre des

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Troupes qui fervoient les Egyptiens : » ce qui eft entieremeut, dit-on, contre les » mœurs de cette Nation. A quoi je réponds que les Ifraëlites ne font point ici un corps de nation; qu'ils ne doivent être régardés que comme quelques particuliers d'entre les Hebreux, ou comme gens affidés que la pru

dence de Jocabel avoit trouvé moyen de placer auprès de Moïfe, pour plus grande fûreté de fa perfonne. Si le fervice des Troupes des Egyptiens eût fouillé la Religion d'un Hebreu, comment concilier dans la perfonne de Moïfe, le caractere de fa naiffance & le commandement des Armées de Pharaon? Que devenoit alors la délicateffe & la pieté de Jocabel? & s'il faut s'appuyer d'un grand exemple, Mardochée, c'eft-à-dire celui de tous les Juifs qui étoit le plus attaché aux mœurs de fa Nation, n'étoit-il pas un des principaux Officiers de la garde d'Affuerus? » D'ailleurs on ne veut pas que Moïse ignore fa naiffance, fon fort & fa Religion, mere, dit-on, étoit toûjours auprès de lui, » & peut-on fuppofer qu'elle ne l'en auroit pas inftruit pour le garentir des fauffes erreurs des Egyptiens. Il eft bien dit dans » l'Ecriture qu'il étoit inftruit dans la science des Egyptiens; mais non pas qu'il fût imbu de leurs erreurs. La providence qui avoit deftiné la mere de Moïfe pour la nourrice; » ne l'avoit fait qu'afin de lui apprendre de » bonne heure fa Religion. L'Ecriture ne marque nullement à quel âge de Moïfe fa mere lui apprit quels étoient fon état & fa famille. C'eft ce filence de l'Ecriture qui m'a

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donné lieu de placer dans des convenances théatrales ce détail d'inftructions qui a dû exciter dans l'ame de Moïfe tant de mouvemens différens. Il m'a paru qu'il étoit de la dignité de la Religion que Dieu rompit le fceau qui doit avoir été mis d'abord fur les levres de Jocabel, & qu'il déterminât lui-même le moment de la reconnoiffance qui a fon fondement dans la verité. J'ai pû à l'égard de cet incident me fervir de tous mes avantages & former cet enchainement de circonftances, qui fi j'ofe le dire, rend le moment de fa reconnoiffance plus marqué & plus intereffant,

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Voici un reproche fur lequel on a beaucoup appuyé, rien n'eft plus indécent, con»tinue-t-on, à me dire que d'entendre parler » Moïfe des faux Dieux & de leur culte, quoique Moife foit fuppofé ignorer fon état & »fa Religion.Il paroit cependant dans les miers Actes de la piece avoir pris fur les inftructions fecrettes de Jocabel de grandes idées du Dieu d'Ifraël, il n'en parle qu'avec magnificence & dans le fublime de l'Ecriture, & au contraire c'eft toûjours legerement qu'il parle des faux Dieux des Egyptiens. J'ai cependant profité de l'obfervation & fupprimé totalement les endroits où il échapoit à Moïfe de faire quelque mention du culte & des Dieux du Pays.

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» Il n'eft pas moins indécent, à ce qu'on ajoûte, de voir représenter Moïfe, le plus » doux de tous les hommes, vindicatif, amou"reux & ambitieux. Il s'en faut bien que la difficulté de répondre à cette objection foit auffi forte que le reproche. Il eft dit en effet que Moïfe étoit le plus doux de tous les hommes erat enim Moïfes vir mitiffimus. L'Ecriture par cet éloge exalte cette moderation que Moïfe garda dans le murmure élevé contre lui dans fa famille même, & qui cependant n'empêcha pas que Marie fa fœur ne fût frappée d'une lepre terrible & ecce Maria apparuit candens lepra quafi nix. Ces mouvemens d'ambition & de vengeance qui paroiffent dans Moïse ne font en lui que l'effet d'une prudence fuperieure & d'une élevation de courage fi digne des deffeins de Dieu & de l'exécuteur de fa juftice. Sans ces deux titres comment concilier en lui avec cet Efprit d'égalité & d'attendrissement qu'on lui donne, les grands exemples que nous avons de fa féverité, la terre s'ouvre à fa priere & engloutit Coré & ceux de fa faction. Quel ordre fanglant ne donna point Moïfe aux enfans de Levi, & chacun d'eux ne crut-il pas avoir confacré l'épée qu'il enfonça dans le cœur de fon fils ou de fon frere ? Dans quel étrange massacre n'engagea point l'exemple de Phinées, lorfque pour en exécuter les volontés

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