ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

J'expofe à vos regards un modéle fi beau.
Ce Héros, d'Ifraël avoit juré la perte :
Ses deffeins éclatoient par tout à force ouverte,
De Tyr, & de Gaza les murs encor fumans,
Etoient de fon courroux d'éternels monumens:
Il marcha vers Solyme. Ifraël en allarmes
N'avoit pour tout fecours, que fes vœux, & fes lar-

mes.

Qu'efperer en effet dans cette extrémité ?
Mais du courroux du Ciel le temps eft limité.
Que peuvent contre lui d'innombrables Cohortes?
A ce grand Conquerant, Solyme ouvrit fes portes.
Inftruit du fier courroux, dont fon coeur étoit plein,
Le Pontife Jadus, dans fon habit de lin,

Des Prêtres & du Peuple, entraînant l'affluence,
Au-devant de fes pas marchoit en affûrance.
Sur l'ornement facré, dont fon front étoit ceint,
Brilloit, de l'Eternel, le nom augufte, & faint.
Et Dieu fans doute alors le couvroit de fa gloire:
Et ce que le Pontife à peine auroit pû croire,
'Alexandre, Seigneur, faifi d'un faint respect,
S'avance feul vers lui, fe courbe à fon afpect:
Croit voir en lui le Dieu, qui fembla lui prédire
Que des Perfans un jour il détruiroit l'Empire.
Ainfi ce Roy, fameux par tant d'exploits divers,
Devant qui fi long-temps s'étoit tû l'Univers,
Dans fon étonnement garde un profond filence,
Et du Dieu d'Ifraël adora la puiffance.

ANTIOCHUS.

Que fert de rappeller un pareil fouvenir ?
Cet exemple en ce jour doit peu me retenir.
Et les temps, & les lieux, tout eft changé, Madame,
Ce Dieu même, fur qui fe repofe votre ame,
'A retiré de vous fon aide, & fon pouvoir.

SALMONE.

Ce qu'il a fait pour nous rallume notre espoir,

Dans le cours éclatant de nos vaftes miferes,
De mille affreux périls, il garantit nos Peres,
De leur captivité brifa les fers honteux,

Et par lui la Mer s'ouvre, & s'enfuit devant eux.
Dans fes gouffres profonds le Juif trouve un pallage;
Et diffipe Amalec, qui l'attend au rivage.
Que dis-je ? Des méchans, les complots criminels
Conduifent à leur but fes decrets éternels.
La fin de leurs projets eft prefente à fa vûë.
De moyens tout-puiffans, fa fageffe eft pourvûë.
Il foûrit en fecret d'un triomphe trop vain;
Et la chûte des Rois eft un jeu de fa main.

ANTIOCHUS.

Du Jourdain teint de fang, par d'éternels ravages, Une jufte fureur défola les rivages.

De vos malheurs, du moins, rappellez-vous le cours.
SALMON E.

Ah! du fein de nos maux naiffent tous nos fecours.
A nos calamitez, fuccéde un fort profpére.
De fon Peuple toûjours l'Eternel eft le pere.
Son bras l'éprouve, alors qu'il paroît l'accabler;
Et quand il nous punit, c'eft à vous de trembler.
ANTIOCHUS.
Ifraël, enyvré de l'efpoir qui le flatte,

Des rives du Jourdain jufqu'aux bords de l'Euphrate;
Par de nouveaux exploits, cherchant à s'aggrandir,
De fes derniers malheurs, 'peut, s'il veut, s'applau

dir.

Pour moi, je l'avoûrai, dans les bras de la gloire,
J'ignore ces retours, qu'entraine la victoire.
Je vois Solyme aux fers, & ne voi rien de plus.
Mais, Madame, tranchons des difcours fuperflus.
C'est affez vous nourrir d'une vaine chimere:
Et comme Ifraëlite enfin, & comme mere,
Libre d'un fol efpoir tant de fois démenti,
Prenez, il en eft temps, un plus fage parti.

A tout un peuple entier, donnez un grand exemple;
Et venez avec moi purifier le Temple
De fuperftitions, d'ufages odieux.

SALMONE.

Moi! que brûlant l'encens fur l'Autel de vos Dieux,
Que par des fentimens à tous les miens contraires,
J'abandonne nos Loix, & le Dieu de nos Peres!
Qu'oubliant un moment fa gloire, & fes bienfaits,
Moi-même je me livre au plus grand des forfaits!
Dût s'armer contre moi votre haine implacable,
Du plus leger oubli, ma foi n'est point capable.
Contre un culte fi faint, où tout crime est égal....
ANTIOCHUS.

O d'un Peuple crédule aveuglement fatal!
Je vois mes volontez fans ceffe démenties.
Respectez-les ; ou bien les premieres hofties,
Qu'immolera ma main à nos Dieux en courroux,
Songez-y, ce fera vos fept Enfans, & vous.
Sans doute, en vos projets le zéle, qui vous guide,
A féduit avec eux le cœur de Zoraïde.
Votre exemple la perd, & je fçais à quel point....
SALMONE.

Qui? moi, Seigneur ?

ANTIOCHUS.
Oui, vous.
SALMONE.

Je ne m'en défends point,

Je l'aime; fa vertu, dans Solyme adorée.
Paffe encor la beauté, dont le Ciel l'a parée.
L'illuftre Manaflès, à notre espoir ravi,
Defcendoit, comme moi, d'un Enfant de Levi;
De fa fille, Seigneur, les bontez infinies
Exercent avec foin dans nos ceremonies,
Le dernier de mes fils, & cultivant sa foi,

Du vrai Dieu dans fon cœur fes mains gravent la

Loi:

Elle

Elle joint à fon zéle une pieufe adreffe.

Une fœur pour fon frere auroit moins de tendreffe.
ANTIOCHUS.

Madame, fans entrer dans des propos fi vains,
Profitez des inftans, que je laiffe en vos mains.
Du fang Afmonéen je fçai la noble audace;
Je connois Machabée, ornement de fa race.
Inftruifez-le à loifir de tout cet entretien.

Je vais vous l'envoyer. Adieu. Songez-y bien.
Du plus pur fang des Juifs, vous devenez comptable.
De leur Dieu, quel qu'il foit, le Confeil redoutable
Reprouve tant de zéle en ce commun effroi,
Et le falut des fiens eft fa premiere Loi.

SCENE IV.

SALMONE Seule.

E quoi! dans le befoin mon ame s'intimide!
Si dans fa foi jadis Abraham intrépide,

Sur le bucher fatal, par lui-même dreffé
Offrit fon facrifice, à ta gloire adreffé,

[ocr errors]

Grand Dieu! ta main en lui foutenoit ton ou

vrage.

Quand je fais plus pour toi, donne-moi fon courage.
Il n'immoloit qu'un fils, lorfque ton bras puiffant
Détourna dans fes mains le glaive menaçant.
Que dis-tu, malheureuse, en ce defordre extrême ?
'Arrête. Si tu crains, ne crains que pourtoi-même..
A l'afpect du péril dont tes fens font troublez,
Crois-tu que tes Enfans puiffent être ébranlez,
Qu'on puiffe fur tes pas les entraîner au Temple?
Ne pouvant le donner, reçois au moins l'exemple:
Et d'un fi noble effort raffurant tes efprits,
Du fang, qu'ils ont de toi, va recueillir le prix.

Q

SCENE V.

SALMONE, MACHABE' E.

MACHABE' E.

Uoi! lui-même, vers vous, Antiochus m'en
voye !

Le Ciel, en nous ouvrant une fecrette voye,
Des fureurs du Tyran, veut-il nous délivrer?
Ou plûtôt eft-il jour à pouvoir l'efperer?
Et quels objets, grand Dieu, frappent ici la vûë!
Au fortir de ces lieux Zoraide éperdue,
Craignant pour Ifraël quelque nouveau malheur;
Aux pieds de nos Autels a porté la douleur.
Aux yeux de tout le monde, elle s'eft dérobée.
Devant elle eft Dieu feul. Le trifte Machabée,
Du Tyran avec elle ignore l'entretien.
Ah! fi fans refpecter le plus facré lien,

Si pour mettre le comble au tranfport qui le guide,
Au mépris de la foi, des pleurs de Zoraide....
SALMONE.

Ne concevez pour elle aucun fujet d'effroi,
Mon fils: Le Ciel lui-même eft garand de fa foi.
Mais fongez que ce jour, ce jour vraiment funefte,
De la foi d'Abraham, doit rallumer le refte.
Ifraël jufqu'ici de toutes parts preffé,

Jamais de tant de maux ne s'eft vû menacé.
Dans ce cours malheureux de projets fanguinaires,
C'eft à vous à donner l'exemple à tous vos freres.
Montrez dans les momens, qui vous font refer

vez,

Quel Sang vous a fait naître, & quel Dieu vous fervez.

« ÀÌÀü°è¼Ó »