Du fond de leurs Tombeaux élevent mille cris; Qu'ils rallument ma haine, auffi bien le perfide Ne mettroit point de borne au courroux qui le guide,
Vous dites vrai, Madame, & quel que foit fon fort, Vos malheurs ne font point terminés par sa mort, Quelle foule de maux la jaloufie entraîne ! L'amour eft quelquefois plus cruel que la haine, Et je n'en puis douter...
MARIAM NE.
Où tendent ces difcours ?
SOESM E.
Peut-être en faudroit-il interrompre le cours. Je devrois vous cacher ces mouvemens, Madame, Que ma gloire indignée éleve dans mon ame. Moi, que foulant aux pieds vertus, graces, beauté Je puiffe jufques là fervir fa cruauté?
Ah! qu'éloigné d'entrer dans ce projet barbare,
MARIAM NE.
Dans quel tranfport votre zele s'égare?
Cet ayeu fans doute eft peu
Mais, Madame, apprenez un terrible fecret, Dans toute fa fureur reconnoiffez Herode. MARIA M N E.
Avant que de partir pour Rhode, Et tout fanglant encore au fortir du combat, Je remets dans tes mains les rênes de l'Etat, Me dit-il; je fais plus. A ta garde, Soëfme Je laiffe un bien pour moi plus cher que l'Etat même. C'eft la Reine, ce font tous fes divins appas. Sers mes jaloux tranfports par delà mon trepas.. Si le deftin permet qu'Augufte me condamne;
S'il ordonne ma mort, des jours de Mariamne Cher Soëfme, auffitôt tranche le cours fatal Sauve à mon Ombre encor la honte d'un Rival: Mon ame fans horreur ne conçoit point l'idée Que dans les bras d'un autre elle en foit poffedée. J'exige de ta foi cet effort éclatant.
Je pars fûr de ton zele, & je mourrai content. MARIAM NE.
Et qu'eft-ce qu'a produit ce difcours fur votre ame? Que lui promites-vous ?
Je promis tout, Madame, A cet ordre cruel tout fembloit m'affervir, Et je ne l'acceptai que pour mieux vous fervir. MARIAM NE.
Jufques ici comment avez-vous pû vous taire ? SOES M E. Je cacherois encor ce funefte mystere
Mais fi le Roi n'eft plus, Madame, j'ai jugé Que d'un ordre pareil un autre étoit chargé, Et j'ai besoin de vous contre cette entreprise. Le Ciel foutient l'ardeur dont mon ame eft éprife. Heureux ! fi dans ce jour vous obfervant de près, De tout autre complot j'écarte les apprêts. Sans doute un droit facré dégage ma promeffe. Mais Alexandre vient, Madame, je vous laiffe. Ne blamez point mon zéle, & daignez recevoir Pour garands de ma foi vos pleurs & mon devoir. SCENE III.
On fils vient. S'il se peut, renfermons dans mon
Le trouble dont je fuis agitée,
Permettez que mon cœur percé de mille traits Vienne dans votre fein repandre fes regrets.. Mon Pere n'eft donc plus? La fortune ennemie En retranchant ses jours les couvre d'infamie? Ainfi le fang des Rois ne fe refpecte plus. D'Augufte tant vanté font-ce là les vertus? Jufques là fouille-t'il la gloire de fes armes ? J'entrevois vos confeils, & je fens que vos larmes ( Réchauffent dans mon cœur ces fiers reffentimens Qu'une vengeance illuftre irrite à tous momens; Qu'enfin tout doit ceder aux douleurs que j'éprouve. MARIAM NE.
Calmez, mon fils, calmez un transport que j'approuve Moi-même encor du Roi j'ignore le destin : On n'a fait de fa mort qu'un rapport incertain. Que fai-je ? plus heureux il refpire peut-être, Mais Augufte eft vainqueur, respectez un tel maître. Peut-être un jour mon Fils vous en aurez befoin, Ne pouffez point ici vos murmures plus loin. Et qui fait fi l'effort d'une main fanguinaire.... ALEXANDRE.
Mon Fils, votre afpe&t me rappelle mon frere. La nature fe joue en de vivants portraits. Il étoit votre image, ou vous avez les traits. Les graces, la douceur des vaillans Machabées ] Brilloient encor en lui du Ciel même tombées. Que fa tête charmante, & fa noble pudeur De fa Tiare encor relevoient la fplendeur ! Quand fur fes pas en foule accouru dans le Temple, Avec avidité le peuple le contemple,
Et qu'il admire en lui le refte de les Rois. Ce fut pour la premiere, & la derniere fois
Hélas! de ma maison j'ai vû tomber la gloire. Ce jour, ce cruel jour frappe encor ma mémoire, Où plongé dans les eaux par de perfides mains, A peri devant moi le plus cher des humains. L'horreur fur fon vifage eft tout-à-coup empreinte Et de fes yeux ouverts la lumiere est éteinte, Il n'offre plus qu'un corps meurtri, defiguré. Le Temple en fut émû, le voile dechiré, Le Ciel gronda, le jour fe couvrit de nuages, Et le Jourdain fanglant inonda fes rivages. ALEXANDRE.
Ciel! où votre douleur va-t'elle s'égarer? Quel fouvenir encor vient de vous déchirer? Oubliez les malheurs de votre augufte Race. Songez aux maux préfens, & qu'une autre disgrace Affaillit votre cœur déja trop abattu, Et plus cruelle encor s'offre à votre vertu. Mon ame à ce transport ne s'eft point attendue. He quoi! vous ne pouvez détourner votre vûë Des objets éloignés qui viennent vous frapper, Quand l'interêt d'un Fils doit feul vous occuper? Ciel à qui dans mes maux faut-il que je m'adresse?' MARIA MNE.
Mon Fils, vous devez mieux juger de ma tendreffe. Ne me condamnez point. Vous fçaurez tôt ou tard Ce qui caufe mon trouble & d'où ma douleur part. Mais fçachons quel avis Phœdime nous apporte.
Pour vous en informer je devance ses pas
Tu peux la prévenir, je ne la verrai pas. Tu ne connois que trop l'accueil qu'elle merite, Tu fçais jufqu'à quel point fa préfence m'irrite. Voudrois-tu dans mon trouble,avec un nouveau foin, De fes perfides pleurs me rendre le témoin ? Phædime, jufques-là je ne puis me contraindre. Allons, mon Fils rentrons.
Mariamne & Alexandre fortent.
PHOEDIME.
Ah! que j'ai lieu de craindre
D'un mépris trop marqué les retours éclatans!
Je fçai de fes chagrins la caufe déplorable, Et prendrai pour la voir un moment favorable. Mais qu'elle fçache au moins que dans mes déplaifirs, Je venois joindre ici mes pleurs à fes foupirs, Et dans le bruit public d'un changement funefte, De mes foibles fecours offrir tout ce qui refte. PHOEDIME.
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