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SCENE VI.

SALOME, ELISE.

SALOME.

DE tes cruels mépris

Avec ufure encor je te garde le prix,

Reine trop orgueilleufe, & tu vas me connoître.
As-tu crû qu'à l'outrage infenfible peut-être,
Efclave comme un autre, & timide à mon tour,
De ta vaine faveur j'attendrois le retour?
Que je la briguerois? Avec quelle infolence
Tu m'as fait mille fois rougir de ma naiffance?
Si la fplendeur du fang n'eft point donnée à tous,
La gloire pour le moins ne dépend que de nous,
Elle éleva mon Frere au Trône de Judée.

ELISE.

Que dites-vous, Madame ? Et quelle eft votre idée?
Quel tems votre courroux prend-il pour éclater?
Dans quels périls vous-même allez-vous vous jetter?
Si le Roi ne vit plus, que devient votre haine?
Et pouvez-vous douter qu'Alexandre, la Reine,
Ne trouvent bien-tôt grace auprès de l'Empereur?
SALOME.

Elife, il en eft tems, fors toi-même d'erreur.
Au gré de mes defirs aujourd'hui tout confpire.
Herode vit encor. Mais c'eft peu qu'il refpire,
Les foupçons devant lui d'abord font difparas,
Sa gloire eft confirmée & fes honneurs accrus.
Que te dirai-je encor? foit prudence, ou caprice;
Le Roi doit à Cefar offrir un facrifice.

C'est ce qu'en arrivant lui-même il s'eft promis

De tout ce grand pouvoir entre ses mains remis.
ELISE.

Et de quel œil, ô Ciel! le peuple, Mariamne,
Vous-même verriez-vous cette Fête prophane,
Et d'un Roi de Juda quel peut-être l'objet ?
SALOME.

Arrête. C'eft fur quoi je medite un projet,
Dontje ne t'ofe encor confier l'importance.
ELIS E.

Madame, ce fuccès paffe votre efperance.
Puiffent vos ennemis bien-tôt être écartés!
Mais parmi ces honneurs, & ces profperités,
Dit-on pourquoi Cefar avec tant d'avantage....
SALOME.

Tharés qui me l'écrit n'en dit pas davantage.
ELISE.

Tharés! & depuis quand fervant vos intérêts,
Madame, eft-il admis jusques dans vos fecrets?
SALOME.

De tous mes confidens connois le plus fidele,
Il attend que ma main couronne un jour fon zele,
C'est ce qu'adroitement je lui laiffe efperer,
Non que la fienne enfin pût me deshonorer,
Sa naiffance eft illuftre; il eft fils de Tadée,
Qui fous le vieux Hircan gouverna la Judée.
Enfin hier en fecret j'en reçus un exprès,
Il m'apprend fon départ, & qu'Herode de près
Sur les pas.

....

ELISE.

Et d'où vient qu'un bruit fi peu fidele.....
SALOM E.

C'est moi qui de fa mort ai semé la nouvelle.
De mes deffeins fecrets mes amis informés
Pour tout autre ont tenu les paffages fermés..
Ainfi de tous les bruits me rendant la Maîtreffe,
Je n'en repands aucun qu'autant qu'il m'intereffe

J'ai voulu m'appuyant par de feintes douleurs
Frapper tous les efprits & fonder tous les cœurs,
Et dans tous mes projets toûjours plus affermie,
A l'aide de fes foins, perdre mon ennemie.
Je rends à fon orgueil tous les maux qu'il m'a falts.
Toi! d'un rapport menteur admire les effets,
Vois au bruit d'une mort à peine divulguée
Les divers mouvemens d'une Cour intriguée,
D'un Peuple factieux les differens partis
Et de tant d'interêts les nœuds mal affortis.
De ce trouble commun je vois ce qui peut naître.
Que de moiens ouverts à qui les fçait connoître !
J'en ai befoin, Elife, on peut l'imaginer,

Quand fous le nom d'autrui nous voulons gouverner.
Maudite ambition! gloire trop importune!

Vils efclaves des Rois, & de notre fortune,
Et victime à la fin d'un Etat en courroux

Le

repos n'est point fait ni eux pour ni pour nous. Mais on vient. C'eft Tharés.

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SCENE VII.

SALOME, THARE'S, ELISE.

THARE'S.

Dans mon impatience,

J'ofe jufqu'en ces lieux chercher votre présence,
J'avois couru, Mådame, à votre appartement..
SALOME..

C'eft mal choifir le lieu, Tharés, & le moment Toutefois parlez-moi. Le jour qui nous éclaire Afes peuples furpris va-t'ilrendre mon Frere?

THARE' S.

Si du départ du Roi je compte les inftans,

Dans une heure au plus tard vos vœux feront contens. Bien-tôt dans fes transports l'amour & la nature.... SALOME.

Racontez-moi, Tharés, cette illuftre avanture,
Mais quoique feuls, fongez que ces murs aujourd'hui...
THARE'S.

Herode a vû Cefar & tout l'Empire en lui:
Aux pieds du Trône où tout difparoit à fa vûë,
Des Peuples & des Rois la foule eft confondue.
La gloire l'environne, & jette au loin l'effroi.
Jufqu'au bout, lui dit-il, Cefar écoute moi.
J'aimois Antoine & j'eus une douleur profonde
De voir qu'il prétendoit à l'Empire du monde
Sans pouvoir le fervir que de mes feuls tréfors.
L'Arabe ouvroit la guerre, & m'occupoit alors.
Que n'ai-je, ajoûta-t'il, aux dépens de ma vie
Vû d'un fi digne ami la gloire mieux servie?
Et dans tous les projets fi noblement conçus
Pû lui rendre les biens que j'en avois reçus?
Ah! lorfque d'Actium la fatale journée
Eut d'Antoine éperdu trahi la deftinée,
Il ne put m'accufer de m'être démenti,
Ni qu'ayant lâchement delaiffé fon parti,
A quelque efpoir ailleurs mon ame fut ouverte :
S'il eût cru mes confeils il prévenoit fa perte.
Je te dirai bien plus, mon zele en fon transport
De Cléopatre ofa lui propofer la mort;
Et que, quoiqu'il l'aimât jusqu'à l'idolatrie,
Il fit ce facrifice à Rome, à sa Patrie ;
S'emparât de fon Trône, & que für de ma foi
Il fe mit en état de te donner la loi.

SALOME.

Mon ame à ce recit demcure encor troublée.

THARE'S.

Un murmure s'éleve en toute l'affemblée
Cefar fur tout frappé de ces traits hazardeux
Attira les regards partagés entre eux deux,
Soit colere ou furprise, il garda le filence.
Ou fa vertu plûtôt emporta la balance.
Le Roi dans fon maintien loin d'être embarraffe
Si fans égard, dit-il, à ce qui s'eft paffé,
Si t'impofant toi-même un oubli magnanime,
Un ami tel que moi merite quelque eftime,
Ofe en faire l'épreuve, & fi nous convenons,
Il ne

faut que changer les objets & les noms. Je n'ai qu'à mettre Augufte, & fa gloire à la place; Et la même amitié conduira mon audace.

Par ma reconnoiffance augure de ma foi,
Cefar, cette offre eft digne & de Rome & de toi.
SALOME.

Telfe montre un grand cœur que le revers éprouve.
THARE'S.

Dans ces hauts fentimens Augufte fe retrouve,
Et parmi le tranfport d'une noble pitié
D'Herode dans fes bras accepta l'amitié.
Voilà comment ce Prince heureux, & fans baffelle
'A calmé de Cefar la fureur vengereffe.
Mais Madame, fongez à l'aller recevoir.

SALOME.

La Reine va fur lui reprendre fon pouvoir
Sans doute.

THARE'S.

Epoux jaloux, Amant toûjours fidele, Son cœur impatient n'eft occupé que d'elle.

SALOME,

Vous fçavez entre nous quels projets concertés,
Tharés, & quels fermens par la gloire dictés,
Doivent unir nos cœurs, nos interêts...

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