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Que l'Enfer conjuré ne daigne l'en inftruire.
SAUL.

Dans ces lieux en fecret prends foin de la conduire.
Va, je brûle de voir mon deftin éclairci.
ASSER.

J'obéis, & bien-tôt vous l'allez voir ici..

DE

SCENE VI.

SAUL feul.

E mon cœur tout-à-coup quel mouvement s'em
pare?
Quelle horreur me faifit! par quel deftin bizarre,
Par de nouveaux objets à toute heure emporté,
Redoutai-je de voir ce que j'ai fouhaité ?

Ah! qu'Ifrael touché du courroux qui t'opprime,
Pleure für tes malheurs fans détefter ton crime.
Sauve ta gloire au moins de ce dernier écueil,
Et retire tes pas fur les bords du cercueil.
Mais quel ordre invincible, & quel arrêt funefte
M'attache à des deffeins que mon ame détefte?
Un pouvoir dont le mien ne peut me dégager,
M'entraine dans l'abîme où je cours me plonger.
Ah! que dis-je ? & que craindre après ce que j'endure!
Sans doute mes malheurs ont comblé la mesure.
Dans l'état où du Ciel m'a réduit le pouvoir,
Il ne me refte plus que mon feul de fefpoir
Affez & trop long-tems fon filence m'accable.
Un nouveau crime enfin foulage un cœur coupable:
Ce cœur de tous côtez fi long-tems combattu,
Même de fa fureur fe fait une vertu.

C'en eft trop, arrachons un fecret qu'on me cele.
D'un défaftre prévû l'atteinte est moins cruelle.
Hâtons-en le fuccès, & fans perdre de tems,

Állons. Où veux-je aller, & qu'est-ce que j'attens?
Rébelle aux loix du Ciel dont le courroux m'affiege
Je deviens témeraire, impie & facrilege.

Non, non, retirons-nous de ces funeftes lieux,
Où bien-tôt tout l'Enfer va paroître à mes yeux..
Sortons, le moment preffe ; & pour punir mon crime,
Déja gronde la foudre & j'entrevois l'abîme.
Fuyons la Pythoniffe, éloignons-la de moi.
Qu'entens-je ? on entre : Ciel ! elle vient. Je la

voi.

SCENE VII.

SAUL, LA PYTHONIS SE.

MA

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Algré tous les fermens & la foi de mon guide, Tremblante dans ces lieux je porte un pas timide. Mon courage fur moi ne fait qu'un vain effort. Je crois que chaque pas me conduit à la mort. Aux charmes de mon art la Nature affervie, De la rigueur des loix ne fauve point ma vie. Arbitre des mortels dans ce terrible effroi, Quand je puis tout pour eux, je ne puis rien pour moi. Témeraire, eft-ce toi de qui la violence Vient malgré moi d'ofer m'arracher au filence? Quoi? la Terre m'ouvrant un azile en fon fein, N'a pû me garantir d'un fi hardi deffein! Mais fçais-tu de Saul quelle eft la loi fanglante? Que dis-je ? la Judée encor toute fumante Des feux que fa fureur par-tout fit allumer, Du fort de mes pareils n'a donc pû t'informer ? Toi-même enveloppé dans la même difgrace, Quel fruit efpere-tu de ta coupable audace? Dans le fang innocent trop prompt à se baigner, Crois-tu

Crois-tu que le cruel puiffe ici t'épargner!
Au milieu de fon Camp quelle eft ton affurance?
Confidere des lieux témoins de fa puiffance,
Où fa vengeance éclate, où dans mon jufte effrɔi
Il me femble l'ouir, & qu'il eft devant moi;
Et que pour s'éclaircir d'un fecret qui le touche,
C'eft lui-même qui va me parler par ta bouche.
SAUL.

Je fçais que contre vous un arrêt rigoureux
Du fecours de votre art prive les malheureux.
Si le foin d'un ami qu'a touché ma mifere,
Vous a conduite ici malgré cet ordre auftere;
Et fi l'horrible afpect de ces funeftes lieux

Rend Saul plus à craindre, & préfent à vos yeux, N'en craignez rien. Songez qu'au malheur qui me presse,

Autant que la pitié, la gloire s'intereffe.

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Si de tous les devoirs qui regnent parmi nous
Le foin des malheureux eft le plus beau de tous,
Si leur foulagement veut un effort infigne,
Jamais de vos fecours mortel ne fut plus digne.
LA PYTHONISSE.

Il eft des maux plus grands que tu dois t'épargner.
Quitte un fatal deffein, laiffe-moi m'éloigner;
Et content des malheurs dont ton ame foupire,
Laiffe-moi fuir des lieux où le Tiran refpire;
Où fon cœur, dans l'effroi d'un cruel châtiment,
Et prêt d'immoler tout à fon reffentiment:
D'autant plus que mes foins dans ce noir facrifice,
Laiffent à la fureur quelqu'ombre de juftice.
Quelle rigueur fur nous tomberoit aujourd'hui,
Pour détourner le bras appefanti fur lui?
Saül fur-tout jaloux de fon pouvoir fuprême,
Ardent, prompt à punir...
SAUL.

J'en jure par lui-même,

E

J'en attefte vos Dieux, Un éternel oubli
Va tenir ce fecret dans l'ombre enfeveli.
Quoique par une injufte & trifte destinée
La foi d'un malheureux foit toujours foupçonnée,
Soyez füre pourtant de trouver dans ma foi
Un gage auffi facré que le ferment d'un Roi.

LA PYTHONISSE.

Parle. Que me veux-tu ? de cet ennui si sombre
Quel eft.

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SAUL.

D'un mort illuftre il faut évoquer l'Ombre. Sa perte m'a jetté dans un trouble cruel. LA PYTHONISSE.

Et cet illuftre mort quel eft-il?

SAUL.

Samuel.

LA PYTHONISSE.

Qu'entens-je, Samuel! Quoi ce fameux Prophête,
Du grand Dieu d'Ifraël le fidele interprete,
Qui des jours de Saül par fa main confacré,
Pour ne pas voir la fin femble avoir expiré?
Qui fans crainte à fes yeux prodiguant les menaces
Ofa lui retracer de fanglantes difgraces,
Le Ciel redemandant le fang d'Achimelec,
Et tout prêt à venger le pardon d'Amalec
Se repentant du choix qui dans le rang fuprême,
De l'état le plus vil sçut...

Daignez le rappeller.

SAUL.

Hélas! c'eft lui-même.

Hé bien, tu vas le voir.

LA PYTHONISSE.

De qui fert ta fureur, refpecte le pouvoir.
Ecarte-toi, prophane, & pour cette entrevûë
Laiffe à mes pas du moins une libre étenduë.

O vous, de qui je tiens mes fecrets fouverains, Efprit dont la puiffance eft remise en mes mains;

Vous, Phantômes muets qui regnez fur les Ombres,
Pâles Divinitez de ces Empires fombres
Que ne perça jamais la clarté qui nous luit.
Lieux où regnent la mort, le filence & la nuit ;
Pour achever ici de terribles myfteres,

Prêtez-moi le fecours de vos noirs minifteres.
Oppofez au Ciel même un redoutable appui,
Exercez un pouvoir que vous tenez de lui.
Je ne viens point au jour dérobant la lumiere;
Replonger l'Univers dans fa maffe premiere.
Mais que de la Nature interrompant les loix,
L'Ombre de Samuel apparoiffe à ma voix.
Soutenez votre gloire à la mienne enchaînée
Autorifez la foi que je vous ai donnée,
Et rendez-moi le prix de cet affreux ferment,
Que l'Enfer même ouït avec frémissement.
Mon impuiffance ici vous feroit trop d'injure.
Juftifiez mes droits; & je vous en conjure,
Par le fang des enfans que pour vous j'ai versé;
Par ce bras tant de fois aux meurtres exercé,
Par ces cruels apprêts que ma fureur ordonne,
Accompliffez...Mais quoi ? déja mon cœur friffonne!
Je fens tous mes cheveux fur mon front fe dreffer.
Quels fpectres devant moi viennent fe retracer?
Le Ciel de tous côtez fait gronder fon tonnerre.
Le jour perce la nuit. Je vois trembler la Terre.
Dans fon centre entr'ouvert se présente à mes yeux
Un Vieillard vénérable & femblable à nos Dieux;
Ou du moins dans fes traits leur majefté s'eft peinte.
Moi-même il me faifit & de trouble & de crainte.
L'Ombre déja s'ébranle, à mes fens deffillez
S'offrent d'un fang impur fes vêtemens fouillez ;
Et du meurtre d'un Roi fes mains fument encore,
Son afpeet fait frémir jufqu'à ceux que j'implore.
Mais que m'apprend la voix en montant jusqu'à moi?
Ah, Dieux! je fuis perduë, & vous êtes le Roi,

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