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Même, aux brigues d'Affer je pourrai l'oppofer,
Tu vois que de mon Pere il peut feul difpofer,
Quoiqu'il fouffre à regret l'éclat qui l'environne,
Refte d'un fang fatal qui prétendit au Trône,
Et qui jadis armant les plus féditieux

Oppofa fes complots au choix même des Cieux.
Sans doute il fe fouvient qu'en d'autres mains remife,
Ma Sœur aux feux d'Affer avoit été promise;
Que mon Pere depuis s'impofant une loi,
Rompit l'hymen d'Affer, & dégagea fa foi.
Mais foit qu'en lui l'effet de quelque ardeur fecrette,
Nourriffe de fon cœur l'efperance indifcrette,
Que jufques à ma Soeur il leve encor les yeux,
Ou foit qu'il tourne ailleurs fes vœux ambitieux,
Ennemi de David il cherche à le détruire.

Dans les deffeins fecrets qu'il forme de lui nuire,
Et dont tu le peux voir jour & nuit occupé
Je me fuis vû fouvent moi-même enveloppé.
Mais ma Sœur vient, quel trouble élevé dans fon ame
Conduit vers nous fes pas?

SCENE II.

JONATHAS, MICHOL, ACHAS, ELISE.

JON ATHA S.

Que fait le Roy, Madame ?

MICHOL.

Ah! venez avec moi combattre fes transports.
C'eft maintenant qu'il faut redoubler nos efforts.
Des vengeances du Ciel déplorable victime,
De fa vertu premiere un refte encor l'anime,
Et dans ce trifte état fon exemple fait voir

B

Tout ce qu'en un grand cœur produit le defefpoir.
S'il fuit fes mouvemens, fa perte devient fûre;
De tout le camp mon Pere ignore le murmure.
Mais, mon Frere, à lui feul c'eft trop l'abandonner.
Prévenez un malheur qui peut tout entrainer.
Hâtez-vous, craignez tout du trouble qui l'infpire,
Et fongez que fa chûte eft celle de l'Empire.
JONATHAS.

Vous-même de David affurez le retour.
Venez faire parler la nature & l'amour.
Je fçai qu'Eliézer à vos ordres fidelle,
De l'état de Sail lui porte la nouvelle;
Mais c'eft peu qu'une lettre expofant vos douleurs
Trouve encore David fenfible à nos malheurs,
Du Soldat mutiné lui peigne l'infolence,
Et nos fiers ennemis triomphant par avance;
En vain yous flechiriez le cœur de votre Epoux,
Si nous n'avons du Roi defarmé le courroux.
MICHOL.

Helas! de ce courroux injufte ou legitime,
Je fuis, Prince, je fuis la premiere victime.
Ciel arbitre des Rois, où me reduifez-vous?
Je vois fans ceffe un Pere armé contre un Epoux :
Tour à tour dans mon cœur leur défense m'eft chere,
Si j'aime mon Epoux, je refpecte mon Pere;
Et dans ce trifte état une fanglante loi
Semble en les feparant-les-unir contre moi.
JONATHAS.

Madame, il n'eft pas temps de repandre des larmes,
Songez à prévenir de plus triftes allarmes.
Allons où le devoir vous appelle avec moi,
Ne tardons plus,courons. Mais on vient, c'est le Roy.

SCENE III.

SAUL, JONATHAS, MICHOL, ACHAS, ASSER & ELISE.

SAUL.

Que vois-je ici ? quel foin raffemble ma famille,

Et prefente à mes yeux Jonathas & ma Fille?
(à Aller.) Rentre, ce que je veux confier à ta foi
Ne permet point, Affer, d'autre temoin que toi.
Affer fort.

Mais moi-même je fens que mon tranfport me laiffe
Ah! fortons, & fuyons une indigne foibleffe.

Mon deffein a befoin de toute ma fureur.

MICHOL.

Mon Pere, où courez-vous?

JONATHA S.

Où fuyez-vous, Seigneur
SAUL.

Pourquoi ne puis-je, helas! fuyant plus loin encore,
Derober à vos yeux l'ennui qui me dévore,
Et du Ciel fur moi feul épuifer le courroux

Qu'un noir preffentiment me fait craindre pour vous?
Je crains que fa fureur, par de nouveaux fupplices,
De mes crimes encor ne vous rende complices
Et de tant de grandeurs ne vous laiffe pour fruit,
Le malheur qui m'accable, & la mort qui me fuit.
MICHOL.

Le Ciel fur vous,Seigneur, jette un œil moins fevere.
Quel crime avez-vous fait ? Jadis dans fa colere,
Lui-même il vous dicta les ordres fouverains,
Et voulut châtier Amalec par vos mains.

Sa voix parle. Une aveugle & prompte obéiffance;
De nos Peres trahis entreprend la vengeance.
Le bruit de votre nom déja fert fon courroux,
La victoire & l'effroi marchent loin devant vous ;
Tout l'Orient fe trouble, & malgré tous fes Princes
Un deluge de fang inonde fes Provinces.
Votre main triomphante en arrête le cours,
Ou plûtôt d'Agag feul elle épargne les jours;
Echappé d'une guerre en tant d'horreurs fertile,
A vos genoux, Seigneur, un Roy trouve un azile,
D'un ennemi vaincu vous devenez l'appui,
Eft-ce là le forfait qui vous trouble aujourd'hui ?
SAUL.

Des jugemens d'un Dieu qui peut percer l'abîme?
Cette même clemence à fes yeux eft un crime.
Soit qu'il faille lui plaire, ou fervir fon courroux,
La pitié cruelle exige tout de nous.

Sans ceffe, ou l'inftrument, ou l'objet de fa haine,
Nous n'avons qu'à ce prix la grandeur fouveraine.
Et fi fon bras für nous vient à lancer ses traits,
Alors fes châtimens paffent tous les bienfaits.
Plus heureux dans l'état d'une obfcure naiffance,
J'aurois peut-être encor ma premiere innocence:
Pourquoi venant lui-même au devant de mes pas,
M'offroit-il des grandeurs que je ne cherchois pas?
JONATHA S.

Mais, Seigneur, quels malheurs marquent votre difgrace;

Et depuis quand l'Empire a-t-il changé de face?
Quel eft votre ennemi? Jadis le Philiftin

N'oif oit à votre espoir qu'un triomphe certain:
Pourquoi donc dans ce jour...

SAUL.

Helas! que vous dirai-je ?

Je crains Agag, je crains cette main facrilege, ui jadis au mépris des ordres immortels,

Se hâtà d'allumer le feu fur les Autels.

Je crains dans ma fureur Nobé réduit en cendre, Le fang d'un Peuple faint que l'on a vû répandre. Tant de vœux rebutez, tant d'impuiffans regrets, Nos victimes, le Ciel, nos Prophêtes muets;

Tout m'épouvante, & n'offre à mon ame abbatue, Qu'une foule de maux, dont le moindre me tue. JONATHAS.

Hé bien, de nos deftins, fans hazarder vos jours, Souffrez, Seigneur, que feuls nous poursuivions le

cours;

D'autant plus affurez au combat qui s'apprête,
Que nous ne craindrons point pour votre augufte tête.
Mais avant tout, Seigneur, daignez nous accorder,
Un fecours important que j'ofe demander.
Rappellez un Héros quí chérit votre gloire,
Dont par-tout la prefence entraîne la victoire,
Que de fes envieux la fureur vous ravit;
Que par des noeuds facrez ..

SAUL.

Moy, rappeller David?
Vous voulez qu'en mon fein je recelle un perfide,
Un rebelle, un ingrat, que dis-je ! un parricide?
D'une indigne amitié perdez le fouvenir,

Vous preffez fon retour, craignez de l'obtenir.
Qu'à bon droit aujourd'hui mon courroux implacable
N'impute qu'à lui feul le malheur qui m'accable ;
Mais enfin fans chercher à déffiller vos yeux,
Ne vous fuffit-il pas qu'il me foit odieux ?
Ah! le fang contre vous à peine me raffure:
Et quand vous époufez l'interét d'un parjure,
Puis-je après fes forfaits, & le noeud qui vous joint;
Parmi mes ennemis ne vous confondre point?
MICHOL.

Je ne vous parle plus, Seigneur, comme à mon Pere.
Hélas! ce nom facré ne vous touche plus guére ;,

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