Que vers lui vos difcours m'ont fans peine entraîné, Je connois les malheurs, avec eux je suis né ; Sans un trouble nouveau, je n'ai pû les entendre, Votre prifon, la fienne, & Céfarée en cendre, Sont les premiers objets, font les premiers revers Qui frapérent mes yeux à peine encore ouverts. Je fortois du berceau, ces images fanglantes Dans vos triftes recits me font encor prefentes. Au milieu des Chréciens dans un Temple immolés, Quelques enfans, Seigneur, avec moi raflemblés, Arrachés par des mains de carnage fumantes, Aux bras enfanglantés de nos meres tremblantes, Nous fûmes transportés dans ce Palais des Rois, Dans ce même Sérail, Seigneur, où je vous vois ; Noradin m'éleva près de cette Zaïre,
Qui depuis... pardonnez fi mon coeur en foûpire Qui depuis égarée en ce funefte lieu,
Pour un Maître barbare abandonna fon Dieu.
CHATILLON.
Telle eft des Musulmans la funefte prudence, De leurs Chrétiens captifs, ils féduifent l'enfance; Et je benis le Ciel propice à nos deffeins,
Qui dans vos premiers ans, vous fauva de leurs mains Mais, Seigneur, après tout, cette Zaïre même, Qui renonce aux Chrétiens pour le Soudan qui l'aime De fon crédit au moins nous pourroit secourir ; Qu'importe de quel bras Dieu daigne se servir.
M'en croirez-vous ? le jufte auffi-bien que le fage, Du crime & du malheur fçait tirer avantage ; Vous pouriez de Zaïre emploïer la faveur
A fléchir Orofmane, à toucher fon grand cœur, A nous rendre un Héros, que lui-même a dû plaindre, Que fans doute il admire, & qui n'eft plus à craindre NERES TAN.
Mais ce même Héros, pour brifer fes liens, Voudra-t-il qu'on s'abaisse à ces honteux moyens ? Et quand il le voudroit, eft ik en ma puissance D'obtenir de Zaïre un moment d'audience? Crofez-vous qu'Orofmane y daigne confentir? Le Sérail à ma voix poura-t-il fe rouvrir? Quand je pourois enfin paroître devant elle, Que faut-il efpérer d'une femme infidelle, A qui mon feul afpect doit tenir lieu d'affront, Et qui lira fa honte écrite fur mon front, Seigneur, il eft bien dur, pour un cœur magnanime, D'attendre des fecours de ceux qu'on mésestime; Leur réfus font affreux, leurs bienfaits font rougit CHATILLON,
Songez à Lufignan, fongez à le fervir.
NE'RESTAN.
Eh bien.... Mais quels chemins jusqu'à cette infidelle Pouront....On vient à nous. Que vois-je ? ô Ciel 1c'eft-elle.
SCENE II,
ZA YRE, CHATILLON,
'Eft vous, digne François, à qui je viens parler
Le Soudan le permet, ceffez de vous troubler, Et raffurant mon cœur qui tremble à votre aproche, Chaffez de vos regards la plainte & le reproche; Seigneur, nous nous craignons, nous rougillons tous deux,
Je fouhaite & je crains de rencontrer vos yeux : L'un à l'autre attachés depuis notre naissance Une affreufe prifon renferma notre enfance, Le fort nous accabla du poids des mêmes fers Que la tendre amitié nous tendoit plus legers: me falur depuis gémir de votre absence,
Le Ciel porta vos p pas aux rives de la France: Prifonnier dans Solime, enfin je vous revis, Un entretien plus libre alors m'étoit permis Efclave dans la foule où j'étois confondue, Aux regards du Soudan je vivois inconnuë, Vous daignâtes bien-tôt, foit grandeur, foit pitié,
Soit plutôt digne effet d'une pure amitié, Revoiant des François le glorieux Empire, Y chercher la rançon de la triste Zaïre, Vous l'aportez, le Ciel a trompé vos bienfaits. Loin de vous dans Solime; il m'arrête à jamais, Mais quoique ma fortune ait d'éclat & de charmes, Je ne puis vous quitter fans répandre des larmes, Toujours de vos bontés je vais m'entretenir, Cherir de vos vertus le tendre fouvenir, Comme vous des humains foulager la mifere, Protéger les Chrétiens, leur tenir lieu de mere, Vous me les rendez chers, & ces infortunés... NEREST AN
Vous, les protéger! vous, qui les abandonnez, Vous, qui des Lufignans foulant aux pieds la cendre... ZA YR E.
Je la viens honorer, Seigneur, je viens vous rendre.. Le dernier de ce fang, votre amour, votre espoir: Qui, Lufignan eft libre, & vous l'allez revoir.
CHATILLO Nas
O Ciel! nous reverrions notre apui, notre pere !
Les Chrétiens vous dévroient une tête fi chere
J'avois fans efpérance ofé la demander
Le génereux Soudan veut bien nous l'accorder, A On l'améne en ces lieux.
Mes larmes, malgré moi, me dérobent sa vuë, Ainfi que ce vieiliard, j'ai langui dans les fers; Qui ne fçait compatir aux maux qu'on a soufferts? NE RESTA N.
Grand Dieu ! que de vertu dans une ame infidelle!
ZAYRE, LUSIGNAN,
CHATILLON, NERESTAN.'
Plufieurs Efclaves Chrétiens,
LUSIGN AN.
U féjour du trépas, quelle voix me rapelle? Suis-je avec des Chrétiens ? guidez mes pas
Mes maux m'ont affoibli plus encor que mes ans. En s'affeiant. Suis-je libre en effet ?
Qui, Seigneur, Oui, vous l'êtes,
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