ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

ZA Y&R E.

Jamais de fon apui je n'eus tant de befoin.
FATIM E.

fille:

Si vous ne voïez plus votre augufte famille,
Le Dieu que vous fervez vous adopte pour
Vous êtes dans fes bras, il parle à votre cœur,
Et quand ce faint Pontife, organe du Seigneur,
Ne pourroit aborder dans ce Palais profane....
ZAYRE.

Ah ! j'ai porté la mort dans le fein d'Orofmane.
J'ai pû defefperer le cœur de mon Amant.

Quel outrage, Fatime, & quel affreux moment!
Mon Dieu, vous l'ordonnez, jeuffe été trop heureuse

FATIME.

Quoi! vous regretteriez cette chaine honteuse?
Hazarder la victoire, ayant tant combatu.

ZAYRE.

Victoire infortunée ! inhumaine vertu !
Non, tu ne connois pas ce que je facrifie.
Cet amour fi puiffant, ce charme de ma vie,
Dont j'efpérois, hélas ! tant de félicité,
Dans toute fon ardeur n'avoit point éclaté,
Fatime, j'offre à Dieu mes bleffares cruelles,
Je mouille devant lui de larmes criminelles
Ces lieux, où tu m'as dit qu'il choisit fon féjour :
Je lui crie en plurant, ôte-moi mon amour,
Arrache-moi mes vocux, remplis-moi de toi-même.

Mais, Fatime, à l'inftant les traits de ce que j'aime,
Ces traits chers & charmans que toujours je revoi,
Se montrent dans mon ame entre le Ciel & moi.
Eh bien, race des Rois, dont le Ciel-me fit naître,
Pere, Mere, Chrétiens, vous, mon Dieu, vous, mon
Maître,

Vous, qui de mon Amant me privez aujourd'hui,
Terminez donc mes jours qui ne font plus pour lui.
Que j'expire innocente, & qu'une main fi chere,
De ces yeux qu'il aimoit ferme au moins la paupiere.
Ah! que fait Orofmane; Il ne s'informe pas
Si j'attends loin de lui la vie ou le trépas:
Il me fuit, il me laiffe, & je n'y peux survivre.
FATIME.

Quoi vous! Fille des Rois que vous prétendez fuivre!
Vous dans les bras d'un Dieu, votre éternel apui?....
ZAYRE.

Eh! pourquoi mon amant n'eft-il pas né pour lui?
Orosmane est-il fait pour être la victime?

Dieu pouroit-il hair un coeur fi magnanime?
Généreux, bien-faifant, jufte, plein de vertus ;
S'il étoit né Chrétien, que feroit-il de plus ?
Et plût à Dieu du moins que ce faint Interpréte,
Ce Miniftre facré que mon ame fouhaite,
Du trouble où tu me vois vint bien-tôt me tirer,
Je ne fçai; mais enfin, j'ofe encore efperer

Que ce Dieu, dont cent fois on m'a peint la clémence ›
Ne réprouveroit point une telle alliance :
Peut-être de Zaïre en fecret adoré,

Il pardonne aux combats de ce cœur déchiré :
Peut-être en me laissant au Trône de Sirie,
Il foutiendroit par moi les Chétiens de l'Afie.
Fatime, tu le fçais, ce puiffant Saladin,
Qui ravit à mon fang l'Empire du Jourdain,
Qui fit comme Orosmane admirer la clémence;
Au fein d'une Chrétienne il avoit pris naiffances
FATIM E.

Que faites-vous, Madame? Eh! ne voyez-vous pas?....
ZA Y RE

Oui, je vois tout, je meurs, & ne m'aveugle pas,
Je vois que mon païs, mon fang, tout me condamne,
Que je fuis Lufignan, que j'adore Orosmane:
Que mes vœux, que mes jours à ses jours font liés,
Je voudrois quelquefois me jetter à fes pieds;

De tout ce que je fuis faire un aveu fincére.

FATIM E.

Songez que cet aveu peut perdre votre frere,
Expose les Chrétiens qui n'ont que vous d'apui,
Et va trahir le Dieu qui vous rapelle à lui.

ZAYRE.

Ah! fi tu connoiffois le grand coeur d'Orofmane!

FATIM E.

Il est le protecteur de la loi Mufulmane,

Et plus il vous adore ; & moins il doit fouffrir
Qu'on vous ofe annoncer un Dieu qu'il doit hair.
Le Pontife à vos yeux cette nuit doit fe rendre,

Et vous avez promis.

ZA Y RE.

Eh bien, il fait l'attendre.

J'ai promis, j'ai juré de garder ce fecret:
Hélas! qu'à mon Amant je le tais à regret,
Et pour comble d'horreur je ne fuis plus aimée.

SCENE II.

OROSMANE, ZAYRE.

OROSMANE

Madame, il fut un tems où mon ame charmée,

Ecoutant fans rougir des fentimens trop chers,

Se fit une vertu de languit dans vos fers.

Je croïois être aimé, Madame ; & votre Maître
Soupirant à vos pieds, devoit s'attendre à l'être :
Vous ne m'entendrez point Amant foible & jaloux,
En reproches honteux éclater contre vous.
Cruellement bleffé, mais trop fier pour me plaindre,
Trop généreux, trop grand pour m'abaisser à feindre,
Je viens vous déclarer que le plus froid mépris

De vos caprices vains fera le digne prix ?

Ne vous préparez point à tromper ma tendresse,
A chercher des raifons, dont la flateuse adresse
A mes yeux éblouis colorant vos refus,

[ocr errors]

Vous ramène un Amant, qui ne vous connoît plus,
Et qui craignant fur tout qu'à rougir on l'expofe,
D'un refus outrageant veut ignorer la cause,
Madame, c'en eft fait, une autre va monter

Au

rang que mon amour vous daignoit presenter, Une autre aura des yeux, & va du moins connoître De quel prix mon amour, & ma main devoient être : Il poura m'en couter, mais mon cœur s'y réfout, Aprenez qu'Orofmane eft capable de tout,

Que j'aime mieux vous perdre. & loin de votre vue
Mourir defefpéré de vous avoir perdue,

Que de vous poffeder, s'il faut qu'à votre foi
Il en coute un foupir qui ne foit pas pour moi :
Allez, mes yeux jamais ne reverront vos charmes.
ZAYRE.

Tu m'as donc tout ravi, Dieu, témoin de mes larmes?
Tu veux commander feul à mes fens éperdus....
Eh bien, puisqu'il eft vrai que vous ne m'aimez plus,
Seigneur....

OR OSMANE.

11 eft trop vrai que l'honneur me l'ordonne, Que je vous adotai, que je vous abandonne, Que je renonce à vous, que vous le defirez,

Que

« ÀÌÀü°è¼Ó »