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Votre cœur par un Maître attaqué chaque jour,
Vaincu par mes bienfaits, crut l'être par l'amour
Dans votre ame, avec vous il eft tems que je life,
Il faut que fes replis s'ouvrent à ma franchise,
Jugez vous: répondez avec la vérité
Que vous devez au moins à ma fincérité.
Si de quelqu'autre amour l'invincible puissance
L'emporte fur mes foins, ou même les balance,
Il faut me l'avouer, & dans ce même instant,
Ta grace est dans mon cœur, prononce,
elle t'attend
Sacrifie à ma foi l'infolent qui t'adore,
Songe que je te vois, que je te parle encore,
Que ma foudre à ta voix poura fe détourner,
Que c'eft le feul moment où je peux pardonnet.
ZAYRE.

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Vous, Seigneur! vous ofez me tenir ce langage?
Vous, cruel ?... aprenez, que ce coeur qu'on outrage,
Et que par tant d'horreurs le Ciel veut éprouver,
S'il ne vous aimoit pas, eft né pour vous braver :
Je ne crains rien ici que ma funeste flâme
N'imputez qu'à ce feu qui brule encor mon ame,
N'imputez qu'à l'amour que je dois oublier,
La honte où je defcends de me juftifier.
J'ignore fi le Ciel qui m'a toujours trahie,
A destiné pour vous ma malheureuse vie,
Quoiqu'il puiffe arriver, je jure par l'honneur
Qui,non moins que l'amour eft gravé dans mon cœur,

Je jure que Zaire à foi-même renduë,
Des Rois les plus puiffans détesteroit la vue;
Que tout autre, après vous, me feroit odieux;
Voulez-vous plus fçavoir, & me connoître mieux ?
Youlez-vous que ce cœur a l'amertume en proie,
Ce cœur defefpéré devant vous fe déploie?
Sçachez donc qu'en fecret il penfoit malgré lui,
Tout ce que devant vous il déclare aujourd'hui,
Qu'il foupiroit pour vous, avant que vos tendreffes,
Vinflent juftifier mes naillantes foibleffes,
Qu'il prévint vos bienfaits, qu'il bruloit à vos pieds,
Qu'il vous aimoit enfin lorsque vous m'ignoriez,
Qu'il n'eut jamais que vous, n'aura que vous pour
Maître :

J'en attefte le Ciel, que j'offenfe peut-être :

Et fi j'ai mérité fon éternel courroux,

Simon cœur fut coupable, ingrat, c'étoit pour vous. OROSMAN E.

Quoi ? des plus tendres feux fa bouche encore m'af fure!

Quel excès de noirceur ! Zaïre!... ah, la parjure! Quand de fa trahison j'ai la preuve en ma main !

ZAYRE,

Que dites-vous ? quel trouble agite votre sein a

OROSMANE.

Je ne fuis point troublé. Vous m'aimez ¿

ZAYRE.

Votre bouche

Peut-elle me parler avec ce ton farouche ?
D'un feu fi tendrement déclaré chaque jour,
Vous me glacez de crainte, en me parlant d'amour.
OROSMAN E.

Vous m'aimez ?

ZA YR E.

Vous pouvez douter de ma tendresse ?

Mais encore une fois, quelle fureur vous preffè;
Quels regards effraïans vous me lancez ? hélas !
Vous doutez de mon cœur ?

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A Mi, fa perfidie

Au comble de l'horreur ne s'eft pas démentie,
Tranquile dans le crime, & faufse avec douceur,
Elle a jufques au bout foutenu fa noirceur.

As-tu trouvé l'Esclave? as-tu servi ma rage?

Connoftrai-je à la fois fon crime & mon outrage?
CORASMIN.

Oui, je viens d'obéir; mais vous ne pouvez pas,
Soupirer deformais pous ses traîtres appas :
Vous la verrez fans doute avec indifference,
Sans que le repentir fuccéde à la vangeance,
Sans que l'amour fir vous en repouffe les traits.

OROSMAN E.

Corafmin, je l'adore encor plus que jamais.

CORASMIN.

Vous ? ô Ciel ! Vous ?

OROSMANE.

Je vois un raïon d'efperance.

Cet odieux Chrétien, l'éleve de la France,
Eft jeune, impatient, leger, présomptueux,
Il peut croire aisément fes teméraires vœux,
Son amour indifcret, & plein de confiance
Aura de fes foupirs hazardé l'insolence
Un regard de Zaïre aura pu l'aveugler,
Sans doute il eft aifé de s'en laiffer troubler :

Il croit qu'il eft aimé : c'eft lui feul qui m'offenfe.
Peut-être ils ne font point tous deux d'intelligence:
Zaïre n'a point vû ce billet criminel,

Et j'en croïois trop-tôt mon déplaifir mortel. Corafinin, écoutez... Dès que la nuit plus fombre Aux crimes des Mortels viendra prêter fon ombre,

Si-tôt que ce Chrétien, chargé de mes bienfaits,
Nérestan, paroîtra fous les murs du Palais,
Aïcz foin qu'à l'inftant la Garde le faififfe,
Qu'on prépare pour lui le plus honteux fuplice,
Et que chargé de fers il me foit presenté.
Laiffez, fur tout, laiffez Zaïre en liberté.

Tu vois mon cœur, tu vois à quel excès je l'aime,
Ma fureur eft plus grande, & j'en tremble moi-même,
J'ai honte des douleurs où je me fuis plongé,
Mais malheur aux ingrats qui m'auront outragé.

Fin du quatriéme A&e.

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