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«Le poète dramatique est peintre universel. Le manteau royal et l'habit de bure sont indifférents à son pinceau. Il ne s'arrête point à une décoration extérieure, ouvrage du hasard ou du moment. Après avoir soulevé la première superficie, il verra les mêmes affections régir le monarque et le pâtre.

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Cette Brouette du vinaigrier est la glorification du travail et de l'épargne dans la personne du vieux Dominique. Elle devient la poule aux œufs d'or qui sauve l'honneur du négociant ruiné, M. Delomer, et assure le bonheur des jeunes gens séparés par la naissance et rapprochés par l'amour, que vient fort à propos soutenir l'argent du bonhomme.

L'histoire occupe une place importante dans le théâtre de Mercier. Sans parler de Childéric Ier et de ses amours avec Basine, vieille légende historique et romanesque racontée par tous nos chroniqueurs, nous signalerons Jean Hennuyer, drame emprunté à l'époque de Charles IX, précédant et préparant le Charles IX de Marie-Joseph Chénier, ce triomphe de la muse révolutionnaire en 1789. Jean Hennuyer. évêque de Lisieux, nous offre l'exemple d'un prélat catholique honnête homme refusant de s'associer aux horreurs de la Saint-Barthélemy. On peut y joindre une autre pièce historique plus décisive encore, la Destruction de la Ligue ou la Réduction de Paris, drame national en quatre actes et en prose, où l'auteur essaye de faire revivre les scènes du temps passé pour l'instruction du temps présent. Nous y voyons figurer Henri IV, Sully, Biron, Montmorency, Bussy-Leclerc, Louchard et les curés ligueurs Lincestre et Aubry. Les réflexions préliminaires exposées dans la préface offrent peut-être plus d'intérêt que la pièce elle-même.

L'auteur y témoigne ses regrets sur cette ligue fameuse << qui pouvait régénérer l'État et ne fit que le troubler, qui fut d'abord instituée par les plus sages motifs et dégénéra par le fanatisme des prêtres ». Une chose a frappé Mercier : la stérilité de ces guerres civiles qui, en Angleterre, en Suisse, en Hollande, ont enfanté la liberté et qui, chez nous, aboutissent au despotisme de Richelieu et de Louis XIV. « Ces fameux États de Blois devant lesquels s'anéantit la majesté royale... perdirent le temps à de déplorables disputes. Au lieu de défendre les droits du peuple, ils s'occupèrent de la transsubstantiation et du concile de Trente. La nation lui semble avoir manqué de prévoyance en négligeant de faire ses conditions au nouveau roi. «< Il eût alors accepté bien volontiers toutes les conditions qu'on lui eût imposées. Il avait de l'héroïsme; il eût commandé avec joie à une nation libre; elle pouvait, en lui mettant la couronne sur la tête, lui dicter un contrat généreux qu'il eût signé avec noblesse. Mais que lui enjoignit-on? Ce qui était le plus indifférent pour le gouvernement d'un État, de se faire catholique et d'entendre tous les jours la messe. » Le mot d'ordre partait, cette fois encore, du Vatican, et c'était là qu'on allait chercher la paix. La question n'était pas aussi indifférente pour les hommes d'alors que semble le croire Mercier. L'acharnement des Ligueurs lui paraît non moins insensé que celui des Conventionnels déclarant plus tard la guerre à outrance contre l'Europe entière. « Avez-vous fait un pacte avec la victoire? leur demandera Mercier. Non, répliquera Bazire, nous en avons fait un avec la mort. » Malgré sa conclusion toute monarchique et le cri de Vive Henri IV! qui la termine, cette pièce, publiée en

1782, parut séditieuse et fut interdite. L'auteur s'était alors prudemment retiré à Neufchâtel, où il relisait son Tableau de Paris.

Bien que ses œuvres dramatiques soient antérieures à la Révolution, elles ne s'en rattachent pas moins à ce grand mouvement, qu'elles préparent et qu'elles annoncent. Par son théâtre comme par son rêve apocalyptique de l'An 2440, Mercier est un des prophètes et des précurseurs de l'âge nouveau, sans trop savoir d'abord où il va. Comme Guillaume Postel, comme Georges Spifame au seizième siècle, c'est un de ces hallucinés qui lisent dans l'avenir des signes fatidiques dont ils ne comprennent pas eux-mêmes tout le sens, mais que les événements se chargent d'expliquer et de justifier un jour.

CHAPITRE XXX

LA COMÉDIE POLITIQUE ET SOCIALE AU TEMPS
DE LA RÉVOLUTION.

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Beaumarchais et Fabre d'Églantine avaient offert déjà l'exemple et l'avant-goût de la comédie politique associée à la comédie d'intrigue, de mœurs et de caractères. Mercier lui avait fait aussi sa part dans le drame bourgeois et historique. Tandis que Collin d'Harleville et Andrieux reprennent paisiblement la route frayée par leurs devanciers, d'autres esprits, aventureux, téméraires et passionnés, transportent sur la scène les idées de révolution qui travaillent alors toutes les têtes. Le théâtre, dont l'action a été si puissante dès le commencement du siècle avec Voltaire, va devenir plus que jamais un foyer d'agitation, un forum et un champ de bataille où se rencontrent les partis opposés. Là retentissent les contre-coups de la vie politique et les appels à l'opinion. La question du théâtre est portée devant l'Assemblée nationale par La Harpe. Auteurs et acteurs sont entraînés dans le courant des

luttes et des passions contemporaines : Dugazon compose des drames politiques, Talma rédige des manifestes. L'art, en cessant d'être l'objet d'un culte désintéressé pour devenir un instrument de combat, court risque de n'enfanter que des œuvres éphémères comme les passions qui l'inspirent. C'est là précisément le grand écueil pour la comédie politique, réduite le plus souvent à n'être qu'un pamphlet, une pièce de circonstance et de parti.

On a cité, il est vrai, l'exemple d'Aristophane transportant sur le théâtre les scènes de l'Agora, la parodie des tribunaux et des assemblées populaires; traitant toutes les questions du jour, celles de la guerre et de la paix aussi bien que les disputes philosophiques et littéraires; bafouant Socrate, raillant Euripide, livrant Cléon ou Lamachus aux risées de la foule et plaidant la cause des généraux vaincus au combat des Arginuses. La parabase reste comme un droit d'appel au peuple réservé à la comédie. Mais, il faut le dire, le théâtre athénien, issu d'une démocratie, est unique dans son genre, comme aussi Aristophane est le seul qui ait su associer les plus nobles inspirations de l'art, les accents du lyrisme le plus élevé aux bouffonneries de l'orgie bachique et aux passions dont il était le peintre et l'interprète. Chez lui, le pamphlétaire et l'homme de parti sont subordonnés au poète, qui domine tout. Il a le don de créer, d'idéaliser, de transformer les personnages vivants et contemporains qu'il met en scène. On se rappelle dans les Oiseaux, les Grenouilles, les Guêpes, les Nuées, la Paix, les Acharniens, ce prodigieux mélange du fantastique et du réel, de l'allégorie et de l'histoire. Aristophane voit et peint les démagogues, les généraux, les orateurs, les poètes

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