페이지 이미지
PDF
ePub

CHAPITRE XXXI

LA COMÉDIE POLITIQUE ET SOCIALE AU TEMPS
DE LA RÉVOLUTION (fin).

--

Pièces jacobines: Le Jugement dernier des rois. La Journée du Vatican ou le Mariage du Pape. La Papesse Jeanne. L'Époux républicain. - Pièces thermidoriennes : Le Bon Fermier. — L'Intérieur des Comités révolutionnaires. Le Souper des Jacobins. Le Directoire : Madame Angot.

-

Le 18 Brumaire, vaudevilles réactionnaires : Une Journée de Saint-Cloud ou la Pêche aux Jacobins, etc. Nouvelles destinées de la comédie.

L'Ami des lois était un dernier effort du parti constitutionnel et modéré, bientôt proscrit avec les Girondins. Les Jacobins, maîtres du théâtre comme de tout le reste, y apportent leurs violences et leurs saturnales dramatiques, qui ne sont pas toujours à l'honneur de la langue et de l'esprit français. On voit là un phénomène curieux de la colère éclipsant l'intelligence et conduisant le public, les auteurs et les acteurs à l'abêtissement. Le chef-d'œuvre du genre est le Jugement dernier des rois, par Sylvain Maréchal, l'auteur du Dictionnaire des Athées, mort bibliothécaire à la Mazarine. Cette pièce, représentée sur le théâtre de la République le 18 octobre 1793, est une pochade burlesque et sauvage, digne de

Guignol pour la composition, et du père Duchesne pour le style. Tous les rois de l'Europe, y compris le Pape et la Czarine, transportés dans une île déserte, et chargés de chaines sous la garde de bons sansculottes, se disputent les morceaux de pain ou de biscuit qu'on leur jette par grâce, s'injurient, se menacent, se reprochent leurs crimes et leurs infamies; l'Impératrice et le Pape finissent par se battre, l'une avec son sceptre, l'autre avec sa croix. A la fin, un volcan s'ouvre et engloutit tous les despotes dans les entrailles de la terre. Ce beau divertissement est offert aux patriotes français comme une revanche des humiliations passées. L'auteur a pris pour devise ce vers de Gresset en le parodiant à sa façon :

Les rois sont ici-bas pour nos menus plaisirs.

Il ajoute dans sa préface:

Citoyens, rappelez-vous donc comment, au temps passé, sur tous les théâtres, on avilissait, on dégradait, on ridiculisait indignement les classes les plus respectables du peuple souverain, pour faire rire les rois et leurs valets de cour. J'ai pensé qu'il était bien temps de leur rendre la pareille, et de nous en amuser à notre tour. Assez de fois ces messieurs ont eu les rieurs de leur côté, j'ai pensé que c'était le moment de les livrer à la risée publique; voilà les motifs des endroits un peu chargés du Jugement dernier des rois.

Aux plaisanteries cyniques sur la mort de Louis XVI s'ajoutent de basses flagorneries à l'adresse de ce nouveau souverain qui s'appelle le peuple.

Le citoyen Sylvain oublie seulement une chose, c'est que lorsqu'on a l'honneur de s'adresser à un public français, nourri de la sève comique de Molière. de Regnard, de Le Sage, de Marivaux, de Beaumar

chais, lorsqu'on a la prétention de le faire rire, il faut lui offrir autre chose que les platitudes et les grossièretés idiotes par lesquelles on a chance, non de l'instruire, mais de l'avilir et de le dégrader. Et cependant, telle est la force de l'entraînement et de l'esprit de parti, que cette misérable rapsodie était applaudie avec fureur sur la même scène où l'on applaudissait jadis le Cid et le Misanthrope. Il est vrai que, pour éviter toute comparaison fâcheuse, les pièces de Molière étaient interdites, comme suspectes d'ancien régime, par certains patriotes impitoyables. Loubon s'exprimait ainsi à Cambrai :

Le théâtre, au lieu d'être un foyer brûlant de patriotisme et l'école des vertus, paraît plongé dans l'obscénité et l'insignifiance des pièces de l'ancien régime. Au moment où tout doit embraser les citoyens pour l'amour de la liberté, on les appelle à la représentation des Fourberies de Scapin. Cela n'arrivera plus.

Pour remplacer ces vieilleries de Molière, on offre au public des nouveautés comme la Journée du Vatican ou le Mariage du Pape, comédie-parade en trois actes, jouée en 1793 sur le théâtre Louvois. Le Pape accepte la Constitution française et se marie avec MTMo de Polignac; il exécute avec elle un fandango et chante :

Perdre en un jour la papauté,
Le droit d'infaillibilité;

Vraiment cela désole.

Mais régner, par la liberté,

Sur les Romains, sur la beauté;

C'est ce qui me console.

La Papesse Jeanne, cette vieille histoire exploitée jadis par les protestants, est reprise par les Jacobins.

Elle supprime les deux tiers des impôts, et fait prendre la même somme sur les biens des cardinaux. Puis elle ajoute :

Le célibat, du vice est la source infinie;

Je veux que désormais le clergé se marie.

Et elle donne l'exemple en épousant Florello. L'Époux républicain, de Pompigny, représenté vers la fin de 1793, nous offre l'édifiant spectacle d'un mari patriote dénonçant sa femme comme aristocrate, devant le tribunal révolutionnaire, qui envoie celle-ci à la guillotine procédé plus simple encore que le divorce, pour se débarrasser d'une moitié incommode, et mériter en même temps les honneurs du civisme. L'auteur, appelé et acclamé par le public, se présenta sur la scène en carmagnole, coiffé du bonnet rouge; et d'un ton pénétré :

Citoyens, dit-il, je n'ai pas eu de mérite en traçant ce petit tableau patriotique; quand le cœur conduit la plume, on fait toujours bien; et je suis sûr qu'il n'y a pas dans la salle un mari qui ne soit prêt à faire comme mon époux républicain 1.

Le trait est vraiment curieux, et plus amusant que la représentation elle-même.

Dans une autre comédie du temps, le Modéré de Dugazon, nous voyons un domestique venant dénoncer son maître comme suspect de tiédeur républicaine. Le tribunal révolutionnaire ordonne la saisie des biens de Modérantin, et nomme le vertueux domestique gardien des scellés. Toutes les passions brutales du jour sont justifiées et applaudies par un public en

1. Th. Muret, l'Histoire par le théâtre, t. I.

démence. Le Modérantisme est avant tout la bête noire dont on se défie. C'est ainsi que la Paméla de François de Neufchâteau, innocent drame, imité du roman de Richardson, attire les sévérités de la censure républicaine par ces deux vers:

Ah! les persécuteurs sont les seuls condamnables,
Et les plus tolérants sont les plus raisonnables.

La tolérance, si longtemps réclamée par Bayle et Voltaire au nom de l'esprit philosophique, est devenue chose compromettante. Le lendemain de la représentation, la troupe de la Comédie-Française, ayant à sa tète Fleury et Mile Contat, était conduite à la Conciergerie, en attendant mieux ou pis. Collot d'Herbois, l'ancien cabotin sifflé, s'était écrié : « La tête de la ComédieFrançaise sera guillotinée, et le reste déporté ». Le 9 Thermidor vint fort à propos démentir cette sinistre prédiction.

Pour être juste, il faut avouer que la réaction thermidorienne, si elle fut moins brutale, ne se montra guère moins violente ni moins passionnée, dans son genre, que ne l'avait été la terreur jacobine. Cependant un nouveau sentiment se fait jour, celui de la pitié pour les victimes. Le Conciliateur ou l'Homme aimable, par Demoustier, œuvre assez fade et maniérée comme l'esprit et le style de l'auteur, était déjà un premier appel au retour de la clémence. Le Bon Fermier, par de Ségur jeune, est encore un plaidoyer dans le même sens. Après les infâmes bravos accordés à la délation érigée en vertu civique, on célèbre maintenant la fidélité et le dévouement. « Un fermier, dont le propriétaire est mort sur l'échafaud, s'est rendu acquéreur des biens du condamné, pour les remettre aux enfants

« 이전계속 »