페이지 이미지
PDF
ePub
[graphic][ocr errors][merged small][ocr errors]

d'ornemens. Dans cette partie de l'édifice, on aperçoit des tombeaux et des inscriptions sépulcrales. Il y a un caveau dont l'ouverture est fermée: on y ensevelissait les membres du chapitre. Les comtes de Comminges n'y étaient point déposés; ils faisaient porter leurs dépouilles mortelles dans l'église de Bonnefond. Il n'y a qu'un seul tombeau de chevalier; aucune inscription ne paraît sur ce mausolée. L'écusson, gravé sur la cotte d'armes du guerrier dont la statue orne le monument, annonce qu'il n'appartenait pas à la famille des comtes.

Le cloître était autrefois recouvert, et l'on y voyait trois salles magnifiques, ornées de sculptures remarquables. Le peu de ressources de l'église, et la crainte mal entendue de ne pouvoir entretenir cette partie du monument, furent cause d'un acte de destruction.

Dans l'un des murs du cloître, on a pratiqué deux ouvertures. La vue plonge dans un vallon charmant, et y découvre un paysage des plus gracieux. En face, est une vaste prairie entre deux monticules verdoyans,

et couverts de grands chênes. Un charmant petit ruisseau la sillonne. Sur la droite, dans l'éloignement, le mont Saccon élève sa tête couverte de verdure, et souvent blanchie par des neiges éclatantes; vers la gauche, le pic du Gard, voisin de la grande chaîne des Pyrénées, montre sa tête grisâtre et desséchée, et contraste avec la verdure du sol et l'azur des cieux. Du cloître, ma vue n'embrassait qu'un des côtés de Saint-Bertrand; mais la tour était derrière moi, haute comme un phare; j'y montai: un escalier de marbre me conduisit au haut péniblement; mais, que je me trouvai dédommagé de ma légère fatigue par le spectacle qui s'offrit à mes regards! Je planais sur un vallon vaste et délicieux; les monts voisins paraissaient à mes pieds. Une plaine riante, entrecoupée de vergers et parsemée de vignes, entoure Saint-Bertrand. Ce vallon se termine par de charmans côteaux, qui se dessinent comme une couronne. Au milieu du vallon, la Garonne roule ses ondes pures, et serpente en formant mille contours; on dirait qu'elle quitte avec re

gret cette contrée qu'elle embellit tant, et qu'elle rend si fraîche de verdure. De tous les côtés, la riante vallée offre au voyageur l'image de la vie et de la fertilité; mais s'il retourne sa vue sur l'édifice où il est placé, les colonnes de ce cloître antique, qu'il aperçoit du haut de la tour, ces figures mutilées qui ornent les chapiteaux, les débris qui couvrent le sol, les rues désertes et tristement parées d'herbes sauvages; tout se réunit pour lui rappeler la destinée des choses de ce monde, et multiplier devant lui les images de la destruction et de la mort. Oh! que ces pensées pénétrèrent mon âme, et me firent mal! Ma tête s'appesantit entre mes mains; tout était muet autour de moi; le silence n'était troublé que par le cri perçant de la crécerelle, qui fendait la nue, et qui a établi sa demeure dans la voûte du temple; la nuit, le hibou et la fressaie poussent là aussi des cris lugubres et plaintifs, et semblent préluder un dernier chant de mort; mais, seule, la demeure du saint triomphe encore du temps, cet implacable ennemi des monumens des

hommes. >>

Vers le commencement du 1x siècle, Saint-Bertrand-de-Comminges avait ses comtes particuliers; on trouve, dans l'histoire, les noms de ses petits seigneurs entourés de quelque éclat. A l'époque de la fatale guerre contre les Albigeois, les comtes de Comminges combattirent vaillamment, pour le maintien de l'indépendance méridionale, sous les drapeaux des comtes de Toulouse, dont ils étaient les vassaux. Les auteurs de l'Histoire générale du Languedoc en ont donné la généalogie dans les notes du deuxième volume, page 582. La maison de Comminges a donné à la France d'intrépides guerriers; à l'Eglise, des cardinaux et des archevêques. Le comté de Comminges était d'une très grande étendue; il contenait deux cent quatre-vingt-dix-huit villes ou villages, ou neuf châtellenies. Cette série héréditaire de puissans seigneurs se prolongea jusqu'à Marguerite de Comminges, qui vivait dans le xive siècle. L'histoire des malheurs de cette princesse est trop romanesque pour trouver place dans cette notice purement historique; qu'il nous suffise de dire qu'en elle s'éteignit la gloire de sa race; il y a eu en France, depuis cette époque, plusieurs familles qui ont porté le nom de Comminges, sans en posséder ni les titres ni la puissance.

Les annales de Saint-Bertrand de Comminges renferment peu de faits qui lui soient particuliers pendant la longue période du moyen âge. Cependant, en 1305, les habitans de Valcabrère et de la vallée de Barousse refusèrent de reconnaître l'autorité du chapitre titufaire, attaquèrent Saint-Bertrand, qui fut surpris sans défense. La ville haute eut à peine le temps de fermer Jes portes; mais les faubourgs, et toutes les habitations qui avoisinent la ville, assaillis par les révoltés, furent livrés aux flammes. Les foudres de l'excommunication frapperent les coupables, qui se repentirent et obtinrent leur pardon de la clémence du Saint-Siége.

Les guerres des huguenots furent autrement funestes à Saint-Bertrand-de-Comminges. Le capitaine Sus, qui était au service de Jeanne d'Albret, reine de Navarre, tenait garnison-dans son manoir de Mauvezin; il forma le projet de s'emparer de Saint-Bertrand, pour piller sa cathédrale très riche en vases sacrés.

[ocr errors]

Nous empruntons le récit de cet événement aux Souvenirs historiques de M. Maurette.

<«< Sus songeait au moyen de se rendre maître de SaintBertrand. I considérait depuis long-temps, d'un œil jaloux, toutes les richesses dont l'église et le chapitre jouissaient paisiblement; mais la ville était forte. Sus désespérait de pouvoir s'en emparer par la force des armes, s'il en formait le siége; il crut que, pour réussir dans son dessein, et pénétrer dans l'intérieur des remparts, il devait avoir recours à la ruse. Il profita d'une nuit obscure pour faire avancer silencieusement ses archers; il en cacha une partie dans les bois touffus dont la ville est entourée; il les instruisit de son projet d'attaque, et surtout il leur recommanda de ne s'élancer que lorsqu'il en donnerait le signal.

« Le jour paraissait à peine. Sus se présenta à la porte, et fit menace de vouloir livrer un assaut. La sentinelle poussa le cri d'alarme : tous les hommes d'armes de la ville se présentèrent à l'instant pour repousser l'ennemi. Ils remarquèrent Sus, et le virent entouré de peu de soldats; ils espérèrent le punir de sa témérité; dans leur ardeur, ils franchissent les portes, et se mettent à sa poursuite. Sus, feignant de ne pouvoir résister, recule à grands pas; les hommes d'armes de la ville redoublerent d'ardeur; dans leur transport, ils disaient qu'il fallait punir cet imprudent aventurier; venger les malheureux qui étaient tombés sous sa main criminelle, et lui faire expier, par la mort, tous ses forfaits.

» Les hommes d'armes étaient loin des remparts; le moment était venu pour Sus, il fait donner le signal à ses archers placés en embuscade. Aussitôt quelquesuns cherchèrent à se rendre maîtres des portes; les autres attaquèrent leurs ennemis sur les derrières. Sus avait cessé de fuir, et frappait de front ses adversaires. » Les hommes d'armes, surpris de tout côté, ne purent, malgré leur courage et leurs efforts, résister qu'un instant. Il en fut fait un grand carnage. Ceux qui purent échapper cherchèrent à qui purent échapper cherchèrent à regagner les portes; mais ils les trouvèrent au pouvoir des archers de Sus, qui les repoussèrent avec vigueur.

>>> Sus et ses satellites poussèrent des cris de joie. Ils firent ensuite leur entrée dans la ville, tenant, dans leurs mains, les glaives ensanglantés; ils chantèrent long-temps des chants de victoire. Les habitans, renfermés dans leur demeure, se livraient à la douleur et au désespoir.

>> Sus fit un butin immense; il fit peser, sur les habitans, une forte contribution, et il s'empara de la corne de licorne, qui était alors estimée d'un prix extraordinaire. Quelques jours après, il se retira avec ses archers à Mauvezin, pour jouir des fruits de ses déprédations, et attendre quelque nouvelle occasion pour reprendre les armes.

» Daubigné raconte que Sus avait pris les armes et attaqué Saint-Bertrand, pour se venger d'une injure reçue; mais son récit est suspect, parce que, protestant, il soutient les partisans de sa doctrine. Ce fait d'armes eut lieu en l'année 1584.

>> En 1589, les huguenots se rendirent encore maîtres de Saint-Bertrand. Ce fut à cette époque que cette ville malheureuse eut à essuyer le plus de maux, depuis son rétablissement.

>>> Les religionnaires avaient formé le siége de la ville. >> Depuis plusieurs jours, leurs efforts étaient impuissans; ni les machines, ni les pétards, n'avaient pu produire aucun effet. Les assiégés, qui n'avaient point encore oublié les mauvais traitemens dont Sus les avait accablés, résistaient avec un grand courage. Les femmes même cherchaient, par leurs paroles et leurs exemples, à les exciter à une vigoureuse résistance.

» Ne pouvant rien par la force des armes, les sectaires cherchèrent à employer des moyens de corruption. Quelques mauvais catholiques, lâches et traîtres, écoutèrent leurs propositions, et la ville fut livrée. Les calvinistes exercèrent de grandes cruautés. Plusieurs clercs et plusieurs laïques furent massacrés. On rapporte qu'une femme, ne pouvant supporter la torture, que lui faisaient endurer les soldats huguenots, leur découvrit l'endroit où l'on avait caché, dans le cloître, les reliques, l'argenterie et les archives. Ils s'emparèrent de l'argenterie, mais ils brulèrent les reliques et les archives qui contenaient des manuscrits précieux. Presque rien pe put être soustrait à ces hommes livrés à un brutal aveuglement. Les reliques de SaintBertrand avaient été heureusement portées à Lectoure. Quelques années après, les chanoines de cette ville les rendirent; les habitans de Saint-Bertrand se livrèrent à une joie vive en retrouvant ce précieux trésor. Une fête fut célébrée, pendant long-temps, le 31 mars, anniversaire du jour où le corps de saint Bertrand avait été replacé dans le mausolée.

» L'action de la femme ne resta pas impunie; elle fut pendue, par les catholiques, après la reddition de la place.

>>> Les calvinistes songeaient à en augmenter les fortifications, et à y fixer leur demeure, pour exercer plus d'empire sur les Commingeois; mais il n'y avait que trois jours qu'ils étaient maîtres de la ville, et ils se reposaient à peine de leurs fatigues, que le vicomte et le baron de Larboust vinrent, accompagnés de nombreuses troupes, pour en former le siége. Les religionnaires le soutinrent avec courage pendant quarante-huit jours. Ils veillaient sur les habitans, et les menaçaient de grandes cruautés s'ils osaient rien entreprendre en faveur des assiégeans.

» Ce ne fut que le 8 juin que les hommes de la ville, ayant fait un effort, se réunirent à leurs auxiliaires, et repoussèrent leurs cruels ennemis. Un grand nombre de calvinistes périt; les autres cherchèrent à éviter, par la fuite, la juste puition que méritaient leurs

crimes.

>> Les habitans oublièrent les maux qu'ils avaient eu

à souffrir, et se réjouirent long-temps. Ils témoignérent, par des fêtes joyeuses, leur reconnaissance aux amis, qui étaient venus les délivrer du joug que faisaient peser sur eux les cruels huguenots.

» En mémoire de cet événement, l'évêque et le chapître ordonnèrent qu'il serait célébré, tous les ans, une fête à pareil jour, et qu'on ferait, dans la ville, une procession générale. Mais ils ne jouirent pas longtemps des douceurs de la paix. L'Eglise et le chapitre commençaient à peine à réparer les funestes effets de la guerre, que les calvinistes reparurent aux portes de la ville. C'était en 1594.

» Après plusieurs jours de siége, ils s'en rendirent maîtres pour la troisième fois. Ils achevèrent d'enlever ce qu'on avait pu cacher lors des deux premiers pillages; mais le butin fut peu considérable. Pour se venger de ce qu'ils n'avaient point trouvé de trésors, ni beaucoup de vases sacrés, ils brùlèrent avec fureur le palais de l'évêque, qui était adjacent à l'église. ils immolèrent de nouvelles victimes, puis ils se retirèrent. » Quel sang généreux les guerres de religion firent verser! Combien les ennemis de notre belle France devaient se réjouir, en voyant nos guerriers valeureux s'entretuer près de ces Pyrénées au delà desquelles ils auraient trouvé de véritables ennemis et une gloire pure! »

L'ancienne capitale des Convènes avait, depuis longtemps, réparé ces désastres, lorsqu'éclata la révolution de 89; le chapitre et l'évêque furent contraints d'abandonner leur cathédrale, et, avec eux, disparut ce qui constituait la puissance et l'éclat de Saint-Bertrand, l'influence ecclésiastique. La petite ville ne s'est pas relevée de ce coup mortel; veuve de ses prélats et de ses chanoines, elle n'a plus rien que son église et les débris de ses anciens monumens. Quelques fêtes, pleines de solennités et de pompe, attirent encore, dans sa basilique, de nombreux pélerins. On dirait alors que la petite ville va renaître de ses ruines, et reprendre son premier éclat. D'ailleurs, les étrangers quittent à regret ce site pittoresque; tout est poétique et religieux à Saint-Bertrand et aux environs. La tour de la cathédrale domine une assez grande étendue de pays; on voit, à peu de distance, la belle église de Valcabrère, les fameuses grottes de Gargas; et on salue, avec un regret indicible, la petite colline couronnée de sa basilique monumentale, et de quelques maisons bâties sur les ruines des anciens palais des proconsuls romains.

Hippolyte VIVIER.

LA VALLÉE DE CAMPAN.

En sortant de Bagnères-de Bigorre, on trouve deux routes symétriquement tracées; l'une conduit aux bains de Salut, l'autre à la Vallée de Campan. Depuis plusieurs années, les voyageurs et les touristes comparent Campan à la célèbre vallée qu'arrosait le Pénée,

si souvent chanté par les poètes de la Grèce. L'Adour coule entre ses deux versans (1), comme pour séparer

(1) Bagnères de Bigorre et ses Environs, par M. Pam brun, avocat.

tout ce que, d'un côté, In nature offre de fraîcheur et de grâce, d'avec tout ce que, de l'autre, elle présente de silencieux, de triste et de sévère.

« Impétueux déjà, quoiqu'à peine sorti de son berceau, on voit ce jeune fleuve s'échapper à travers les champs par mille ruisseaux, dont les eaux, pures et limpides, vont se jouer au milieu de riantes prairies. En vain, toutes les richesses de la poésie ont-elles essayé de retracer les beautés de cette vallée, l'art est resté toujours au dessous du modèle.

>> Ces nombreuses petites habitatious, si propres et si jolies, ces riches prairies qui les entourent, et dont le souffle empesté du Midi n'altéra jamais la vivacité des couleurs; ces bosquets toujours verts qui les ombragent, et que des milliers d'oiseaux font retentir de la plus douce mélodie; la gaîté de ces troupeaux bondissant sur de gras pâturages; le son de ces chalumeaux rustiques, auxquels le calme de ces lieux semble donner quelque chose de moelleux et de tendre; ce mélange de fleurs du printemps et des plus riches fruits de l'automne contrastant avec la couleur sombre et grisâtre de ces rochers arides; tout, en un mot, y dispose à de telles émotions de bonheur, que l'homme sent qu'il n'a de puissance que pour admirer et jouir. >> On arrive au bourg de Campan, en remontant la rive gauche de l'Adour. Il possédait autrefois un chàteau fort, où les anciens comtes de Bigorre entretenaient une garnison; et, s'il faut en croire une tradition antique, ses souvenirs historiques remonteraient à des temps plus éloignés encore; car elle rapporte que, presque sous ses murs, dans les champs qui le séparent du prieuré de Saint-Paul, se donna, vers le milieu du huitième siècle, un combat sanglant entre les Bigorrais et les Maures.

» Son église renferme les restes de M. Plantade, géomètre habile, mort subitement en 1748, à l'age de 70 ans, sur la Hourquette de Cinq-Ours, à côté de son quart de cercle et dans les bras de ses guides. On y conserva long-temps sa perruque et son chapeau, précieuses reliques qui n'excitèrent jamais le rire de l'incrédulité, et qu'on allait visiter avec cette espèce de dévotion et d'intérêt qu'inspire tout ce qui se rattache au vrai mérite.

» C'est à la sortie du bourg de Campan que commence la vallée. Impossible de se faire une idée du spectacle enchanteur qui vient alors frapper la vue : aussi la plume toute poétique de M. Ramond a-t-elle reculé devant tant de beautés, ou n'en a-t-elle tracé qu'une légère esquisse. »>

« Je ne peindrai point, a dit cet écrivain aimable, » cette belle vallée qui le voit naître (1), cette vallée » si connue, si célébrée, si digne de l'être; ces mai» sons si jolies et si propres, chacune entourée de sa » prairie, accompagnée de son jardin, ombragée de sa » touffe d'arbres; les méandres de l'Adour, plus vif » qu'impétueux, impatient de ses rives, mais en res» pectant la verdure, les molles inflexions du sol, ondé » comme des vagues qui se balancent sous un vent doux » et léger, la gaîté des troupeaux et la richesse du » berger; ces bourgs opulens, formés comme fortui» tement, là où les habitations, répandues dans la val

(1) L'Adour.

»lée, ont redoublé de proximité; Bagnères, ce lieu » charmant où le plaisir a ses autels à côté de ceux » d'Esculape, et, veut être de moitié dans ses miracles; » séjour délicieux, placé entre les champs de la Bi» gorre et les praires de Campan, comme entre la ri» chesse et le bonheur; ce cadre enfin, digne de la » magnificence du tableau, cette fière enceinte, où la >> nature oppose le sauvage au champêtre; ces cavernes, >> ces cascades, visitées par tout ce que la France a de >> plus aimable et de plus illustre; ces roches trop ver>>ticales peut-être, dont l'aridité contraste avec la parure » de ces heureuses vallées; ce Pic du Midi, suspendu, » sur leurs tranquilles retraites, comme l'épée du tyran » sur la tête de Damoclès... menaçans boulevards, qui » me font trembler pour l'élysée qu'ils renferment. >> « C'est à l'adoucissement de ces pentes que la vallée » de Campan doit l'avantage d'ètre la plus délicieuse » retraite de la vie pastorale. Elle fut d'abord un pro» fond ravin, creusé entre les racines du Pic du Midi » et les rochers calcaires qui s'y appuyaient, par ces » torrens anciens, dont l'impétuosité était proportion»> née à la roideur des pentes primitives, et dont la fu>> reur était irritée par l'aspérité des formes qu'avait » ébauchées le vieux Océan; mais les débris des som» mets, qui la dominaient, sont venus rehausser le >> fond de ces précipices; les eaux ont tendu sans cesse » à égaliser le sol qu'elles parcouraient, les éboulemens » se sont étendus; le repos a succédé à de longues » convulsions, et la végétation a couvert ces amas de >> ruines, désormais propres à la recevoir.

» La vallée de Campan est donc une apparition an»ticipée du monde futur. Elle présente cet état de >> calme, si bien annoncé et si bien décrit par ce phy>>sicien philosophe (1), digne de prévoir tout ce que >> l'humanité peut attendre de la perfectibilité de la

terre. Telles seront toutes les vallées des Pyrénées » et des Alpes, du Caucase, de l'Atlas et des Andes, » quand les forces qui tendent à produire seront en » équilibre avec celles qui tendent à détruire; quand >> les sommets auront cessé de descendre vers les ba»ses, et les bases de s'élever vers les sommets; quand » les pentes auront ce degré d'inclinaison, où il n'y a >> plus d'éboulement possible; quand l'active végétation, » si prompte à s'emparer des surfaces qui jouissent d'un >> moment de repos, si souvent repoussée du flanc des » montagnes par les dernières agitations de ces géants >> expirans, s'asseoira en paix sur leurs cadavres. »

A son extrémité, Campan forme deux autres vallées, dont l'une, appelée la Seoube, s'enfuit vers la gauche jusques aux bases du pic d'Arbizon; l'autre, celle du Capadur, va se perdre au pied du Pic-du-Midi, et conduit aux cascades de Gripp. Cette vallée, oasis de verdure, placée comme un jardin au pied des premiers échelons des Pyrénées, sera toujours admirée par les voyageurs, qui, tous les ans, pendant la saison des eaux, dirigent de ce côté leurs joyeuses cavalcades. Les hommes aiment les contrastes; la vallée de Campan serait moins belle, moins poétique, si les sommets des Pyrénées n'élevaient, au-dessus de ses prairies, do ses blanches maisons de campagne, leurs roches et leurs neiges éternelles. L. MOUNIE.

(1) M. de Luc.

SUR LES RANCHIN.

A M. le Baron C.-A. Walchenaër, Membre de l'Institut.

Castelnaudary, 3 mai 1836.

En général les gens du monde font peu de cas des recherches biographiques; cependant elles ont l'avantage d'amener à des découvertes utiles et au triomphe de la vérité. Le savant biographe, M. Beuchot, qui le sait par expérience, a très-bien dit : « On ne con»nait pas assez les difficultés que présentent l'histoire » littéraire et la biographie à ceux qui les cultivent. » Les travaux de ce genre sont pénibles, minutieux, » sans éclat, sans gloire, sans profit aujourd'hui. Ces >> travaux, cependant, sont utiles, et l'on doit tenir >> compte à leurs auteurs des veilles nombreuses et des >> recherches immenses que leur coûtent souvent ces » ouvrages ».

Après avoir, dans la 3o édition de votre excellente Vie de La Fontaine, accueilli gracieusement quelques indications de faits et des dates peu connues et m'avoir souvent cité dans vos notes, vous m'envoyâtes en 1824, les Nouvelles OEuvres diverses de La Fontaine et Poésies de Maucroy, vol. in-8° que vous aviez publié quatre ans auparavant. Je les reçus avec reconnaissance, et j'y trouvai, page 120, une discussion très-ingénieuse, sur des STANCES, presque anonymes, puisque faute de documens positifs, vous ne pouviez procéder que par la voie des inductions (trop souvent fautives), pour les attribuer définitivement à quelque personnage connu. Je lus cette dissertation avec un extrême plaisir et un grand intérêt; mais je n'eus pas le loisir de m'arrêter à quelques erreurs qui s'y sont glissées, et qui me frapperent moins alors qu'à présent, que le hasard vient inopinément de me procurer une collection d'anciennes brochures, entr'autres des Triomphes de l'Eglantine aux Jeux Fleureaux ( sic. ). Je vais donc y revenir, pensant que vous serez bien aise de connaître les redressemens que je puis vous fournir. Car vous avez, comme moi, voué un culte inaltérable à l'inaltérable vérité.

Avant d'entrer dans la partie historique des faits, permettez-moi de la faire précéder de quelques remarques préliminaires.

Vous rapportez une lettre de madame de Scudery adressée au comte de Bussy-Rabutin, du 6 juin 1671, (votre imprimeur a fait la faute de mettre 1771), où elle dit « Un bel esprit de notre ville (Paris), qui MOSAIQUE DU MIDI. - 5e Année.

[ocr errors][ocr errors]

» est un homme de 50 ans, me donna, hier, les vers » que je vous envoie.... La demoiselle est une fille de » 18 ans, dans mon quartier, dont je ne connais pour>> tant que la beauté. » Cette histoire paraît complète; est-elle aussi exacte? Le bel esprit en question étaitil de Paris? N'avait-il que cinquante ans ? La demoiselle habitait-elle réellement le quartier de Mme de Scudery? on a cru que la réponse était de Mile Desbordes: Ne s'est-on pas trompé? N'a-t-on pas mis là un nom connu, parce qu'on avait voulu deviner ce qu'on ne connaissait pas ? Les éditeurs ont quelquefois trop d'esprit et de pénétration; ils vont au-delà de ce qui

est.

D'abord Mme de Scudery ne dit pas positivement que ce bel esprit anonyme eût composé lui-même les vers qu'il remit; il y a seulement: me donna hier; dans tout autre circonstamce le mot donner suffirait, ici c'est tout le contraire, vous le verrez bientôt. Pour que le témoignage de Mme de Scudery fût complet, sans appel, il aurait fallu qu'elle eût ajouté me donna hier ces Stances qu'il vient de composer pour une fille de dix-huit ans de mon quartier. Alors je me serais vu très-embarrassé, puisque j'aurais été forcé d'y découvrir à la fois plagiat et mystification.

Passant aux Stances en réponse à celles dont nous venons de parler, vous ajoutez: «Comme les Stan» ces (d'un père rival de son fils), nous apprennent » que ce fils n'était qu'un écolier trop jeune pour faire » l'amour; il est probable qu'il était trop jeune aussi » pour faire des vers: il est donc présumable que Ran» chin satisfait du succès de ces Stances, aura trouvé >> piquant d'en composer d'autres, pour faire, au nom » de son fils, la réfutation des premières. » Et partant d'une conclusion qui serait judicieuse, si les faits dont j'ai à vous instruire n'étaient pas contre, vous mettez en tête de la seconde pièce, qui sert de réplique à la première Réponse par Mile Desbordes, et cependant cette demoiselle, ni toute autre, ne prononce pas un seul mot dans cette pièce. C'est le fils qui paraphrase, commente et combat galamment les galantes attaques de son père.

Vous écrivez encore: «Ranchin était issu d'une famille protestante, de jurisconsultes et de magistrats de Montpellier, qui a produit plusieurs hommes célèbres. (Ce qui est très-vrai); et il est certain que l'anteur des Stances dont nous parlons et son fils, étaient

44

« 이전계속 »