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Vous allez voir qu'il n'y a rien de moins certain que cela, et que le vers que vous rapportez a été falsifié par le copiste. Et, à ce sujet, je remarquerai que quelques écrivains ont osé affirmer que Guillaume Ranchin, avocat à la cour des aides de Toulouse, (si la Biographie Toulousaine ne se trompe pas sur cette qualification et sur la localité, d'autant que la statistique de l'Hérault s'empare aussi de ce Ranchin comme de sa propriété, prétention que je crois très-légitime), était protestant. Cependant, pour affirmer, la Biographie Toulousaine n'a d'autre autorité, si non que dans sa Révision du Concile de Trente, in-8°, 1600, il s'est quelquefois servi du langage des novateurs de ce temps-là.

Voilà vraiment une belle preuve ! Est-ce que quelques erreurs d'expressions suffiraient pour soutenir une semblable accusation ? Qui ne se trompe jamais dans son style? On s'égare quelquefois, même avec de bonnes intentions dans ses sentimens. Ce Guillaume Ranchin dont il s'agit était mort à Montpellier le 25 avril 1621, (ce que la Biographie Toulousaine, ni la statistique de M. Hipp. Creusé de Lesser ne disent pas). Les protestans ne voulurent pas permettre que l'on portât son corps hors de la porte des Lates au cimetière des fidèles, parce qu'ils avaient fait fermer la ville quatre jours auparavant (le 21), pour en interdire l'entrée aux catholiques. Après cette citation tous les doutes doivent disparaître.

Mais vraisemblablement il vous tarde d'en venir à l'auteur ou aux auteurs des Stances. Il est inutile de s'arrêter désormais aux incertitudes des critiques qui ont hésité entre La Fontaine, Pavillon, et un Ranchin. Il n'y aura plus à l'avenir d'enquête à faire, puisque tous les faits vont être connus. Rien de plus positif qu'un fait.

quent à débrouiller les mêmes difficultés dont je m'oc

cupe.

Les Ranchins de Castres vinrent-ils de Montpellier et se transportèrent-ils plus tard à Toulouse? Nous ne devons pas le savoir encore et je ne prétends pas d'avance dire oui ou non; car je ne cherche point à mettre de simples suppositions en place de la réalité. Tout s'éclaircira; voyons nos documens, pesonsles; nous déciderons ensuite.

Les Ranchin ont été nombreux; plusieurs se sout fait distinguer dans différentes parties, et l'on en a écrit si diversement, qu'il paraît souvent difficile de sortir heureusement de ce labyrinthe. Par exemple, M. Hippolyte Creusé de Lesser, fils du spirituel préfet qui a chanté le Seau enlevé, et les Chevaliers de la Table Ronde, a publié en 1824 la Statistique du dépar tement de l'Hérault, dans laquelle je rencontre les articles suivans:

« RANCHIN (François), né à Montpellier, vers l'année 1560, prit dans sa jeunesse le parti de l'église, reçut le bonnet de docteur en 1592, et fut nommé chancelier de la faculté en 1605 (1). Il avait réussi à réunir tous les suffrages des professeurs, en promettant de donner un tapis pour la grande table du conclave et de faire une robe de Rabelais neuve. Il tint sa promesse (2). Pendant son Cancellariat qui' dura trente ans, Ranchin, riche, et d'ailleurs pourvu (quoique marié), de trois bénéfices, employa sa fortune à des travaux importans et utiles pour la faculté. Il était consul de Montpellier lors la peste de 1629; sa conduite dans cette circonstance lui fit le plus grand honneur. Parmi ses ouvrages, dans lesquels on remarque autant d'esprit que d'érudition, se trouve un Traité de la peste, qui contient une histoire détaillée de celle qui venait d'affliger Marseille. Il mourut en 1640. C'est à tort qu'Astruc avance qu'il n'avait point d'enfans; Ranchin laissa un fils (3) et une fille.

(1) Le Dictionnaire Biographique et Bibliographique, en quatre volumes in-8°, attribué à M. L.-G. P. (Gabriel Peignot), qui n'a pourtant revu et corrigé que le premier tome, dit qu'il fut chancelier de l'Université, en 1612, et qu'il mourut en 1641.

Le Dictionnaire Historique de Chaudon et De Landines à l'air d'attribuer la première pièce dont il est question à Ranchin de Castres cependant il ne dit rien de clair, ni de bien positif là dessus. L'abbé Sabatier (de Castres), (je le remarque avec une grande surprise), a gardé entièrement le silence sur son compatriote. Suivant son exemple d'autres biographes en ont fait autant; de sorte qu'au milieu de cette absence de traditions, on peut se demander: Jacques de Ranchin était-il de Montpellier, de Castres ou de Toulouse? Ces trois villes se le disputent, ainsi que nous le verrons bientôt. A laquelle donnerons-nous la préférence? Sera-ce à celle de Castres? Quelques probabilités militent pour elle. En 1648, Jacques de Ranchin, conseiller, et son frère, avocat, furent dans cette ville du nombre des fondateurs d'une académie. J'ai vu leurs signatures et celles de leurs confrères les deux Pelisson, de Faure, Fondamente, Thoyras-versité, en fit faire, à ses dépens, une toute pareille, avec les

Rapin, Gache, de Lacger, etc. sur les registres manuscrits en 2 vol. in-4° des séances de l'assemblée, précieux recueil qui m'a été communiqué par M. Magloire Nayral, de Castres. Comme il se prépare à mettre au jour une Biographie Castraise, il aura par consé

(2) Voici comment le P. Niceron raconte cette curieuse circonstance, dans le trente-deuxième volume de ses Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres : « Le service que Rabelais rendit à l'Université de médecine de Montpellier... et le lustre qu'il lui donna... sont, suivant le vulgaire, les raisons qui ont donné lieu à la coutume qui s'y est introduite, de faire prendre aux candidats de médecine, lorsqu'ils soutiennent leur thèse de licence, la robe de Rabelais, qu'il avait laissée à l'Université. Peut-être l'avait-il faite exprès, et en avait-il fait présent pour cet usage, comme cela paraît plus vraisemblable. Elle était d'écarlate, faite en forme de chape, avec un collet rond, sur lequel étainet, en broderie, les trois lettres F. R. C., qui signifient Franciscus Rabelæsus Chinonensis. Elle dura jusqu'au commencement du xvire siècle, qu'elle devint si courte, qu'elle n'allait plus que jusques à la ceinture, parce que chacun de ceux qui la revêtaient en emportait un lambeau, pour le conserver par curiosité; c'est pourquoi François Ranchin, étant Chancelier de l'Uni

mêmes lettres, qui pouvaient signifier: Franciscus Ranchinus Concillarius. »

(3) Ce fils laissa-t-il de postérité? Je l'ignore: je n'en ai trouvé nulle trace, à moins que ce ne soit le poète, dont la Biographie Toulousaine parle en ces termes :

« RANCHIN (N. de), originaire de Montpellier» (je re

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« RANCHIN (Guillaume), né à Montpellier, remplit les fonctions d'avocat-général à la Cour des Aides de cette ville, et a laissé quelques discours qui ont été imprimés en 1614, dans un livre qui a pour titre : Premier Recueil des publiques Actions d'Eloquence française. Le même Ranchin, professeur ès-lois, fit, en cette qualité, un Traité des Successions. Il vivait dans la seconde moitié du xvI. siècle (1).

marque que cette biographie cède toujours le pas à Montpellier; elle ne dit pas une seule fois, né à Castres, ou né à Toulouse), « remporta, vers la fin du xve siècle, le prix de >> l'églantine aux anciens Jeux-Floraux. On n'a, de ce poète, » que l'ouvrage couronné alors, et qui est encore manuscrit, » et quelques chansons tendres, adressées à une dame tou» lousaine, que l'auteur désigne sous le nom de la plus » belle. » M. Al. Du Mège aurait dû rapporter quelques-uns de ses vers manuscrits, pour nous faire connaître s'ils étaient dignes du nom de Ranchin, et du prix qu'il avait obtenu. Quant à sa fille, c'était peut-être Lisette de Ranchin, qui, vers 1637, épousa Claude Magnol, homme instruit et riche, apothicaire à Montpellier.

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(1) Cela est-il certain? Quel âge aurait-il eu? En 1614, en supposant qu'il vécut, il était déjà illustre et très âgé. Au

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reste, la date de 1614 n'est pas exacte. Voici le titre de ce prits de notre temps (Guy Du Faur, Jacques Faye, livre Harangues et Actions publiques des plus rares eslippe Conayz, Guillaume Ranchin et autres), faites tant aux ouvertures des Cours Souveraines de ce Royaume qu'en plusieurs autres occasions signalées. Paris, in-8°, 1609. Voilà cinq années de retranchées. Ce Guillaume était-il fils ou père de François, chancelier de l'école ? Il devait être son frère ou simplement son parent, car il ne faut pas le confondre avec Guillaume, conseiller, fils d'Etienne II, qui mourut, en 1603, suivant Borel, ou en 1605, suivant M. de Bezons, mieux informé. - Un mémoire du temps m'a appris que celui-ci mourut le 25 avril 1621.

(1) D'après quelle autorité, M. Hip. de Lesser avance-t-il cela? D'après celle de Chaudon et Delandine, qui prétendent que cet Henri. «parent de Guillaume, est auteur d'une » assez mauvaise traduction des Psaumes en vers français, >>1697, in-12. » Avaient-ils vu l'ouvrage ? Est-il aussi mauvais qu'ils le disent? et n'y a-t-il pas quelque erreur dans ce court passage? Ne serait-ce pas la même production dont Pierre Borel parle dans le second livre des Antiquités de

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Castres, 1649, en ces termes : « Maître Jacques de Ranchin, » conseiller en cette chambre, a fait imprimer ses Poésies » chétiennes. » Les avait-il fait imprimer auparavant ou en cette même année 1649 ? Ses Poésies chrétiennes ne seraientelles pas la première édition de la traduction des Psaumes de David, que le Dictionnaire historique annonce avoir paru en 1697? Nous verrons plus bas M. Jacques de Ranchin lire les psaumes 30 et 130 à l'académie de Castres. Jacques et Henri auraient-ils simultanément traduit les psaumes du prophète roi ?

N. B. J'avais laissé cette question indécise, faute de preuves. Je ne fais pas comme MM. les romantiques; je n'in

avec patience:- Dans le Relevé des jugemens sur la noblesse du Languedoc, prononcés en 1668, 1669 et 1670, par M. de Bezons, intendant, on lit cette gé

:

vente jamais la vérité. Elle est ou elle n'est pas l'inventer c'est mentir. Le Mercure Galant, du mois d'avril 1694, rapporte ce sonnet: Sur la Paix.

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Qu'à l'honneur de la paix on ordonne des fêtes; Goûtons, avec plaisir, ce doux présent des cieux : Louis ne le rend pas moins grand, moins précieux, Pour l'avoir acheté de ses propres conquêtes.

Content d'avoir, par là, dissipé les tempêtes
Qu'excita, contre lui, son règne glorieux;
Content d'avoir paré les coups audacieux,
Dont l'orgueil menaçait et nos biens et nos têtes.

Comme un autre Abraham, heureux, comblé d'honneurs,

néalogie, dont les bases sont certaines, puisqu'elle a été dressée sur des titres et des actes en forme, par un juge compétent:

« RANCHIN (Jean), général en la Cour des Aides de Montpellier, pourvu le 16 juin 1558, fut père de

Ce magnanime Roi jure, par le Seigneur, Le maître souverain du ciel et de la terre,

Que, de tout le butin, il ne veut rien pour lui:
De d'ètre accusé de n'avoir fait la guerre
peur
Qu'afin de s'enrichir des dépouilles d'autrui.

· Voilà

De Visé, rédacteur de ce Mercure Galant, ajoute : « Ce » sonnet a été présenté au roi par M. Ranchin, maître des » comptes à Montpellier, auteur de la traduction en vers des » 130 Psaumes de David, dédiés à sa majesté. » — donc deux choses: l'une, que cette traduction parut eu 1694 et non 1697; l'autre, qu'elle est réellement de l'auteur de Montpellier, par conséquent de cet Henri, dont parlent Chaudon, Delandine et M. de Lesser. Mais, surtout, j'y vois l'occasion d'affirmer que ce Ranchin était catholique romain. Sa traduction de David n'eût pas été dédiée au roi, si elle eût été l'ouvrage d'un poète hérétique. D'ailleurs, dans un Mercure plus ancien, de juin 1682, page 13, il y en a une preuve irrécusable. Un M. Mignan avait proposé des boutsrimés assez bizarres, pour un sonnet. M. Ranchin, de Montpellier, eut l'idée de les remplir, sur le soin que prend le roi de bannir l'hérésie de son royaume. C'était après la révocation de l'édit de Nantes. M. Ranchin aurait-il choisi et traité ce sujet s'il avait été protestant? Je ferai remarquer encore qu'il paraît que les Ranchin de Montpellier étaient tous catholiqnes; il n'en était pas de même de ceux de Castres. Mais l'on verra, dans le texte de ma lettre, que Jacques de Ranchin, qui avait été protestant, s'était alors converti depuis deux ans, ce qui permettait à son cousin de les admonester vivement, et de leur dire :

Voyez que, du parti, toujours quelqu'un dé... niche;
L'église vous appelle et vous conjure, — par
Ce champ mal cultivé, que vous laissez en....
.friche,
De rentrer dans son sein, saus si, sans mais, sans... car.

Il n'y a d'autre mérite, dans cette pièce, que je ne rapporte pas en entier, qu'une difficulté vaincue. Mais, était-ce un si mauvais poète que celui sur qui je vais rapporter l'article suivant, extrait du même recueil, décembre 1694 : « Le roi a » donné la paix à l'Europe, et si les intérêts particuliers, qui >> entretiennent la Jigue, ne détruisaient pas les effets de ses >> bonnes intentions, elle serait encore bientôt en état de » jouir du calme dont dépend tout son bonheur.

Il y a long-temps que ce monarque connait que le plus >> grand de tous les triomphes consiste à pouvoir se vaincre » soi-même, et à renoncer à des conquêtes certaines, pour » assurer le repos des peuples. C'est ce qui a donné lieu au >> Sonnet que vous aller lire Il est de M. Ranchin, conseiller » du roi, en la Cour des Comptes, Aides et Finances de » Montpellier. »

Au Roi.

La victoire, grand prince, en tous lieux suit tes pas,
Toujours, au champ de Mars, le gloire t'accompagne.
Il n'est point de combat que ta valeur ne gagne,
De place qui résiste au pouvoir de ton bras.

Ce bras victorieux n'est-il point encor las ? Ne veux-tu pas laisser de villes à l'Espague,

« RANCHIN (Etienne), général en la Cour des Aides de Montpellier, pourvu le 20 octobre 1561 (1); il eut pour fils

« RANCHIN (Jean II), conseiller du Roi et général en la Cour des Aides de Montpellier par la démission de son père, fut pourvu le 8 septembre 1574, et testa le 28 décembre 1620. Il fut père de

« RANCHIN (Etienne) (2), professeur ès-lois, qui eut pour fils

« RANCHIN (Guillaume), conseiller en la chambre de l'Edit, obtint des patentes le 8 août 1602, portant permission d'exercer en même temps la charge de conseiller et celle de professeur ès-lois, vacante par le décès de son père (3). Il fut père de

<< RANCHIN (Jacques), conseiller au Parlement et chambre de l'Edit de Castres, pourvu de cet office par la mort de Guillaume son père, le 26 novembre 1605; épousa Susanne Grefenille, avec laquelle il testa le 3 novembre 1644. Ils eurent pour enfans:

« 1.° RANCHIN (Etienne) (4), capitaine de chevaux légers;

2.° RANCHIN (Daniel), seigneur d'Amalric;

« 3.° RANCHIN (Charles), confirmé dans ses titres de noblesse, avec ses frères, le 28 janvier 1669. »>

Voilà la filiation directe que je n'ai pas voulu interrompre, quoique j'aie à placer ici, pour mémoire, deux autres Ranchins. I paraît que Jean, fils d'Etienne, général de la Cour des Aides, en 1574, et qui testa en 1620, fut père de deux enfans, qu'Etienne 11, dont j'ai déjà parlé fut le second, et que l'aîné était (cependant M. de Bezons ne le dit pas formellement)

De vaisseaux aux Anglais, de forts à l'Allemagne ? Aux douceurs de la paix ne te rendras-tu pas ?

Grand monarque, il est vrai que tes armes sont justes, Que d'elles, aujourd'hui, tu tiens les noms augustes De protecteur des rois, et d'appui des autels.

Mais songe que c'est moins par des exploits de guerre,
Qu'on plaçait les César au rang des immortels,
Que pour avoir donné le repos à la terre.

Ces vers-là ne sont-ils pas excellens, pour le temps? Ne le seraient-ils pas même aujourd'hui ? — Il en résulte qu'il y a eu plusieurs Ranchin poètes, qui méritaient d'être distingués, et qu'en 1694, il y avait un Ranchin à Montpellier, et un Ranchin-Montredou à Toulouse, fils d'un Ranchin' de Castres, qui, tous trois, avaient fait des vers, et de jolis vers.- - Cela, ce me semble, méritait bien d'être constaté.

(1) Dans mes notes, sur les Ranchin, je vois un Etienne, né en 1800, et mort, à Montpellier, en 1583, dont il n'est pas fait mention sur les états de M. de Bezons.

(2) Etienne II, sans compter le précédent, note 6. (3) Comment, habitant Montpellier, ce Guillaume Ranchin a-t-il pu être membre de la chambre de l'Edit, ou ne fut-il conseiller qu'ad honores, sans être obligé de siéger, parce qu'on lui permettait de rester professeur ès-lois dans sa ville natale? M. de Bezons ne l'explique pas entièrement. Il est certain que la Chambre de l'Edit fut créée à Castres; qu'elle fut transférée momentanément, en 1624, et, suivant d'autres, en 1629, à Béziers, d'où elle revint bientôt à Castres; mais jamais elle ne fut établie à Montpellier, comme a paru l'indiquer, par inadvertance, la Statistique de l'Hérault.

(4) Etienne III ou IV.

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« RANCHIN (Gédéon), contrôleur général des gabelles du Languedoc, testa le 12 juin 1666, et fut père de « RANCHIN (François), contrôleur-général desdites gabelles, confirmé dans ses titres de noblesse le 28 janvier 1669 (1). »

Là, nous ne retrouvons rien qui puisse nous éclairer et éclaircir la question littéraire; M. de Bezons ne s'en est point occupé. Prose et vers n'étaient des pas titres de noblesse, ainsi que La Fontaine l'éprouva, quand on voulut le taxer à Paris à deux mille francs d'amende, pour avoir pris par mégarde et par distraction la qualité d'écuyer. Cela nous valut cette jolie requête en vers que vous avez publiée dans le même volume, adressée à M. le duc de Bouillon, en 1662, par le gentil poète, qui était au moins gentilhomme au Parnasse, s'il n'était pas gentilhomme en Champagne. Avec quelle grâce il y plaisante de son malheur, qui va achever de le ruiner!

Je ne dis pas qu'il soit juste qu'on voie
Le nom de noble à toutes gens en proie;
C'est un abus, il faut le prévenir,

Et sans pitié les coupables punir;

Il le faut, dis-je, et c'est où nous en sommes:
Mais le moins fier, mais le moins vain des hommes,

Qui n'a jamais prétendu s'appuyer

Du vain honneur de ce mot d'écuyer,

Qui rit de ceux qui veulent le paraître,

Qui ne l'est point, qui n'a point voulu l'être;
C'est ce qui rend mon esprit étonné...
Avec cela, je me vois condamné,

Mais par défaut. J'étais, lors, en Champagne,
Dormant, rêvant, allant par la campagne;
Mon procureur dessus quelqu'autre point,
Et ne songeant à moi, ni peu, ni point,
Tant il croyait que l'affaire était bonne.
On l'a surpris, que Dieu le lui pardonne!
Il est bon homme, habile, et mon ami,
Sait tous les tours, mais il s'est endormi!
Thomas Rousseau n'en a pas fait de même;
Sa vigilance, en tel cas, est extrème;

Il prend son temps, et fait tout ce qu'il faut
Pour obtenir un arrêt par défaut.

Ce cruel arrêt va le réduire à la besace et l'envoyer à

(1) Vers la même époque, je remarque un Ranchin, et peut-être deux, à Paris, dont M. de Bezons n'a point pu parler, parce qu'il ne faisait que le recensement de la noblesse du Languedoc et du Vivarais. Le Nouveau Mercure Galant, du mois de mars 1677, rendant compte des bals brillans qu'on a signalés dans la capitale, cite ceux du prince de Furztemberg, de M. de Châteauneuf, conseiller au parlement, de M. de Menevillette, de M. Housset, et il ajoute : << Jamais la propreté, le bon ordre et la magnificence n'ont » plus paru ensemble, qu'ils firent au bal qui a été donné » chez M. Ranchain (sic). La compagnie était belle et bien » choisie; rien n'y manquait, et l'on peut dire que c'était un >> bal de bon goût. » — Voilà donc un Ranchin qui habitait Paris, en 1677, et qui, peut-être, y avait un hôtel. de lui qu'était veuve Angélique Lemaitre, quand elle mouEst-ce rut, en février 1697 ? - Le Mercure rapporte que son mari s'appelait Antoine RANCHIN, capitaine au régiment d'Auvergne, et commandant du Quesnoy et de Landrécy.

l'hôpital, lui, sa femme, son frère et son fils, y comprotection du duc de Bouillon, s'il sollicite Colbert. pris sa nourrice. Mais il espère tout de la puissante

Demandez donc à ce ministre rare, Que, par pitié, du reste il me sépare : Il le fera, n'en doutez point, seigneur. Si votre épouse était même d'humeur A dire encore un mot sur cette affaire; Comme elle sait persuader et plaire, Inspire un charme à tout ce qu'elle dit, Touche toujours le cœur quant et l'esprit, Je suis certain qu'une double entremise De cette amende obtiendra la remise, etc.

Le galant La Fontaine est toujours La Fontaine, aimable, naïf, ingénieux. Mais revenons à nos moutons, c'est-à-dire au troupeau des Ranchins, que j'ai bien de la peine à ranger dans ma bergerie nécrologique.

La Bibliographic Toulousaine, publiée en 1823, mais très-fautive en beaucoup d'articles (1), dit expressément: Jacques de Ranchin naquit à Montpellier, vers 1604. Si cette date est exacte, en 1671 il aurait eu 63 ans et non pas 50, ainsi que Mme de Scudery l'affirme, et c'est bien lui qui est vraiment l'auteur de la première pièce que vous rapportez fidèlement, et qu'il est essentiel pour moi de grouper ici :

Philis, mes beaux jours sont passés,
Et mon fils n'est qu'à son aurore:
Pour vous, il est trop jeune encore,
Et je ne le suis plus assez.

Une maligne destinée,
Nous dispense de votre loi;

Vous naquites trop tard pour moi,
Pour lui trop tôt vous êtes née.

Ni moi, ni ce jeune écolier,

Ne saurions comment nous y prendre :

A peine il commence d'apprendre,
Et je commence d'oublier (2).

Que votre destin et le nôtre
Seraient charmans et merveilleux,
Si ce qui manquc à l'un des deux
Pouvait se retrancher à l'autre !

Si de mon âge, joint au sien,
On faisait un égal partage,
Et qu'on ajoutât à son âge

Ce que l'on ôterait du mien (3),

(1) Je le dis à regret, cet ouvrage, qui pouvait être si bon et si utile, a été manqué : il est à refaire. Il fut le produit d'un triumvirat, qui n'était pas d'égale force: MM. Laurent-Gousse, Lamothe-Langon et Al. Du Mège en sont les auteurs. Le dernier seul a montré à la fois un talent consciencieux, de l'instruction, de l'esprit et du goût.

(2) On ne commence pas d'oublier à cinquante ans. vers annonce un âge plus avancé.

- Ce

(3) Etablissons une supposition, dont les bases ne cont pas tout àfait imaginaires. En 1671, M. Jacques de Ran

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