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les Pyrénées. La mort ne lui permit pas d'exécuter ses projets de retraite. Il mourut en 1577 à Estillac, où l'on voit encore son mausolée, bien que dans ses dernières dispositions il eût désigné, pour lieu de sa sépulture, le village de Sempoy, où il était né. En se voyant menacé de la mort, il avait aussi commandé que l'on gravât sur sa tombe cette épitaphe:

CY DESSOUS REPOSE LES os

DE MONTLUC Qui n'eut onc repos (1).

Maintenant, pour avoir une idée complète de l'acharnement de nos guerres religieuses, et des malheurs de nos provinces durant cette désastreuse époque, il faudrait, à côté des cruautés de Montluc, retracer celles que le baron des Adrets exerça contre les catholiques dans le Dauphiné, la Provence, le Lyonnais, le Languedoc, etc....., qu'il inonda de sang. Montluc fut cruel, le baron des Adrets fut féroce. Dans la conduite de Montluc, il y avait la première vertu du soldat, l'obéissance; dans son cœur un noble sentiment, lo désir de servir le maître dans lequel il incarnait la patrie, et il était cruel par nécessité, tandis que le baron des Adrets se faisait un jeu de la plus horrible barbarie. Il suffirait, pour s'en convaincre, de rappeler deux de ses traits. Après que cent ou cent-vingt soldats catholiques, qui défendaient la place de Montbrison, se furent rendus par composition et sur sa foi, il fit couper la tête à la moitié d'entre eux et força les autres à se précipiter du haut d'une tour sur les pointes des piques de ses soldats. Le supplice qu'il fit subir à deux moines est encore plus inoui. Des sauvages n'auraient pas fait mieux. Il fit étendre sur le parquet entier d'une salle un lit de charbons ardens, enferma les deux moines dans cette salle, et lui jouissait du spectacle de voir bondir ces malheureux dans cette danse d'enfer. Quel temps et quels hommes ! Et c'est au nom de l'Evangile que les deux partis rivalisent ainsi de cruauté, qu'ils se noient dans le sang les uns des autres! Voilà donc où peuvent conduire l'ignorance et les passions! Voilà les maux inévitables qui doivent fondre sur un état dont les institutions reposent sur des bases fausses et injustes, maux qui en engendrent d'autres et se perpétuent de siècle en siècle jusqu'à ce qu'enfin ces institutions, venant se briser contre le corps entier des opprimés, tout est écrasé, broyé, anéanti. Ouvrons les yeux et voyons. Dans le XVIe siècle, un clergé aussi cupide qu'ignorant commande la persécution au nom de Dieu ! il institue une procession pour conserver à jamais la mémoire de la Saint-Barthélemy, il enseigne à crier aux oreilles des hérétiques: La messe ou la mort! Et voici que, deux siècles après, ce clergé, riche et puissant, est dépouillé de tout et jeté dans la misère; on l'envoie en

(1) L'arquebuse et l'épée de Montluc ont été conservés. Cette dernière est surtout remarquable par sa longueur peu commune. Sa lame est à deux tranchans, fort étroite et très pointue. La garde, évasée en forme de grand entonnoir, pouvait contenir au besoin le potage du chevalier, et lui servir d'ustensile pour fondre les balles qu'il envoyait aux protestans.

BOUDON DE SAINT-AMANS. Histoire du département de Lot-et-Garonne.

procession à l'échafaud ou à l'exil, et des forcenés vont, à leur tour, jusqu'à crier : l'athéisme ou la mort ! Dans le XVIe siècle, au nom du roi, la potence et le bûcher font justice, les bourreaux d'un lieutenant du roi sont galment appelés ses laquais, et voici que deux siècles après le bourreau est solennellement proclamé le Vengeur du peuple, et la hideuse guillotine justice du peuple! (1) Le 24 août 1572, un jeune roi ordonne la Saint-Barthélemy, il tire de ses propres mains sur son peuple; et le 21 janvier 1793, ce même peuple coupe la tête à son roi. Telle est la vengeance des peuples; elle est tardive; elle n'est que plus terrible.

A Dieu ne plaise que nous voulions excuser, tout en les comprenant, les horreurs de la révolution française. Loin de nous cette criminelle pensée; mais lorsque, venant de parcourir une des époques les plus sanglantes des annales du monde, nous nous prenons à méditer sur les causes des malheurs du genre humain, et à considérer l'enchaînement des événemens historiques, il nous semble entendre sans cesse autour de nous une voix qui crie, à la vue de tant de sang et de cadavres « O vous qui prétendez à gouverner les >> hommes, gardez-vous de porter atteinte à leurs » droits les plus sacrés: vous voyez ce qu'il en coûte » de les violer! » — Ces paroles sortent retentissantes du fond de l'abîme des âges, et nous ne pouvons nous empèchér de nous faire l'écho de la voix qui les prononce, qui est celle de la raison et de la vérité.

C'est au nom de la religion, ce n'est que trop vrai, que s'allumèrent et s'entretinrent les guerres civiles qui, durant quarante années, désolèrent la France. De là certains hommes, prenant occasion d'argumenter, tirent à leur aise telle ou telle conséquence et viennent ensuite, en se drapant orgueilleusement dans leur mince manteau de philosophe, nous dire des hauteurs de leur maison: Vous voyez ce que vaut le christianisme, il n'enfante que des malheurs. « Il n'est pas de » sophisme plus commun, disait autrefois le sublime » auteur de l'Essai sur l'indifférence en matière de » religion, que celui par lequel on rend le christia>> nisme responsable de tous les crimes qui se com>> mettent chez les peuples chrétiens. Il y a des guer» res de religion, donc la religion commande de verser le sang; il y a des vols, des assassinats, donc la » religion ne réprime ni le vol ni l'assassinat; il existe » de mauvais prêtres, donc la religion n'est que le >> manteau dont le clergé recouvre ses désordres. >> Pitoyable sophisme! Il n'y a que des hommes profondément ignorans ou irréfléchis, qui puissent tenir un si audacieux langage. Une des principales causes de nos erreurs, c'est la précipitation que nous apportons à juger, alors même que nous ne sommes pas suffisamment instruits, et que nous ne voyons qu'un côté de la chose, qui fait l'objet de notre jugement. Le vulgaire est surtout exposé à cette sorte d'erreur. Or, la Mosaïque du Midi étant une revue essentielle

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(1) Lequinio envoyé de la Convention à Rochefort et à la Rochelle, écrivait à l'assemblée régicide, « Nous venons » de donner à celui qui se charge de l'exécution des juge>> mens du tribunal révolutionnaire le nom de Vengeur du » Peuple, et à l'instrument, celui de Justice du Peuple. M. de MASLATRIE.—Continuation de l'histoire de France d'Anquetil.

ment populaire, et le peuple étant habitué à confondre la religion avec ses ministres, nous croyons qu'il serait insensé, coupable même de livrer au ridicule ou à l'exécration les prétendus défenseurs de la foi du XVIe siècle, sans leur arracher le masque dont ils se couvrirent, sans mettre à nu les mobiles de leur conduite, et venger le christianisme des plus injustes comme des plus dangereux outrages.

Non, mille fois non, le christianisme ne fut pas et ne put pas être la cause réelle des guerres et des massacres. Dès la mort de Henri II, il n'était nullement question, au fond, de messe ni de prêche. C'étaient des vengeances que les deux partis voulaient assouvir, C'était pour arriver à un pouvoir absolu, que leurs chefs les faisaient entretuer; chacun son tour, telle était la devise du grand prince lorrain. Montluc lui-même n'en était pas dupe, et, lorsque après avoir fourni son éclatante carrière, au moment de descendre dans la tombe, il n'a cu plus rien à espérer ni à craindre de la cour, i¦ a pu nous le dire avec son franc-parler de Gascon. « Les grands, dit-il, n'ont pas accoustumé de se faire brûler pour la parole de Dieu. Si la Royne et Monsieur l'Admiral estaient en un cabinet, et que feu Monsieur le prince de Condé, et Monsieur de Guise, y fussent aussy, je leur ferais confesser qu'autre chose que la religion les a mus, à faire entre-tuer trois cent mille hommes, et ne sçay si nous sommes au bout, car j'ay ouy dire qu'il y a une prophétie, je ne sçay pas si c'est dans Nostra-Damus, qui dit que les enfans monstreront à leurs mères, par merveilles quand ils verront un homme tant peu il y en aura, sestans tous entre tuez. Mais n'en parlons plus le cœur m'en crève à moy-mesme qui y ay le moindre intérêt, et que 'en iray bientôt en l'autre monde. »>

D'ailleurs les hommes qui calomnient avec tant d'assurance le christianisme se sont-ils donné la peine de le connaître ? C'est ce dont-il est permis de douter. Co n'est pas dans la bouche des fanatiques du xvi siècle, pas davantage dans la philosophie sceptique et railleuse du XVIIIe qu'il faut étudier le christianisme; c'est dans sa source même, avant que la main dos hommes lait encore touché et enveloppé du crêpe sanglant de leurs passions, c'est dans l'Evangile ; c'est lorsqu'elle tombe comme le miel et le feu des lèvres divines du Christ qu'il faut recueillir cette parole de paix et d'amour. Parcourons donc toutes les pages de I'Evangile et voyons s'il est un seul endroit qui, comme vous le dites, commande de verser le sang, autorise le vol et l'assassinat et puisse servir aux prêtres à couvrir leurs désordres. Commande-t-il de verser le sang cet Homme-Dieu, qui a dit : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent ?— Permet-il le vol et l'assassinat cet Homme-Dieu, qui a dit : Faites aux autres ce que vous voudriez que les autres vous fissent? A-t-il donné aux prètres sa doctrine comme un manteau pour cacher leurs dérèglemens cet HommeDieu, qui a dit: Malheur à vous, docteurs de la loi, qui imposez aux hommes des fardeaux qu'ils ne peuvent porter et auxquels vous ne touchez pas même du bout du doigt! et encore à ses apôtres, alors qu'il les envoyait enseigner les nations: Allez, ne portez ni sac,

ni bâton, ni bourse en chemin, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. (1) · Continuez toujours, arrêtez-vous sur chaque texte, sur chaque mot, et si vous êtes capables de cette loyauté et de cella conviction nécessaire à tout homme qui pense et prétend faire adopter aux autres ses pensées, vous reconnaîtrez votre erreur, vous vous abimerez dans le repentir d'avoir osé proférer ce monstrueux blasphème l'auteur divin du christianisme ait donné aux hommes, ses enfans, d'autre précepte que celui de l'amour.

que

On l'a dit, redit et on ne saurait trop le redire: sans religion point de société possible. Nous tous donc qui, chacun selon nos forces, cherchons franchement, généreusement, saintement le bonheur de la société, aimons et faisons aimer la religion. Hors de cette voie, il n'y a que ruine. Vous aurez beau faire et défaire des systèmes, élever et renverser les trônes, jeter des victimes humaines à la rage populaire, si d'abord et avant tout vous n'instruisez pas, vous ne moralisez pas, vous n'évangelisez pas les peuples, vous ne ferez que les conduire de précipice en précipice et d'abîme en abime. L'expérience de soixante siècles est là, et il n'est pas de meilleur maître que l'expérience. Dans ce déluge de crimes, de passions, de sang et de larmes qui couvrent la terre, la religion, seule, est l'arche sainte qui puisse sauver les hommes.

Du reste on ne peut nier que la France qui, pour nous servir du noble langage d'un de nos grands poètes, marche à l'avant-garde des nations, ne fasse, en ce moment, un retour bien marqué vers les idées sainement religieuses, et il semble que déjà l'on commence à voir l'accomplissement de la prédiction d'un de ces profonds penseurs, de qui l'on peut dire que les événemens en marchant jettent leur ombre devant eux. M. de Maistre a dit : « la France sera chrétienne, l'Angleterre catholique et l'Europe chantera la messe à St.-Jophie. » La France sera chrétienne! Nous croyons à cette prédiction. Oui, union triomphante de la liberté et de la religion; tel est le cri de notre foi et de notre espérance dans l'avenir de la France. O vous, que les vains combats ont usés et qui ne croyez plus au bonheur des peuples, vous qui êtes tombés dans l'abat tement et qui vous riez peut-être maintenant de toute conviction religieuse, de grâce, ne nous brisez pas ce que vous pourriez croire chez nous une llusiion, ne nous jetez pas à la face une froide ironie, ne nous entraînez pas trop tôt dans votre découragement, n'étouffez pas le cr id'une noble espérance dans notre âme, à nous jeunes hommes! On peut faire beaucoup quand on espère. La foi peut transporter des montagnes! Dieu la dit.

Isidore DOUGADOS.

(1) Est-ce l'esprit du christianisme qui a pu dicter au « Nous nous sommes jésuite François Borgia ces paroles : introduits en agneaux, nous régnons en loups; on nous chassera comme des chiens, nous nous régénérerons comme des aigles ? »

GASTON SACAZE, BERGER ET BOTANISTE PYRÉNÉEN.

Les pasteurs de la Chaldée s'occupèrent les premiers d'observations astronomiques; ils vivaient sous un ciel toujours pur, et aux heures de la nuit si belle, si poétique en Orient, ils pouvaient admirer la marche régulière des astres dont l'éclat n'était jamais terni par le plus léger nuage aussi les Chaldéens préludèrent aux admirables découvertes de l'astronomie.

C'est que l'homme, qui habite les champs, qui vit dans une pleine et entière liberté, qui ne connait pas la triste uniformité de la ville, est frappé, à chaque instant, par quelque chose de grand et de sublime, parce que tout est grand et sublime dans le spectacle de la nature. Ce qu'il voit l'impressionne vivement, et il subit insensiblement l'influence du climat.

Sous le ciel nébuleux de l'Ecosse, le berger chante, au milleu des brouillards, les mélancoliques traditions. des bardes des anciens jours.

Sur les plages de Venise, dans les plaines de la Toscane, le berger italien fredonne gaiment ses joyeuses ariettes : il est chanteur.

Sur les montagnes de la Suisse, les vieux pasteurs enseignent à leurs enfans le Ranz des vaches, éternelle élégie, que les descendans de Guillaume Tell n'oublieront jamais....

Et nos bergers pyrénéens n'ont-ils pas aussi leurs mœurs, leurs habitudes particulières ? La nature, qui a doté si magnifiquement la chaîne des montagnes qui séparent la France de l'Espagne, a-telle oublié ceux qui l'habitent ? Non. La race pyrénéenne n'a rien à envier aux autres montagnards; ses pâturages sont gras et abondans, ses troupeaux nombreux, et, chez elle, les facultés de l'intelligence se développent avec la plus grande facilité. D'ailleurs, sous le ciel du Midi, l'imagination est plus fécoude, et la moindre culture la rend capable des plus grandes choses. Souvent même, elle se développe par sa seule force, et alors ses productions se font remarquer par une certaine grace virginale qu'on chercherait vainement ailleurs les fleurs sauvages, qui embaument le sommet des montagnes, les prairies des vallées, ont plus de parfums que celles qui croissent dans nos jardins et nos parterres.

Si nous voulions parler aujourd'hui de tous les phénomènes intellectuels dont la France méridionale s'honore à juste titre, la nomenclature serait longue; aussi nous bornerons-nous, pour le moment, à signaler à l'admiration de nos compatriotes un berger pyrénéen qui, sans autre secours que l'instinct de la vocation et l'impulsion de son génie, a conquis un nom parmi les savans et les artistes.

Non loin des Eaux-Bonnes, presque à l'extrémité de la vallée d'Ossau, s'élève le modeste et gracieux village de Bagés-Béost; ce petit boug, riant et pittoresque, était à peine mentionné sur les albums des voyageurs, il y a quelques années; mais un de ses habitans, un MOSAIQUE DU MIDI. Be Année.

berger, lui a donné une importance réelle : cet homme remarquable a reçu un juste tribut d'éloges de M. Moreau, qui, dans son Itinéraire aux Eaux-Chaudes et aux Eaux-Bonnes, parle de lui en ces termes :

« Du milieu des modestes habitations de BagestBéost semble se dresser, un peu fière, une maison de simple et noble apparence, que nul étranger ne manque de visiter pendant la saison des eaux; c'est la demeure de Gaston Sacaze, d'un pasteur botaniste, dont le nom, j'ose le dire, est européen. Obscur montagnard qui, sous le plus modeste vêtement, cache une individualité devant laquelle tous doivent s'incliner. Long-temps j'ai étudié avec défiance cette humilité si riche d'instruction et de savoir: je craignais de surprendre l'orgueil sous tant de modestie; il n'en est rien, et ce n'est qu'une nature privilégiée qui s'ignore. Gaston Sacaze, sans autre guide que l'inspiration et un amour exalté pour les plantes, grace à la possession d'un traité de botanique, a pénétré jusques aux entrailles de cette science si vaste. Arrêté, à tout instant, par son ignorance du latin, dont les études de botanique sont hérissées, il s'est mis seul à étudier cette langue avec quelques vieux livres empruntés à la bibliothèque du curé et du maître d'école.

<«< Lorsqu'il ne sera pas occupé à garder son troupeau sur la montagne, il vous montrera ses immenses herbiers, son jardin, où croissent, scientifiquement classées, toutes les fleurs de la vallée d'Ossau; il est à la fois peintre, poète, musicien; mais avant tout, il est pasteur. >>

On pourrait faire de curieuses appréciations sur cette intelligence vraiment extraordinaire, qui s'est tracé son chemin sans autre guide que la simple nature, et qui est arrivée heureusement au but qu'elle s'était proposé. Mais de pareilles réflexions ne peuvent trouver place dans le cadre de notre publication spécialement populaire, et nous nous bornerons à donner à nos lecteurs quelques détails biographiques sur le célèbre botaniste de la vallée d'Ossau.

Gaston Sacaze paraît avoir, à peu près, cinquante ans; sa démarche est noble, son front élevé, et la simplicité de ses vêtemens rustiques donnent à toute sa personne un aspect vraiment patriarchal il porte babituellement le costume pyrénéen, en honneur parmi ses compatriotes; sa tête est coiffée du berret béarnais, et cependant, à le voir, on dirait qu'il a toujours vécu au milieu du monde le plus poli; sa conversation est élégante, ses expressions sont ordinairement bien choisies, et souvent on remarque en lui certains mouvemens d'éloquence, surtout quand il dépeint les montagnes, et lorsqu'il décrit les fleurs et les plantes classées dans son herbier.

Comment cet homme a-t-il pu obtenir de si étonnans résultats, demanderont certaines personnes qui croient avec peine qu'un berger réduit à ses seules

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inspirations, ait pa se faire un nom parmi les botanistes français et étrangers..... La réponse est bien simple..... Gaston Sacaze avait reçu du ciel le feu sacré qui fait éclore l'intelligence, et prédispose aux travaux de plaisir. « En outre, dit M. Alexandre Daunon dans sa notice sur Gaston Sacaze, publiée dans le Constitutionnel, les bergers des Pyrénées, comme ceux des Alpes, passent, pendant l'été, plusieurs mois consécutifs sur les plateaux et les crêtes des montagnes dans le plus complet isolement, sans autre société que leurs chiens et leurs troupeaux, qu'ils conduisent de pâturages en pâturages. Sur ces hautes montagnes, revêtues d'une verdure d'un éclat sans pareil, vivent et croissent une multitude de plantes et de fleurs inconnues dans les basses régions. Ce fut dans ces solitudes, au milieu de ces familles végétales, que Gaston puisa le germe de son penchant pour la botanique. Doué d'un profond esprit d'observation, il se livra, sans autre guide que son instinct, à la recherche de la végétation des plantes, de leurs habitudes, de leurs mœurs. »

Béost lui dit qu'il existait des ouvrages spécialement consacrés à l'histoire des végétaux; le pasteur botaniste se donna toutes sortes de mouvemens pour se latin, et personne n'ignore que de longues études procurer un vieux Linnée. L'ouvrage était écrit en sont nécessaires pour parvenir à comprendre facilement cette langue, la plus difficile peut-être de celles qui furent parlées par les peuples anciens. Ce nouvel obstacle ne rebuta pas Gaston Sacaze; le maître d'école lui prêta une grammaire de Lhomond; le curé lui procura un vieux dictionnaire, et le botaniste, saus les conseils d'aucun maître, apprit non seulement à traduire, mais encore à parler et à écrire purement le latin; nous avons entendu Gaston Sacaze, et nous sommes persuadés que peu de nos professeurs de collége connaissent aussi bien que lui la langue de Cicéron et de Virgile.

Aussitôt qu'il fut en état de traduire Linnée, Sacaze apprécia l'excellence et la supériorité de la méthode du botaniste suédois.-Les nombreuses figuSacaze connaissait déjà toutes les plantes qui sité du dessin. C'était un complément indispensable res qui ornaient son vieux livre lui révélèrent la nécescroissent dans la vallée d'Ossau et sur la crête du pic d'Artouste; il avait déjà formé un herbier; mais il adonna avec une égale ardeur, et, sans guide, sans la aux connaissances qu'il venait d'acquérir; il s'y s'efforçait vainement de faire une nomenclature de ses récoltes et de ses découvertes annuelles; il était dans moindre notion préliminaire, il parvint à dessiner. le plus grand embarras, lorsque le curé de Bagest-reproduire. Ce succès ayant excité son émulation, il avec une admirable netteté, les plantes, qu'il voulait

retraça avec fidélité les divers aspects de sa vallée : ces dessins, en assez grand nombre, étonnent par l'exactitude avec laquelle les distances, les échancrures des crètes, leur élévation ont été observées, sans le secours d'aucun instrument. (1) Depuis dix ans, Gaston Sacaze s'occupe d'une classification des plantes des Pyrénées, selon la méthode de Linnée. Ce grand travail comprend déja deux mille deux cents espèces. C'est un monument précieux pour la science, et qui fait l'admirationdes naturalistes; il faudra à Gaston dix autres années pour le terminer, car il est obligé de partager son temps entre ses près, ses bergeries et ses travaux scientifiques; mais il est loin de se décourager (2).

A mesure que ses facultés intellectuelles se sont développées, le botaniste de la vallée d'Ossau à éprouvé de nouveaux besoins; non content d'être naturaliste et dessinateur, il a désiré être musicien, et ses efforts ont été couronnés d'un plein succès. Comme les génies primitifs, il a voulu tout embrasser, et trouver ensuite un poétique délassement à ses travaux de chaque jour; les chansons des montagnards, les hymnes des Pyrénées, que les générations se sont transmises depuis les temps les plus reculés, lui ont révélé un› troisième vocation, et ses études musicales n'ont pas été infructueuses. Il a inventé une espèce de luth à huit cordes, qui rend les sons les plus harmonieux; les voyageurs racontent des merveilles de cet instrument; nous avons vu Gaston Sacaze à l'œuvre et nous avouns que l'instrument, dont il est l'inventeur; ne serait pas déplacé dans nos orchestres de theâtre et de salons. Mais ce luth ne produirait sans doute pas le même effet sous les doigts de nos musiciens; pour tenir cette lyre moderne, il faut pouvoir imiter. Orphée et Gaston Sacaze est le seul qui ait rendu moins incroyables les prodiges de la fable.

Le berger da la vallée D'ossau, devenu botaniste, linguiste et musicien, ne pouvait s'empêcher de cultiver la poésie; il a réussi dans ce dernier genre, et l'idiome béarnais, depuis la mort de Despourrins, n'avait pas trouvé de plus gracieux, de plus naïf interprète que Gaston Sacaze : quand on lui témoigne le désir de parcourir le recueil de ses œuvres poétiques,

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il hésite d'abord, il témoigne même quelque répugnance, mais il cède bientôt, et les étrangers, qui le visitent dans sa demeure, ne se repentent pas d'avoir insisté.

Quelques personnes croiront peut-être que le berger d'Ossau, tirant vanité de sa réputation presque européenne, a oublié la noble simplicité des mœurs primitives elles se trompent; Gaston Sacaze est modeste, comme tous les hommes doués d'un talent réel. Membre d'une société scientifique nouvellement établie à Pau, il refusa d'abord cet honneur, dont il se prétendait indigne; de nouvelles et pressantes sollicitations ont enfin triomphé de sa résistance. Il est affable avec les étrangers, qui ne peuvent s'empêcher d'admirer une intelligence si richement dotée.

Mme Ellis, qui a écrit sur le Béarn une rélation imprimée à Londres, parle en ces termes du berger botaniste, musicien et poète.

« Tous ceux qu'un intérêt réel pour la science porte à rechercher la société de Gaston, trouvent en lui un homme intelligent et aimable, qui réunit, à la délicieuse simplicité de la vie primitive, la dignité d'un génie naturel, et la politesse d'un vrai gentleman ».

une

«Hvint aux Eaux-Bonnes rendre visite à nos amis; comme il prenait du thé avec eux il avoua avec une grande simplicité, qu'il n'en avait goûté qu'une autre fois dans sa vie, et que la première fois il l'avait mangé sec. Nous eûmes, dans la suite, le plaisir de le rencontrer dans la même maison, et ce fut, pour nous, grande satisfaction; car son extérieur répond en tout point à l'idée qu'on peut s'en former d'après un pareil caractère. Sa taille est haute de six pieds environ; il est mince, agile, admirablement bien pris. Ses cheveux, d'un noir jais, qui descendent sur ses épaules en boucles négligées, sont coupés très ras par devant. C'est, à ce qu'il nous a dit lui-même, la coutume chez les paysans qui, portant sur la tète d'énormes faix de foin et de paille, sont obligés, pour se guider dans leur marche, de porter toujours leurs regards en droite ligne.

«Le jour où nous le vimes, Gaston portait une courte jacquette bleue sa taille était serrée par une belle ceinture de soie cramoisie; mais la partie la plus remarquable de son costume était sa large cape brune, que, d'après une habitude contractée dans les montagnes où l'air est toujours si vif, il gardait même dans la maison. Ce vêtement, mieux que tout autre, s'harmonisait avec ses traits expressifs et intéressans, et projetait une ombre épaisse sur son front de penseur, vallée d'Ossau; son nez légèrement aquilin, ses yeux Tout, sur son visage, révélait le montagnard de la vifs et intelligens, ses dents blanches et régulières, ses sourcils très arqués et nettement tracés, ses mouvemens rapides et très expressifs étaient en même temps pleins de grace et de dignité; mais ce que je trouvai de plus extraordinaire dans sa conduite, c'est qu'on ne put le décider à marcher sur un tapis qui recouvrait le parquet, avant qu'il eût ôté ses souliers, qu'il plaça sous une chaise, et qu'il reprit lorsqu'il nous quitta.

« Dans cette occasion encore, il nous parut très peu au fait de notre manière de prendre le thé. En effet, comme la maîtresse de la maison l'engageait à venir le

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