페이지 이미지
PDF
ePub

facrifice en vous cédant; mais madame de Clémont eft ma bienfaictrice, je me trouve trop heureufe de pouvoir lui donner cette preuve d'attachement, & je vous demande en grace d'y confentir.

[ocr errors][merged small]

Mon dieu, madame, je ferai tout ce que vous m'ordonnerez. Cependant....

Madame DU PRÉ.

Vous aurez dans madame de Lincé une maîtreffe bonne, vertueufe....

JUSTINE.

Je le fais, madame, & fûrement, fans le chagrin que j'ai de vous quitter, j'entrerois à fon fervice avec la plus grande joie..

Madame DU PRÉ.

Elle part demain; il faut, Juftine, partir avec elle; je l'ai promis à madame de Clémont qui le defire beaucoup.

[blocks in formation]

Oui, mon enfant: dès qu'on fe décide à une chofe, on doit y mettre toute la bonne grace

qu'on peut.

Tome IV.

I

JUSTIN E.

Mais, madame, je n'ai pas d'idée du fervice d'une dame, ni de la maniere dont il faut fe conduire dans une grande maifon.

Madame DU PRÉ.

Il faut être polie avec tous les domeftiques, n'avoir de familiarité avec aucun, & vous ferez confidérée de tous. Vous aurez une compagne: témoignez-lui beaucoup d'égards, mais ne vous liez avec elle qu'après une longue connoiffance, & quand vous ferez fùre qu'elle eft auffi honnête que vous.

JUSTINE.

Et fi elle eft méchante, envieuse?

Madame DU PRÉ.

Vous n'en ferez pas votre amie; & en rempliffant bien votre devoir, vous n'aurez rien à craindre d'elle.

JUSTINE.

Mais, fi elle me noircit auprès de ma maîtreffe?

Madame DU PRÉ.

Les maîtres, qui ont fur nous l'avantage de l'éducation, ont, par cette raison, en général plus d'efprit que nous, & favent fort bien dif

cerner les motifs qui nous font agir. D'ailleurs, il ne faut pas être bien fin pour diftinguer la méchanceté, du zele; les envieux fe trahiffent eux-mêmes à toute minute, & le moins rufé les voit venir d'une lieue...

JUST INE.

J'aurai un grand bonheur, c'est que madame de Lincé est la bonté même, qu'elle n'a jamais de caprice, d'humeur...

Madame DU PRÉ.

Juftine, il n'y a perfonne de parfait fur la terre, il faut vous attendre à cela; mais quand on trouve dans une maîtreffe de la juftice & um bon cœur, on doit tout fupporter fans peine. JUSTIN E.

Vous croyez que madame de Lincé a des défauts?...

Madame DU PRÉ.

Je ne lui en connois point; je fais feulement qu'on ne peut manquer d'en trouver à la perfonne qu'on voit tous les jours, fur-tout lorf qu'elle n'a nul intérêt à nous plaire, & que rien ne l'oblige à fe contraindre avec nous. D'ail leurs, une dame n'a-t-elle pas fes chagrins particuliers? Peut-elle être dans tous les momens

de la même humeur? Souvent elle fera brufque, parce qu'elle eft diftraite & occupée d'affaires; & on l'accufera de caprices, parce qu'elle est dans la peine. Il faut fouffrir tout cela avec patience, & vous dire, quand vous verrez votre maîtreffe en mauvaise difpofition, elle eft peutêtre malade, ou tourmentée par quelque chagrin fecret... Alors, Juftine, au lieu d'être aigrie par une vivacité, ou pour un propos dur, vous la plaindrez; & elle vous intéreffera encore davantage.

JUSTINE.

Mais comment faudra-t-il m'y prendre pour lui plaire, pour m'en faire aimer ?

Madame DU PRÉ.

En vous attachant véritablement à elle. Si vous l'aimez, elle vous aimera: ce moyen feul peut réuffir; 'en cherchez point d'autres, vous vous abuferiez. Eh n'eft-il pas naturel d'aimer celle qui nous donne de quoi vivre, qui s'occupe de notre bonheur & de nos petits intérêts, qui protege notre famille, qui ne nous defire que du bien, celle enfin qui nous fera Toigner & fubfifter dans notre vieilleffe, fi nous la fervons avec fidélité?... Tout le malheur

des domestiques vient de s'exagérer les défauts de leurs maîtres, de ne point affez penser à leurs bonnes qualités, de fentir vivement leurs torts, & foiblement leurs bienfaits. Qu'arrive-til de là? Qu'on n'a nul attachement pour fon maître, & qu'on n'en eft pas aimé. Quand on ne fert point avec affection, on n'eft plus qu'un efclave, & tout devoir trouvé pénible & dur n'eft jamais rempli qu'à moitié.

JUSTIN E.:

Oh moi, j'aimerai ma maîtreffe de toute mon ame, j'en fuis bien fûre.

Madame DU PRÉ.

Alors vous ferez parfaitement heureufe. Je vous exhorte, ma chere Juftine, quelque liberté qu'elle puiffe vous permettre, à ne jamais avec elle fortir des bornes du plus profond respect. Mon enfant, l'on n'eft bien que lorsqu'on eft à fa place; quand on la quitte, on vous y fait rentrer, & c'est cela qui eft vraiment humiliant & fâcheux. Enfin, ne parlez jamais de votre maîtreffe à qui que ce foit que pour en dire du bien vous devez cacher fes défauts, & vous glorifier de fes bonnes qualités. Quand je fervois madame de Clémont, je me fouviens que

« 이전계속 »