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j'étois plus fiere lorsqu'on la vantoit, que fi on m'eût louée moi-même; je me regardois dans fa maison comme dans ma famille ; je n'avois d'intérêts que les fiens; loin de fonger à tirer, à me faire donner, je ne m'occupois que des moyens de lui épargner de la dépense; je vivois bien avec mes camarades; je n'avois jamais de difpute avec perfonne: mais fi je voyois quelque domeftique fe mal conduire & faire du tort à ma maîtreffe, après m'en être bien affurée [car il ne faut pas foupçonner légérement] j'en avertiffois fans balancer. De cette maniere, dans les quinze ans que j'ai fervi madame de Clémont, je puis me vanter de lui avoir été d'une très-grande utilité, & d'avoir établi un excellent ordre dans fa maison. J'en fuis bien récompensée, d'abord par le témoignage de ma confcience, & enfin par les bienfaits fans nombre de cette bonne maîtreffe. J'avois pour compagne une fille avare, intéreffée, qui n'avoit d'autre idée que celle d'accrocher des préfens & d'accumuler des profits: elle eft fortie de chez madame de Clémont avec beaucoup de robes, de linge, & environ cinq à fix mille francs d'argent comptant, qu'elle avoit acquis

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aux dépens de la probité. Comme elle s'étoit payée par fes mains, elle n'a point eu de récompense; elle a perdu, pour de petites pilleries qui ne lui ont pas affuré de pain, & fa réputation, & une penfion : & moi qui n'avois rien amaffé, on m'a fait une fortune qui furpaffoit toutes mes espérances. C'eft ainsi, Justine, qu'indépendamment de la religion & de la vertu, notre intérêt feul devroit nous décider à nous conduire honnêtement. Mettez-vous bien ces idées dans la tète, que les maîtres jugent parfaitement leurs domeftiques ; qu'ils ont quelquefois la foibleffe de tolérer les frippons, mais qu'ils ne les récompenfent jamais ; & que tous les profits, & même toutes les voleries qu'on peut faire dans une maison en quinze ans, ne valent pas le fort qu'un bon maître affure toujours à un domestique fincérement affectionné. JUSTINE.

Je vous écoute, madame, avec autant de plaifir que d'attention; car ces raifonnemenslà font trop clairs pour être au-dessus de ma portée, & je penfe d'ailleurs que dans tous les états de la vie, la fatisfaction de foi-même & une bonne réputation valent tous les tréfors du monde.

I iv

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Madame DU PRÉ.
DUPRÉ.

Conferve ces honnêtes fentimens, ma chere fille, fois toujours pieufe, vertueufe; préfere l'honneur à tout, & dans ton humble condition tu feras refpectable; honorée ; la fortune même viendra te chercher, & préviendra tes vœux. Mais montons là-haut, allons retrouver ma mere, elle fera bien aife d'apprendre ce détail, car elle est attachée à la famille de madame de Clémont, autant que je le fuis moimême. Viens, mon enfant. (Elle la prend fous le bras. Elles fortent.)

LA LINGERE,

COMÉDIE

EN DEUX ACTE S.

PERSONNAGES.

Madame DUROCHER, marchande lingere.
SILVIE, fille de madame Durocher.
ALINE, jeune apprentie.
GEORGETTE, fille de boutique.

Madame BERTRAND, marchande d'étoffes, niece de madame Durocher.

GOGO, ágée de fix ans, fille de madame Bertrand.

CATHERINE, fervante de madame Durocher. La comteffe D'OLSE Y.

La fcene eft à Paris, chez madame Durocher.

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