robe à la polonoise... ... c'eft fi commode, fi joli!.. fur-tout par-derriere; regardez donc... (Elle fe retourne.) Madame DUROCHER. Fort bien... Et les noeuds de rubans, rien n'y manque. GEORGETTE. Oh, mademoiselle eft au parfait comme ça !... Madame DUROCHER. Et qu'est-ce qu'elle a fur la tête, comme une groffe tourtiere ? SILVIE. C'est un chapeau. Madame DUROCHER. Ah ça, ma fille, êtes-vous folle de vous équiper de la forte? SILVIE. Comment donc, maman? Madame DURO CHE R. Savez-vous à quoi vous reffemblez? A une danfeufe de corde. SILVIE. Oh pourtant, maman, les dames même ne portent pas d'autre habit aujourd'hui. Madame DUROCHER. Mais les dames font faire leurs polonoifes par de bonnes couturieres, & paient douze francs de façon. Les dames prennent leurs chapeaux chez les meilleures marchandes de modes; êtes-vous en état de faire toute cette dépenfe? Non; vous n'avez donc pas l'air d'une dame, & vous ne pafferez que pour une petite bourgeoife ridiculement habillée; "ou bien, fi vous joignez à toutes ces fanfrelucheslà des airs évaporés, ce n'eft pas pour une dame qu'on vous prendra, ni pour la fille d'une honnête marchande, mais pour ce qu'il y a de pis... Fi donc... Voilà tout ce qu'on peut gagner à vouloir fortir de son état. SILVIE. Maman, je vais me déshabiller. Madame DURO CHE R. I Vous ferez fort bien; mais auparavant écou tez-moi.... Savez-vous pourquoi Aline eft fi trifte depuis hier matin?... SILVI E. Non, maman; mais il eft vrai qu'elle eft bien penfive, & naturellement elle n'eft pas boudeufe ni fournoife... GEORGETTE. Toute la nuit elle n'a fait que geindre & fanglotter, fi bien que je n'en ai pas fermé l'œil. Je lui ai demandé par trois fois : mademoifelle Aline, qu'avez vous donc ?... Je fuis enrhumée du cerveau, dit-elle, je fuis en chifrenée. Madame DUROCHER. Vous êtes fûre qu'elle pleuroit?... GEORGETTE. O mon dieu, madame, très-fûre. Et puis hier elle n'a ni bu ni mangé.... Madame DUROCHER. Et elle ne vous a fait aucune confidence? GEORGETTE. Oh, n'y a pas de crainte! Mademoiselle Aline eft fi haute.... Parce qu'elle lit dans l'histoire & la géographie, elle croit qu'on n'eft pas digne de lui délier les cordons de fes fouliers... Pourtant on la vaut bien défunt ma mere étoit tapiffiere dans la rue des Lombards... : Madame DURO CHE R. Voilà de belles raifons!.. Eft-ce que vous croyez, Georgette, que nous n'avons de valeur que par notre naiffance? Ces idées-là font ridicules dans des nobles: ainfi en nous elles font encore plus fottes... Vous valez bien Aline parce que vous êtes fille d'une tapiffiere! Qu'est-ce que votre mere fait à cela, je vous prie? Il s'agit de favoir fi vous êtes auffi honnête, auffi adroite, auffi bien élevée qu'Aline; voilà comment vous vaudriez autant qu'elle. Et puis, pourquoi dites-vous qu'elle est haute?... Il est vrai qu'elle n'est pas familiere ; mais peuton voir une fille plus douce, plus foumise, moins raisonneufe?... SILVIE. Oh pour cela non; Aline eft la bonté même; elle ne méprife perfonne, elle ne médit jamais, & avec cela elle a tant d'efprit, & elle fait de fi belles chofes ! . . Elle m'a appris cinq ou fix fables de la Fontaine, qui font charmantes; mavous ne le trouvez pas mauvais?...! man, Non fûrement ; vous faits très-bien, Silvie : quand on n'envie pas les perfonnes qui en favent plus que nous, on profite de leur fcience; & c'eft comme cela, mon enfant, qu'on trouve toujours fon compte à n'être pas méchante ; f on en retire utilité & plaifir ... Mais allez, Silvie, changer de robe, je vous en prie, & puis vous irez tantôt vous promener aux champs Elysées, avec madame Bertrand & Aline. SILVIE. Maman, je vous demande la permiffion d'aller plutôt aux Boulevards neufs. Madame DURO CHE R. Pourquoi donc?... Vous aimiez tant les champs Elysées... SILVIE, embarrassée. Oh, c'eft que.... Madame DURO CHE R. GEORGETTE. Nous avons été fuivies par un monfieur.... Madame DURO CHE R. Et... Aline étoit avec vous? GEORGETTE. Vraiment oui.... & le monsieur n'avoit |