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paternelle, & pour fe décider à porter le poi gnard dans le fein d'un pere & d'une mere, & à préférer l'infamie à un état folide & honorable.

Madame BERTRAN D.

D'ailleurs, fi un femblable malheur arrivoit à d'honnêtes gens comme nous, fûrement nous aurions bien le crédit de faire enfermer pour la vie l'abominable créature qui nous abandonneroit ainfi.

Madame DUROCHER.

Cela n'eft pas douteux; mais nous devons donc prendre les plus grandes précautions pour éviter d'en venir jamais à ces cruelles extrè→ mités. Dans toutes les conditions, une jeune perfonne coquette fera méprifée; mais dans notre état fur-tout, celle à qui l'on n'a pas infpiré la plus grande modeftie, peut, d'un moment à l'autre, déshonorer fes parens, puifqu'elle eft expofée à des dangers & à des féductions qui n'exiftent pas pour des filles de qualité: ainfi vous voyez donc bien que nous ne faurions donner trop de foins à leur édu

cation.

Madame BERTRAN D.

Mais faut-il, dans la crainte qu'elles ne

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tournent mal, les élever dans l'ignorance, & renoncer au plaifir de leur voir des talens?

Madame DUROCHER.

Point du tout, ce n'eft pas mon opinion; je ne fais pas grand' - chofe; mais pourtant, à mes momens de loifir, j'ai par-ci par-là un peu lu, & feu mon oncle l'avocat m'avoit fait cadeau d'une cinquantaine de livres (*), dans lef quels j'ai trouvé de très - bonnes choses. Cela m'a perfuadée de plus en plus, que fans un peu

(*) D'après les principes de madame Durocher, on fuppofe que dans le préfent de fon oncle devoient fe trouver l'Imitation, les Sermons de Bourdaloue & de Maffillon, les Penfées de Pafcal, les Effais de Nicole, Télémaque, Paméla, Clarice, Grandiffon, les Contes de madame d'Aunoi, Avis d'une mere à fa fille, de madame Lambert, les Lettres du marquis de Rozelle, le Magafin des enfans, Traité de l'éducation des femmes ou cours complet d'inftructions, & les Converfations d'Emilie, ouvrage charmant fur l'éducation, rempli d'efprit & de vérité, auffi agréable que moral, & qui peut également éclairer & intéresser les meres & les jeunes perfonnes de toutes les conditions. On obfervera fans doute qu'il eft bien remarquable qu'on puiffe citer fix bons ouvrages relatifs à l'éducation, tous faits par des femmes.

d'inftruction, il eft prefqu'impoffible de bien remplir tous fes devoirs. En conféquence, j'ai voulu que Silvie eût de la lecture, qu'elle écrivit bien, fût l'orthographe, & parfaitement compter (*). Voilà, ma niece, à peu près mes idées fur tout cela; mais nous en cauferons encore, car ce n'eft pas dans un jour qu'on peut raifonner à fond là-deffus. A préfent, ditesmoi quelle partie de plaifir vous vouliez me propofer pour Silvie.

Madame BERTRAN D.

Ma tante, c'est qu'avant-hier ma fœcur a été voir une comédie.

(*) Madame Durocher devoit ajouter qu'on peut auffi donner aux jeunes filles dont elle parle, quel ques talens agréables, comme le deffin, par exemple, fans négliger de leur apprendre auffi tous les petits ouvrages de femmes, afin qu'elles foient en état de travailler pour elles, au lieu de dépenser de l'argent inutilement en achetant les chiffons dont elles ont befoin. Enfin, il faut fur-tout les accoutumer à fe mêler des foins du ménage, les inftruire avec détail de la maniere dont on doit conduire une maison, & leur donner l'exemple de la piété, de l'économie & de l'activité.

Madame DU ROCHER.

Aux François ?

Madame BERTRAN D.

Oh, non, c'est bien plus joli & meilleur marché, les places les plus cheres ne coûtent que trente fols, ce qui fait que nous pouvons nous procurer ce divertiffement-là fans nous déranger; & puis c'eft charmant. Ma fœur a vu une petite farce qui s'appelle l'Amour-Quêteur. Elle m'en a fait des récits!..... Cela est joué par des petites filles de douze à treize ans... & qui font gentilles !....

Madame DUROCHER.

Vous imaginez fans doute que des enfans de cet âge ne doivent repréfenter que des petites pieces bien honnêtes & que nos filles peuvent entendre fans danger. Eh bien, point du tout. J'y ai été une fois, moi ; j'ai vu précifément cet Amour-Quêteur dont vous me parlez, & je vous affure que fi j'y avois mené Silvie, je ne me ferois jamais confolée d'une pareille imprudence.

...

Madame BERTRAN D.

Bon!....

Madame DURO CHE R.

Vous n'avez pas d'idée de l'indécence de

cette piece; & toutes celles qui fe jouent là, font dans le même goût....

Madame BERTRAN D.

Fi donc!...... Mais, d'ailleurs, cela doit être bien défagréable & bien choquant d'entendre des petites filles encore dans l'enfance, dire des chofes capables de faire rougir des femmes de quarante ans, & de voir paroître auffi, dans l'âge de l'innocence, l'effronterie & la corruption. Moi, je ne peux pas me figurer

cela.

Madame DUROCHER.

Oh, c'est une espece de dépravation faite pour révolter les moins délicats; cela eft certain.

Madame BERTRAN D.

Mais comment fe peut-il que tous les gens de notre état menent là leurs filles?

Madame DUROCHER.

Parce que les meilleures places ne coûtent que trente fols.

Madame BERTRAN D.

Voilà une belle raifon pour choisir un divertiffement auffi pernicieux pour les mœurs! En fortant de là, une mere a bonne grace de

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